Un budget de 13 milliards $ pour 2026 : le Gabon mise sur la digitalisation des recettes
lundi 15 septembre 2025
Le Gabon a récemment adopté un cadre légal pour la transformation numérique de son administration. La réforme vise à améliorer l’efficacité et la transparence de l’action publique, lutter contre la corruption et renforcer la croissance économique par l’innovation numérique.
Le gouvernement gabonais veut digitaliser la collecte des recettes publiques alors qu’un budget de 7233,3 milliards FCFA (environ 13 milliards USD) est prévu pour 2026. Cette initiative, qui s’inscrit dans le cadre général de la transformation numérique, devrait renforcer la transparence et les revenus de l’État.
Elle fait partie des orientations prioritaires arrêtées lors d’une séance de travail d’urgence tenue le 5 septembre sous la présidence du chef de l’État, Brice Clotaire Oligui Nguema, sur l’élaboration de la loi de Finances 2026. Mark Alexandre Doumba, ministre de l’Économie numérique, de la Digitalisation et de l’Innovation, est revenu la semaine dernière sur la chaîne publique Gabon 24 pour détailler les mécanismes envisagés par son département.
Une action en trois principaux points
Le premier axe évoqué par M. Doumba concerne l’élargissement de l’assiette fiscale. Selon lui, le Gabon ne pourra pas mobiliser toutes les ressources attendues en s’appuyant uniquement sur les contribuables déjà connus. L’économie informelle, qui représente entre 40 et 50 % du PIB, devra donc être progressivement intégrée au système fiscal via les canaux numériques afin de diversifier et accroître les recettes de l’État.
Le ministre a ensuite insisté sur la promotion des paiements électroniques dans les transactions commerciales, alors qu’une grande partie des règlements se fait encore en espèces, ce qui prive l’État de recettes issues de la TVA et de la taxe sur les produits et services. Il ajoute que plus les paiements seront orientés vers le mobile money et d’autres supports numériques, plus la collecte des taxes indirectes s’améliorera.
Enfin, il a mis en avant la sécurisation des paiements au sein de l’administration publique. Les règlements en espèces effectués auprès des services publics ne sont pas toujours intégralement reversés dans les caisses de l’État. La digitalisation doit ainsi permettre de réduire les fuites, de renforcer la transparence et de consolider la confiance entre les citoyens et l’administration.
Par ailleurs, il a précisé le rôle important du partenariat avec le secteur privé. « Dans notre pays, le secteur privé produit l’essentiel de notre PIB. Malgré cela, lorsqu’on examine les données des dix, quinze ou vingt dernières années, au Gabon comme sur le continent, on constate que la productivité est très faible, voire proche de zéro. L’idée est que si les grandes entreprises se digitalisent, celles qui produisent l’essentiel de notre PIB, cette digitalisation aura un fort impact sur notre économie », explique-t-il.
Les bénéfices de la digitalisation
Selon la Banque mondiale, la digitalisation a profondément transformé les relations entre contribuables et administrations fiscales, en remplaçant les transactions papier par des processus électroniques plus rapides et plus fiables. Cette transition vers les paiements électroniques permet de réduire les erreurs, d’abaisser les coûts administratifs et de faciliter le suivi de la conformité des contribuables. Les systèmes électroniques ont également réduit le coût de conformité pour les usagers en limitant la nécessité de se déplacer, de faire la queue ou d’interagir avec des agents fiscaux, tout en diminuant les risques de pratiques corruptives.
De nombreuses administrations fiscales proposent aujourd’hui des portails intégrés, qualifiés par la Banque mondiale de « bureaux fiscaux virtuels », qui centralisent toutes les fonctions essentielles comme la consultation des comptes, la déclaration et le paiement des impôts. Ces portails simplifient les démarches, permettent de régler directement les impôts sans intermédiaires, minimisent les erreurs de saisie et renforcent la protection des données personnelles et financières. Ils contribuent ainsi à une collecte plus efficace, plus transparente et plus sécurisée des recettes fiscales.
Le Gabon a déjà entamé cette digitalisation, notamment avec le lancement en avril 2024 de la plateforme « Digitax Gabon ». « Cette plateforme innovante permettra la gestion intégrée de l’ensemble des processus fiscaux, incluant la gestion de l’assiette fiscale, le recouvrement, le contrôle fiscal, le traitement des contentieux, ainsi que le paiement des impôts par téléprocédure », avait alors expliqué la Direction générale des impôts (DGI).
Dans son rapport 2024, la DGI indique qu’avec le lancement de Digitax, le niveau de mobilisation des recettes fiscales s’est fortement accru, au point qu’au moins 80 % des recettes fiscales sont désormais encaissées via ce système. Par ailleurs, le traitement des données et le dispositif de contrôle interne opérationnel se sont améliorés, tandis que les règlements par chèque, Swift ou en numéraire deviennent de moins en moins utilisés.
La DGI indique que, sur l’objectif en trésorerie de 862,3 milliards de francs CFA assigné pour 2024, les recettes ont atteint 1021,58 milliards de francs CFA, soit un dépassement de 18 %. Pour l’objectif budgétaire de 969,38 milliards de francs CFA, elle a réalisé 1040,09 milliards de francs CFA, soit un taux de réalisation de 107 %.
Défis et perspectives
Le ministre a souligné que la digitalisation ne sera pas sans défis, car elle impose un véritable changement de paradigme. Les Gabonais devront s’habituer à de nouvelles méthodes de travail, et ce type de transition rencontre souvent la résistance de certains citoyens ou décideurs. Selon lui, l’administration doit accompagner cette transformation pour montrer que la digitalisation ouvre la voie à un meilleur avenir. Cette transition numérique constitue la clé pour bâtir une nouvelle économie capable de créer davantage d’emplois, d’avoir un impact plus significatif et de fournir à l’État les moyens d’améliorer les conditions de vie des Gabonais.
Ces ambitions de transformation soulèvent également des interrogations quant aux capacités techniques, aux équipements, à l’infrastructure et à l’accès à Internet, tant pour les administrations publiques que pour la population. Selon les données de l’Union internationale des télécommunications (UIT), 71,9 % de la population avait accès à Internet en 2023.
Isaac K. Kassouwi
(Source : Agence Ecofin, 15 septembre 2025)