Les 8 pays africains avec le plus de personnes non connectées à l’Internet mobile
lundi 24 mars 2025
L’Afrique subsaharienne comptait 320 millions d’abonnés à l’Internet mobile fin 2023, soit un taux de pénétration de 27%. C’est ce qu’indique l’Association mondiale des opérateurs de téléphonie (GSMA) dans son « The State of Mobile Internet Connectivity Report 2024 » publié en octobre 2024.
L’organisation estime que la région présente l’écart d’utilisation de l’Internet mobile au monde, soit 60%. En effet, 710 millions de personnes y sont couvertes par le réseau Internet mobile, mais n’utilisent pas le service. Quelque 160 millions de personnes (soit 13% de la population) ne bénéficient d’aucune couverture et ne peuvent donc pas utiliser le service.
« Plusieurs raisons expliquent pourquoi certaines personnes n’adoptent pas l’Internet mobile malgré leur présence dans des zones couvertes par le haut débit mobile. Parmi les principaux facteurs figurent le manque de sensibilisation à l’Internet mobile et, une fois informées, l’incapacité à s’offrir un téléphone compatible avec Internet, ainsi que le manque de compétences et de littératie » a expliqué la GSMA dans le rapport.
La GSMA ajoute que les utilisateurs actuels souhaitant faire un usage plus fréquent du service se heurtent à divers obstacles comme les préoccupations en matière de sécurité, le coût, l’expérience de connectivité, ainsi que le manque de perception de la pertinence d’Internet.
Voici selon le rapport, les pays africains avec le plus de personnes non connectées à l’Internet mobile à fin 2023 :
Nigeria (120 millions sur 223,8 millions)
Le Nigeria compte 120 millions de personnes non connectées à Internet mobile alors que la Banque mondiale a recensé une population de 223,8 millions (Banque mondiale, 2023), soit 53,6%. Cependant, la Nigerian Communications Commission (NCC) a recensé 136 millions d’abonnés à Internet mobile au 30 novembre 2024, ce qui laisse environ 88 millions de personnes non connectées.
Il faut cependant ajouter que les chiffres réels devraient être moins importants en raison du phénomène de multi-SIM : plusieurs cartes détenues par un même abonné peuvent chacune avoir été comptées comme un abonné. L’Union internationale des télécommunications (UIT) estime le taux de pénétration d’Internet dans le pays à 35,5%.
Dans ses ambitions de transformation numérique, le gouvernement multiplie les initiatives pour accélérer l’accès à Internet dans le pays. L’exécutif s’est donné pour objectif d’atteindre une pénétration du haut débit de 70% en 2025. Pour cela, il investit dans le renforcement de l’infrastructure avec un projet de déploiement de 90 000 km de fibre. Le gouvernement mise également sur l’opérateur national de satellite Nigcomsat et d’autres opérateurs privés comme Starlink pour généraliser l’accès à Internet dans le pays.
Éthiopie (100 millions sur 126,5 millions)
Selon la GSMA, 100 millions d’Éthiopiens ne sont pas du tout connectés à l’Internet mobile alors que la Banque mondiale a estimé la population du pays à 126,5 millions en 2023, soit 79%. Il faut toutefois préciser que la fracture numérique continue de se réduire en Éthiopie au cours des dernières années.
La GSMA estime d’ailleurs dans son rapport Digital Economy Ethiopia Report que la connectivité devrait encore progresser dans les prochaines années, avec plus de 50 millions d’Éthiopiens connectés à Internet mobile d’ici 2028, soit presque le double des chiffres actuels.
Ainsi, le gouvernement s’est récemment engagé à moderniser l’infrastructure Internet nationale, sensibiliser à l’importance de la culture numérique et encourager une utilisation responsable des technologies. Le gouvernement entend également travailler en étroite collaboration avec les pays membres de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) afin d’améliorer la connectivité dans les zones reculées et d’assurer un accès équitable et sécurisé à Internet.
Égypte (55 millions sur 112,7 millions)
55 millions de personnes en Égypte n’ont pas accès à l’Internet mobile selon la GSMA alors que la population du pays s’élevait à 112,7 millions en 2023, soit 48,8%. Le ministère des TIC a recensé 78,7 millions d’abonnés à l’Internet mobile au 30 novembre 2024, ce qui laisse environ 34 millions de personnes non connectées.
Toutefois, le gouvernement n’a pas précisé s’il s’agit du nombre de personnes utilisant Internet mobile ou du nombre de cartes SIM utilisées pour accéder au service. L’UIT estime à 72,2% le taux de pénétration d’Internet dans le pays.
Il faut cependant préciser que le gouvernement égyptien multiplie les initiatives pour généraliser l’accès aux technologies de l’information et de la communication (TIC) dans le cadre de son ambition de bâtir une « Égypte numérique ». Cela consiste à développer l’infrastructure des TIC, à favoriser l’inclusion numérique, à réaliser la transition vers une économie fondée sur la connaissance, à renforcer les capacités et à encourager l’innovation.
Tanzanie (40 millions sur 67,4 millions)
La Tanzanie compte 40 millions de personnes qui ne sont pas connectées à l’Internet mobile, d’après la GSMA, alors que la population du pays s’élevait à 67,4 millions en 2023 (Banque mondiale), soit 59,4%. Les chiffres de l’Autorité tanzanienne de régulation des communications (TCRA) indiquent que le pays comptait 47,9 millions d’internautes mobiles fin décembre 2024, ce qui laisse environ 20 millions de personnes non connectées aux services.
