L’addiction aux jeux d’argent détruit les familles
mercredi 1er octobre 2025
L’explosion des paris sportifs et des jeux en ligne plonge le Sénégal dans une spirale inquiétante. Mineurs mentant sur leur âge, pères de famille endettés, étudiants décrochant... SOS Parieurs appelle à une action concertée pour endiguer ce fléau
L’addiction aux jeux d’argent ne cesse de faire des ravages au Sénégal. Derrière les publicités attractives et les promesses de gains faciles se cache une réalité sombre : des vies brisées, des familles déchirées et une jeunesse de plus en plus vulnérable.
L’association Sos Parieurs, fondée par Seydina Mohamed M. Guèye, mène un combat de tous les instants pour venir en aide aux victimes de ce phénomène en expansion. Toutefois, son président insiste : « Ce n’est pas seulement un problème individuel. C’est un problème de société qui détruit des familles entières. Nous demandons un encadrement strict des jeux d’argent, notamment pour protéger les mineurs. »
Au Sénégal, le jeu d’argent n’est plus seulement un divertissement. Il s’est transformé en véritable fléau social, plongeant de nombreuses familles dans la détresse. Derrière l’euphorie des gains espérés, des vies se brisent. Des ruines financières, des mensonges et des drames humains se cachent en bas des grilles de pari et des tickets froissés des parieurs. Les témoignages des victimes sont accablants. Beaucoup ont tout perdu : économies, salaires, biens familiaux, et jusqu’à leur dignité. Endettés jusqu’au cou, certains en viennent à commettre des délits pour financer leur addiction. « J’ai vendu la télé, le frigo, et j’ai même contracté des crédits que je ne peux plus rembourser », confie l’un d’eux, sous le couvert de l’anonymat.
L’impact dépasse largement le seul joueur. Conjoints et enfants subissent de plein fouet les conséquences de cette addiction : les tensions permanentes, les séparations et la précarité dictent leur loi au sein des ménages. Plus grave encore, des mineurs se « jouent » de leurs parents, via des contrevérités, pour pouvoir jouer, utilisant l’argent du déjeuner ou des fournitures scolaires pour placer des paris. La frontière entre le jeu et la dépendance s’est de fait estompée, et les jeunes sont en première ligne.
À travers des témoignages recueillis et les vidéos diffusées par l’Association Sos Parieurs qui lutte contre l’addiction aux eux, la réalité est saisissante. Beaucoup de parieurs racontent comment ils ont tout perdu : économies, biens matériels, et parfois même leur famille. L’un d’eux, la voix tremblante, confie : « J’ai commencé par miser de petites sommes. Aujourd’hui, j’ai vendu ma moto, puis les bijoux de ma femme. Je suis couvert de dettes et je n’arrive plus à m’en sortir ». Son sort n’est guère plus enviable que celui de cet autre parieur qui nous avoue : « une fois j’ai pris l’argent d’autrui que je devais verser à un parent. Une forte somme. Cette histoire avait changé le regard de mes proches ».
SOS PARIEURS EN PREMIÈRE LIGNE CONTRE LE FLÉAU
Face à cette urgence sanitaire et sociale, l’association Sos Parieurs est montée au créneau pour limiter les conséquences désastreuses de l’addiction au jeu. Engagée dans une lutte acharnée contre la prolifération des jeux d’argent, l’Association décline ses actions à travers des campagnes de sensibilisation, des vidéos de témoignages et des actions de terrain en tentant d’alerter l’opinion publique et d’interpeller les autorités. Elle se bat toutefois avec des moyens dérisoires sur fond de manque de reconnaissance officielle, d’absence de financement, de méconnaissance générale des risques… Autant d’obstacles qui rendent son action difficile.
Pourtant, l’association tente d’offrir écoute, accompagnement et sensibilisation, notamment auprès des jeunes, très exposés avec l’explosion des paris en ligne. Son président, Seydina Mohamed M. Guèye, explique : « Ce n’est pas seulement un problème individuel. C’est un problème de société qui détruit des familles entières. Nous demandons un encadrement strict des jeux d’argent, notamment pour protéger les mineurs. » Le phénomène touche en vérité toutes les couches sociales.
Des étudiants aux pères de famille, en passant par les mineurs, personne n’est épargné. Pire encore, certains jeunes, parfois âgés de moins de 18 ans, n’hésitent pas à mentir sur leur âge pour accéder aux plateformes de paris. Ces pratiques entraînent dès lors des conséquences dramatiques : décrochage scolaire, vols au sein des familles, violences domestiques et même des cas de dépression. Selon des spécialistes, l’addiction au jeu d’argent se rapproche de celle de la drogue. Une dépendance qui pousse certains parieurs à continuer de miser, même en étant ruinés, dans l’espoir illusoire de se refaire une certaine santé financière. Seydina Mohamed M. Guèye, président de Sos Parieurs, lance en ce sens un appel solennel : « Nous avons besoin de soutien pour ouvrir des centres d’écoute, former des professionnels et mener des campagnes de prévention. Il est temps que les pouvoirs publics, les médias et la société civile se mobilisent ». Le jeu n’est pas qu’un divertissement : pour beaucoup, c’est une prison. Et sans action concertée, le fléau ne fera que s’étendre d’autant que les kiosques de paris et les plateformes en ligne se multiplient sans discontinuer.
Lamine Diédhiou
(Source : Sud Quotidien, 1er octobre 2025)