Transition numérique : Les populations entre curiosité et attentes
mercredi 17 juin 2015
A quelques heures de la fin de l’ultimatum du basculement
dans le numérique, le 17 juin, la plupart des citoyens
rencontrés s’empressent de découvrir ce
passage tant annoncé et attendu dans notre pays. La
grande préoccupation chez eux demeure l’avenir des
anciens postes téléviseurs. Un tour effectué dans
quelques concessions permet de s’en convaincre.
L’échéance pour le passage de
l’analogique au numérique est fixée ce
17 juin. Avec le peu de temps qui nous
sépare à ce délai, cette mutation ne
semble pas pour le moment attirer l’attention
de nombreux consommateurs.
Cependant, certain ont hâte de découvrir
cette curiosité. Dans cette maison
sise sur les deux voies de la liberté VI,
les pensionnaires regardent tranquillement
leur télévision. 19h30. L’heure
privilégiée de diffusion de la plupart
des feuilletons. Difficile de détourner
leur regard. La concentration est de
mise. Moustapha Djgo, un père de famille
quinquagénaire, observe une petite
pause avec son chapelet pour
nous répondre. Sur la question de la
transition, il a l’air pessimiste. « A
quelques heures de l’échéance, il
n’existe pas véritablement d’indices
qui rassurent que nous allons vers le
basculement. Nous ne voyons même
pas l’ombre d’un décodeur dans les
marchés encore moins dans les
foyers, comme l’ont annoncé les autorités
en charge de cette question »,
déclare-t-il. S’interrogeant sur la manière
dont cette transition va s’opérer.
« Nous ignorons le processus de basculement
ainsi que les implications
que cela va entraîner. Nos postes té-
léviseurs seront-il jetés ou gardés », se
demande encore le vieux sur un ton
ironique.
Marième, sa fille étudiante, semble
plus informée de la question, mais sa
préoccupation réside dans le contenu
qui sera donné à ces télévisions. « Nous
espérons qu’avec l’avènement de cette
technologie, beaucoup de changements
seront apportés aux grilles des
programmes afin de les rendre plus alléchants
et instructifs », souhaite-elle.
Pour Hamidou, courtier dans une
agence immobilière située dans le
même endroit, déplore, de son côté,
l’absence de communication et de sensibilisation
sur cette transition. « J’ai
noté aucune activité d’information des
autorités auprès des consommateurs
sur cette histoire de passage de l’analogie
au numérique, mis à part le tournoi
Tnt dans les arènes », dénonce-t-il.
Selon lui, le premier pas devrait d’abord
consister à préparer le terrain en expliquant
aux populations les grandes mutations
qui sont attendues de cette
transition. Il invite ainsi les responsables
du Comité national de pilotage de l’analogie
vers le numérique (Contan) de
mettre en place un plan d’action de
sensibilisation afin d’accompagner les
populations dans le processus de transition.
Ce qui permettra, à son avis,
d’apaiser toutes les inquiétudes des
personnes. Dans la même veine,
Adama Sow, directeur numérique du
Groupe futurs média (Gfm), soutient
que l’Etat du Sénégal, par le biais du
Contan, « a raté la communication » du
passage au numérique. Il note que
rares sont les Sénégalais capables de
vous dire ce qui va se passer le 17 juin.
Indiquant que le Sénégal a réussi le plus
difficile, à savoir un financement innovant
et la construction de l’infrastructure
par Excaf, mais loupé le plus facile :
la communication. « C’est dommage,
parce qu’un plan de communication
devait être déclenché six mois avant le
mois de juin pour dire aux Sénégalais
les conditions dans lesquelles ils recevront
les chaînes de télévisions séné-
galaises au soir du 17 juin 2015. On
dirait que le Contan n’a pas reçu les
complaintes des acteurs du secteur audiovisuel
et des populations au sujet de
l’absence de communication », dé-
plore-t-il. Chez les vendeurs de postes
téléviseurs, le constat est le même. Pas
de changement particulier sur leur
commerce. « On nous annonce depuis
quelques temps l’arrivée de décodeurs,
mais nous attendons toujours. Les
clients ne cessent de nous interpeler
sur la disponibilité de ce matériel »,
confie Momar Seydi, établi au marché
Tilène, près de la maison de la culture
Douta Seck.
Abdou Diaw et Ibrahima Ba
(Source : Le Soleil, 17 juin 2015)