À Kigali, Yasser Shaker, DG d’Orange MEA, appelle à « une régulation équitable » pour soutenir l’innovation numérique
mercredi 22 octobre 2025
Alors que l’Afrique cherche à façonner son propre avenir numérique, la régulation des télécommunications est vue par les acteurs comme l’un des leviers les plus sensibles pour accompagner la croissance des usages et l’investissement dans les réseaux.
Mardi 21 octobre, lors de la keynote d’ouverture du Mobile World Congress à Kigali, le directeur général d’Orange Moyen-Orient et Afrique, Yasser Shaker, a défendu une approche plus équitable de la régulation du secteur numérique sur le continent.
Pour le dirigeant, le secteur des télécoms africain fait face à une mutation profonde, marquée par la montée en puissance de nouveaux acteurs tels que les fintechs, les plateformes OTT ou encore les opérateurs satellitaires. Ces évolutions justifient, selon lui, un réexamen des cadres réglementaires afin qu’il garantisse un environnement concurrentiel équitable.
« Nous ne sommes plus seulement en concurrence entre opérateurs », a-t-il rappelé, avant d’ajouter qu’il faut s’assurer « que tous les acteurs jouent sur un même terrain », car « la clarté est essentielle pour l’investissement ». Il a aussi insisté sur la nécessité de former des compétences locales, en évoquant les investissements du groupe dans les centres de formation et les incubateurs de start-up, ainsi que les 1,3 million de jeunes déjà formés dans les Orange Digital Centers.
Repenser la régulation
D’autres grands opérateurs africains présents à l’événement ont abondé dans le même sens. Ralph Mupita, directeur général de MTN Group, a estimé que les règles actuelles restent largement héritées de l’ère de la voix, et peinent à répondre aux exigences d’une économie numérique axée sur la data. Il a appelé à repenser les politiques publiques à partir d’une feuille blanche, en remettant notamment en cause les niveaux actuels de taxation et de tarification du spectre. De son côté, Sunil Taldar, directeur général d’Airtel Africa, a proposé de penser les défis du continent à travers trois niveaux d’avancement – les métropoles connectées, les villes intermédiaires en transition, et les zones rurales encore peu desservies – en insistant sur la nécessité d’investissements ciblés et d’innovations techniques adaptées à chaque réalité locale.
Ces différentes interventions s’inscrivent dans le thème général de la keynote, qui explorait les conditions nécessaires pour façonner un avenir numérique inclusif pour l’Afrique. Selon les organisateurs, la connectivité est désormais au cœur de la croissance socio-économique du continent. La session a mis en avant les nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle, la fintech, la 5G ou les innovations énergétiques, et le rôle des politiques publiques pour accélérer leur diffusion dans les zones urbaines comme rurales. Les échanges ont insisté sur la nécessité d’investir dans les infrastructures, la formation et la flexibilité réglementaire pour accompagner ce mouvement.
Des initiatives conjointes
Plusieurs annonces importantes ont d’ailleurs été faites durant l’événement. La GSMA a présenté une initiative conjointe avec six des principaux opérateurs du continent – dont Orange – pour proposer une norme commune destinée à favoriser la fabrication de smartphones 4G d’entrée de gamme, à des prix accessibles. Selon l’association, la réduction du coût des terminaux constitue également un levier prioritaire pour élargir l’adoption de l’internet mobile en Afrique subsaharienne.
L’association a également annoncé le lancement d’un programme de collaboration autour des modèles linguistiques d’intelligence artificielle adaptés au continent. Elle a rappelé à ce titre qu’Orange travaille déjà depuis l’an passé à l’intégration des langues africaines dans les grands modèles d’intelligence artificielle (LLM) développés par OpenAI et Meta.
Cette initiative qui associe désormais MTN, Vodacom et plusieurs acteurs technologiques africains, vise à renforcer la souveraineté numérique du continent, en assurant une meilleure représentation des langues, des données et des réalités locales dans les systèmes d’IA en développement.
Dans un contexte où les abonnés mobiles uniques en Afrique devraient dépasser les 700 millions d’ici 2030, selon la GSMA, la question du cadre réglementaire prend une importance croissante pour les opérateurs télécoms comme pour les autres acteurs du numérique. Si les appels à une régulation plus équitable se multiplient, notamment du côté des opérateurs historiques, le débat reste ouvert sur les modalités d’un environnement concurrentiel adapté aux mutations du secteur. Entre soutien à l’investissement, accès élargi aux services et émergence de nouveaux modèles, les arbitrages des régulateurs nationaux pèseront durablement sur la trajectoire du continent en matière d’inclusion numérique.
Louis-Nino Kansoun
(Source : Agence Ecofin, 22 octobre 2025)
OSIRIS