Nécessité d’un nouveau cadre juridique pour encadrer le basculement
mercredi 17 juin 2015
Avec le basculement dans la télévision numérique, c’est une
nouvelle réalité qui s’offre au paysage audiovisuel sénégalais.
D’où toute l’urgence d’avoir un cadre juridique harmonieux
et approprié capable d’accompagner et d’encadrer
cette nouvelle réalité du monde de la communication et des
technologies.
Pour Youssou Soumaré, directeur
juridique du Bureau sénégalais des
droits d’auteur (Bsda), il apparaît
plus qu’une urgence d’arriver à un
encadrement de haut niveau pour la
réussite du passage au numérique.
Selon lui, l’Etat, en tant que garant
de la communication audiovisuelle
qui est une liberté fondamentale
conformément à la Constitution, se
doit de définir clairement et de délimiter
le périmètre des activités devant
être assumées et mises en
oeuvre par les acteurs de la chaîne
de la communication audiovisuelle.
« Parmi les actions relatives au passage
vers le numérique, l’élaboration
d’un cadre juridique trouve une
place centrale. L’on peut regretter
les lenteurs quant au processus de
mise en place de dispositifs juridiques
et qui concernent d’autres
textes connexes relativement aux
délais imminents vers le basculement
», note-t-il.
A ses yeux, un cadre juridique
exhaustif et efficace pour le passage
au numérique nécessite une politique
claire mise en place, avant
d’aborder la question de la législation
si des modifications législatives
sont nécessaires. « Il faut tout simplement
se garder de trop apprivoiser
les textes étrangers car, même
s’il ne s’agit pas de réinventer les règles
du jeu, l’histoire nous a souvent
habitués à ses soubresauts technologiques. La prise en compte du
contexte, des politiques nationales,
de notre devenir me paraît indispensable.
C’est ce qui m’amène à penser
que les choix à faire sont des
choix de société et l’implication des
parties prenantes est nécessaire
d’autant plus que les questions sont
transversales », avance M. Soumaré.
Travail d’inventaire
Ce faisant, poursuivit-il, les objectifs
clés à définir doivent permettre
de créer les conditions nécessaires
au passage de la radiodiffusion dans
le sens où elle englobe la télédiffusion
format analogique au format
numérique. Mais également d’arrêter
progressivement la télédiffusion
analogique dans la bande pertinente
(et dans d’autres parties de la bande
Uhf, le cas échéant), permettre le
passage des services de télévision
actuellement dans ces bandes à
d’autres parties du spectre et faciliter
l’attribution ultérieure de licences
pour les autres services, une fois
l’accès au dividende numérique autorisé.
« Bien qu’une grande partie de
l’activité ci-dessus s’articule autour
de l’utilisation du spectre, il importe
également d’envisager l’avenir de la
législation en matière de radiodiffusion
publique lors du processus de
transition pour s’assurer que cette
transition permette à la radiodiffusion
nationale qui a d’une certaine
manière une mission d’intérêt général
et de service public de continuer
à fonctionner conformément aux
exigences règlementaires existantes
ou à venir », fait comprendre Youssou
Soumaré, précisant qu’il est fort
probable que la législation requise
pour la mise en oeuvre des activités
envisagées soit déjà en place. Sur
ce point, il a suggéré de mener un
travail d’inventaire pour de faire
l’état des lieux afin d’harmoniser les
dispositifs et éviter les doublons ou
lever les contradictions de fond. « La
politique devrait également porter
sur les aspects institutionnels du
passage au numérique et c’est un
devoir pour le gouvernement et les
autorités directement impliquées
dans le pilotage de ce projet d’envergure
d’aider à percevoir une opinion
claire et limpide de
l’organisation requise pour effectuer
le passage au numérique afin de
lever tout équivoque », souligne l’expert.
Aussi, à l’en croire, au-delà de
la mise en place d’une structure institutionnelle
pour le passage au numérique,
il faut une législation de
base où chaque pays envisagera,
selon ses réalités spécifiques, sa
mise en place sous forme de législation
supérieure. Toutefois, de son
point de vue, il est important que les
dispositifs institutionnels et de direction
soient supervisés par les autorités
gouvernementales afin de
garantir la réalisation des objectifs
de la politique.
Par ailleurs, de l’avis de Mamadou
Baal, expert au Comité national de
transition de l’analogique au numérique
(Contan), avec un nouveau
dispositif juridique, il y aura un nouveau
cahier de charges que tous les
éditeurs de télévision devront accepter
et signer pour pouvoir continuer
à faire leur métier. Pour M.
Baal, la gestion de ce nouveau paysage
audiovisuel est essentielle.
Cela, eu égard surtout aux enjeux
économiques, juridiques, sécuritaires,
environnementaux, politiques
que suscite cet ambitieux projet numérique
du Sénégal.
Abdou Diaw et Ibrahima Ba
(Source : Le Soleil, 17 juin 2015)