Transition numérique en Afrique : l’OIT veut tracer la voie vers des emplois qualifiés
mercredi 8 octobre 2025
L’Afrique abrite l’une des populations les plus jeunes et dynamiques du monde. Dans ce contexte, les compétences numériques deviennent un levier clé pour l’employabilité des jeunes. La digitalisation rapide des secteurs économiques impose à cette jeunesse d’acquérir des compétences adaptées pour accéder à des emplois stables et qualifiés.
Le Centre international de formation de l’OIT (ITCILO) organise, du mardi 7 au mercredi 8 octobre, le programme « Skills for Fair Digital Transitions in Africa ». Soutenue par le ministère italien des Affaires étrangères et plusieurs institutions africaines, cette formation hybride vise à fournir aux pays du continent des outils concrets pour accompagner leur transition numérique. Elle cherche également à garantir une formation inclusive et à promouvoir l’égalité des chances dans les métiers émergents de l’intelligence artificielle, de l’entrepreneuriat numérique et de la cybersécurité.
Cette initiative illustre l’urgence pour les systèmes éducatifs africains de s’adapter à un marché du travail en mutation rapide. Elle s’inscrit dans une dynamique plus large impulsée par l’Organisation internationale du travail (OIT), qui a élaboré un cadre de référence des compétences numériques. Ce document, conçu comme un outil stratégique, vise à clarifier la classification de ces compétences et à aider les États à structurer leurs politiques de formation et d’insertion professionnelle.
Selon l’OIT, les compétences numériques couvrent l’ensemble des savoir-faire nécessaires pour utiliser les technologies numériques dans un contexte professionnel. Il ne s’agit plus seulement de savoir naviguer sur Internet ou rédiger un e-mail, mais aussi de manipuler des logiciels spécialisés, d’analyser des données ou de sécuriser des systèmes d’information.
Le cadre distingue plusieurs niveaux. Les compétences de base, comme la gestion de documents ou la communication numérique, forment le socle indispensable à tout emploi moderne. Les compétences intermédiaires englobent l’analyse de données, la maîtrise d’outils collaboratifs et l’utilisation de logiciels professionnels. Enfin, les compétences avancées, liées à la programmation, la cybersécurité ou la science des données, ouvrent la voie à des métiers hautement qualifiés dans les secteurs technologiques en pleine expansion sur le continent.
Un levier d’employabilité encore inégalement réparti
La Banque mondiale estime que les jeunes disposant de compétences numériques avancées ont davantage de chances d’accéder à des emplois formels et mieux rémunérés. À l’inverse, ceux qui n’en maîtrisent que les rudiments se retrouvent souvent cantonnés à l’économie informelle. La fracture numérique alimente donc la précarité professionnelle et creuse les inégalités socio-économiques.
Or, l’accès à la formation numérique reste très inégal. Selon un rapport de la GSM Association (2023), seuls 29 % des habitants des zones rurales utilisent régulièrement Internet, contre une part beaucoup plus élevée en milieu urbain. Au Sénégal, une enquête de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD, 2021) indique que 15,9 % des ruraux ont accès à Internet, contre environ un tiers en ville. Le coût élevé des données, la faiblesse de la couverture réseau et l’insuffisance des infrastructures constituent encore des freins majeurs.
Vers des politiques inclusives et pratiques
Pour combler ces écarts, l’OIT préconise une approche intégrée alliant formation initiale, apprentissage pratique et accompagnement à l’insertion professionnelle. Des programmes comme dSkills@EA en Afrique de l’Est ou la MTN Skills Academy au Congo montrent qu’il est possible d’impliquer les jeunes, y compris en milieu rural, dans des parcours certifiants et adaptés aux besoins du marché.
Garantir un accès équitable aux technologies et à la formation ne relève plus seulement d’une question d’équité. C’est une condition essentielle pour transformer le potentiel démographique africain en moteur durable de croissance et d’innovation. En structurant les compétences numériques à l’échelle du continent, l’OIT contribue à tracer les fondations d’une économie inclusive, capable de créer des emplois qualifiés pour les générations à venir.
Félicien Houindo Lokossou
(Source : Agence Ecofin, 7 octobre 2025)