TVA via Google : Le Trésor public va désormais récupérer 18% chez les créateurs de contenus
mercredi 7 mai 2025
À compter du 1er juin 2025, Google appliquera une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 18 % sur tous les services numériques fournis à ses clients établis au Sénégal. Cette décision, communiquée par l’entreprise américaine, vise à se conformer aux obligations fiscales locales mises en place par l’État du Sénégal dans le cadre de la « TVA numérique ».
Selon Google, cette taxe s’appliquera automatiquement à tous les utilisateurs sénégalais, particuliers comme professionnels, pour des services tels que Google Ads, YouTube et d’autres prestations numériques. Les clients qui sont eux-mêmes assujettis à la TVA au Sénégal sont invités à fournir leur NINEA (Numéro d’identification national des entreprises et des associations), afin que celui-ci figure sur leurs factures et facilite la gestion de leurs obligations fiscales.
Cette mesure s’inscrit dans une réforme plus large entamée par les autorités sénégalaises depuis juillet 2024, visant à intégrer dans l’assiette fiscale nationale les revenus générés localement par les géants du numérique, même en l’absence de représentation physique sur le territoire.
Une réforme fiscale progressive, amorcée en 2024
Depuis 2024, l’administration sénégalaise, à travers la Direction générale des impôts et des domaines (DGID), a mis en place un dispositif légal permettant de percevoir la TVA sur les services numériques vendus aux consommateurs locaux. Cette réforme a permis de collecter près d’un milliard de francs CFA en moins d’un semestre, selon les données de Sika Finance.
Le cas de Google, désormais explicitement concerné à partir du 1er juin 2025, illustre l’évolution de cette stratégie. L’entreprise collectera directement la TVA sur ses prestations facturées à ses clients au Sénégal et la reversera au Trésor public.
Parmi les services de Google, YouTube est au cœur de l’attention. La plateforme vidéo représente une source importante de revenus pour de nombreux créateurs sénégalais via le programme YouTube Partner. Jusqu’ici, ces gains échappaient à toute imposition nationale, étant versés depuis des filiales étrangères.
Avec l’entrée en vigueur de la mesure, la TVA de 18 % sera prélevée à la source. Par exemple, un créateur recevant habituellement 1 000 euros (environ 656 000 F CFA) pourrait voir ses revenus nets réduits à 820 euros (environ 538 000 F CFA), le reste représentant la TVA reversée par Google à l’État.
Il est important de noter que cette retenue de TVA ne constitue pas une perte définitive pour les créateurs enregistrés comme entreprises assujetties à la TVA. Ils pourront, dans certains cas, récupérer ou déduire cette taxe, en fonction de leur situation fiscale.
Formalisation et structuration du secteur
Pour les créateurs de contenus, cette nouvelle réglementation représente un tournant. Certains, comme Moustapha Diop, créateur basé à Dakar, y voient une opportunité de formalisation : « C’est un coup dur pour beaucoup, mais cela nous pousse aussi à nous structurer. » La régularisation pourrait ouvrir l’accès à des droits sociaux, des financements ou une reconnaissance professionnelle. Cependant, d’autres voix craignent une démotivation, notamment parmi les jeunes ou les acteurs non enregistrés. « Si leurs revenus sont directement amputés de près de 20 %, cela risque d’en décourager certains », avertit une source de Yaatal TV, une structure d’appui aux créateurs.
Du point de vue des autorités sénégalaises, cette politique vise à élargir l’assiette fiscale nationale. Le ministre des Finances a souligné en avril 2025 la nécessité pour « les géants du numérique de contribuer équitablement à l’effort fiscal national, au même titre que toute entreprise opérant au Sénégal ». La taxation de Google, déjà effective dans d’autres pays africains comme le Nigeria ou le Kenya, constitue une avancée majeure en ce sens.
Elle pourrait aussi ouvrir la voie à l’intégration d’autres plateformes comme Meta, Amazon ou Netflix dans ce dispositif, renforçant ainsi la souveraineté économique du pays à l’ère du numérique. Des organisations telles que la Maison des créateurs digitaux, ou encore des cabinets spécialisés dans la fiscalité des contenus en ligne, multiplient les campagnes de sensibilisation. Celles-ci portent notamment sur l’importance du NINEA, la déclaration de revenus numériques, et les bonnes pratiques comptables pour éviter des sanctions fiscales ou des pertes non justifiées.
(Source : Senenews, 7 mai 2025)