Le Président a signé il y a moins d’une semaine, un décret autorisant l’Artp à contrôler et à auditer l’activité des opérateurs de télécommunication. Jusqu’à ce jour, la Sonatel invoquait l’absence d’un texte de loi pour se soustraire à ce contrôle. Et Tigo et Expresso l’avaient suivi. Le prétexte vient donc de sauter.
L’Autorité de régulation des télécommunications et postes (Artp) a maintenant la latitude légale de contrôler les appels des opérateurs de télécommunication. Le chef de l’Etat a signé le décret 2015-678, portant mise en place d’un dispositif de supervision et de contrôle de l’activité des opérateurs de télécommunication, qui permet enfin à l’Artp d’auditer et de contrôler « l’intégralité des informations commerciales, financières et techniques issues de l’activité d’exploitation des installations, réseaux ou services offerts par les opérateurs ». Le texte de loi ajoute que l’Autorité de régulation « exerce ce contrôle par tout moyen approprié, en vue de s’assurer que les coûts, produits et résultats de chaque réseau exploité ou de chaque service offert reflètent de manière régulière et exacte leur activité ».
En vue d’être en mesure d’exercer ce contrôle du trafic, l’Artp a acquis il y a déjà longtemps du matériel qui lui a coûté plusieurs millions de francs Cfa. Mais, prétextant une absence de base légale, la Sonatel avait refusé à l’Artp de faire le survey, qui lui permettait d’identifier les points dans les centraux de télécoms, où devraient être installées les sondes qui doivent capturer les données du trafic. Ce refus de la Sonatel a poussé les opérateurs Tigo et Expresso, qui au départ avaient accepté le survey, de refuser que soient installées les sondes dans leurs locaux. Ils ont fait remarquer qu’étant donné le désaccord de Sonatel, il n’y avait pas de raison qu’eux s’y plient de leur côté. Cette fronde était restée impunie de la part de l’Artp. Seul l’opérateur le plus faible, Hayo, avait accepté de voir des sondes installées dans ses locaux, et de subir le contrôle de l’Artp.
Le décret du 22 mai vient donc priver la Sonatel d’un gros prétexte pour refuser le contrôle de son trafic. Car comme toujours, le décret dispose que toutes les dispositions antérieures contraires sont abrogées. Et le contrôle du trafic ne portera pas que sur les appels entrants, comme l’opinion a tendance à le croire, mais sur l’activité générale des opérateurs. Et il ne s’agit pas de mettre une surtaxe sur les appels entrants.
Toutefois, l’Artp, dont les employés affirment souvent que les opérateurs continuent d’appliquer les tarifs fixés dans le décret sur la taxation des appels entrants, bien que ce texte ait été abrogé, aura maintenant une base technique fiable pour vérifier l’activité des télécoms. L’art 7 dispose en effet que « ce dispositif de supervision et de contrôle permet notamment d’obtenir au quotidien le montant collecté par les opérateurs au titre de recharges prépayées et d’avoir une réconciliation et une vérification portant sur l’Artp, le niveau des flux et de données, la sauvegarde des données, le niveau de rentabilité du secteur ou l’application de la législation et de la règlementation en vigueur ». Et en cas d’écart entre les informations collectées par l’Artp et celles fournies par les opérateurs, ce sont les informations de l’Artp qui feront foi.
L’Artp est donc maintenant, suffisamment armée pour faire entendre raison aux opérateurs.
Mohamed Guèye
(Source : Le Quotidien, 28 mai 2015)