Le gouvernement tanzanien veut exploiter la puissance des technologies numériques pour stimuler la croissance économique, créer des emplois et améliorer les conditions de vie de ses citoyens et résidents. Pour cela, il investit dans l’infrastructure numérique nationale. En septembre 2023, il a annoncé qu’il allait déployer 636 nouveaux sites télécoms pour améliorer l’accès à Internet à travers le pays.
Il prépare également l’attribution de fréquences supplémentaires aux opérateurs télécoms. Il s’était initialement donné pour objectif de connecter 80% de la population à l’horizon 2025.
RDC (40 millions sur 102,3 millions)
La GSMA a estimé à 40 millions le nombre de personnes non connectées à Internet en République démocratique du Congo (RDC) alors que la population est estimée à 102,3 millions, soit 39,1%. L’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications du Congo (ARPTC) a recensé quant à elle environ 30 millions d’abonnés à l’Internet mobile au 30 décembre 2023.
Le gouvernement suit une stratégie qui vise à doter le pays d’infrastructures numériques de qualité pour réussir sa transition digitale et en tirer des bénéfices. Par exemple, le pays explore la technologie satellitaire pour couvrir tout le territoire en Internet. Il a déjà rencontré les opérateurs de satellites Monacosat et Thales au cours des dernières semaines.
Il a également signé, le jeudi 6 février, un protocole d’accord d’une valeur totale d’un milliard de dollars avec la société indienne General Technologies, qui pourrait résulter en l’extension du réseau Internet mobile.
Kenya (35 millions sur 55,1 millions)
35 millions de Kényans n’ont pas du tout accès à l’Internet mobile selon la GSMA, alors que la population du pays est estimée à 55,1 millions par la Banque mondiale, soit 63,5%. L’Autorité des communications du Kenya (CA) a recensé 53,7 millions d’abonnés à l’Internet mobile au 30 septembre 2024.
Le président William Ruto ambitionne de mettre la technologie numérique au service du développement socioéconomique du Kenya. Le gouvernement prévoit notamment la pose de plus de 100 000 kilomètres de câbles en fibre optique, la création de 25 000 points d’accès Wi-Fi publics et la mise en place de villages numériques dans chacun des 1 450 districts du pays.
En avril 2023, la Banque mondiale s’est engagée à financer la mise en œuvre de la première phase du projet d’accélération de l’économie numérique du Kenya à hauteur de 390 millions $.
Soudan (35 millions sur 48,1 millions)
La GSMA a recensé 35 millions de personnes non connectées à l’Internet mobile au Soudan. Le pays a une population d’environ 48,1 millions selon les estimations de la Banque mondiale, soit 72,8%. L’accès à Internet au Soudan est notamment affecté par la situation sécuritaire du pays, l’accès aux services étant souvent coupé par les autorités pour des durées plus ou moins longues ; ou les conflits provoquent la coupure des infrastructures conduisant à la coupure des services.
L’accès à Internet au Soudan est gravement compromis par l’instabilité sécuritaire du pays. Les autorités interrompent régulièrement l’accès aux services pendant des périodes variables, et les conflits détériorent les infrastructures, provoquant ainsi des coupures de service. Cependant, la Banque mondiale, dans son rapport “Digital Economy For Africa - Diagnostic Assessment For The Republic Of Sudan”, estime que le gouvernement soudanais dispose d’une opportunité unique pour amorcer la transformation numérique du pays en se concentrant sur le développement des infrastructures et le renforcement des compétences.
Par exemple, en ce qui concerne les infrastructures, l’institution de Bretton Woods recommande d’investir dans l’expansion des routes de fibre terrestre et la diversification des itinéraires (notamment vers l’Éthiopie, le Soudan du Sud et la République centrafricaine), tout en renforçant la couverture dans les zones rurales et frontalières. Le gouvernement est également appelé à établir un centre de données neutre vis-à-vis des opérateurs, qui servirait également de second point d’échange Internet (IXP).
Ouganda (30 millions sur 48,6 millions)
L’Ouganda compte 30 millions de personnes non connectées à Internet, selon la GSMA, alors que la population du pays est estimée à 48,6 millions d’habitants par la Banque mondiale, soit 61,8%. La Commission ougandaise des communications (UCC) indique pour sa part que le nombre d’abonnés actifs à l’Internet mobile s’élevait à 19,5 millions à fin décembre 2024.
Pour accélérer la transformation numérique et favoriser la reprise économique, le gouvernement ougandais mise sur l’élargissement de l’accès à Internet. Il a obtenu en mars 2023 un financement de 1800 milliards de shillings auprès de la Banque mondiale et a contracté un prêt de 150 millions de dollars auprès de la Banque d’exportation et d’importation de Chine (China Eximbank) pour soutenir cette initiative.
Par ailleurs, en août 2023, l’exécutif a réduit le coût de l’Internet public mensuel de 70 à 35 dollars et a annoncé en février 2024 son ambition de le ramener à 5 dollars d’ici un an.
Isaac K. Kassouwi
(Source : Agence Ecofin, 24 mars 2025)