Transport urbain : Les bus Tata bientôt à l’arrêt, AFTU-Transpay en cause
samedi 2 août 2025
Un bras de fer tendu oppose actuellement la startup Transpay à un groupe de travailleurs de l’Association pour le Financement du Transport Urbain (AFTU). Ce conflit, qui mêle accusations de harcèlement, saisies de matériel et décisions judiciaires, pourrait plonger le réseau de transport urbain de Dakar dans une crise majeure. Selon des informations rapportées par le journal L’Observateur, plus de 2 000 bus pourraient être impactés, mettant en péril la mobilité quotidienne de centaines de milliers de Dakarois.
La tension monte dans le secteur du transport urbain. Le différend entre Transpay, entreprise spécialisée dans la billetterie numérique, et un collectif de jeunes opérateurs affiliés à l’AFTU, atteint un point critique. Lors d’un point de presse tenu le 31 juillet, les opérateurs dissidents ont dénoncé les « agissements » de Transpay, qu’ils accusent de chercher à imposer un monopole numérique en violant le principe de libre concurrence. L’Observateur note que ces accusations sont accompagnées d’une mise en garde : en cas de poursuite de ce qu’ils qualifient de « harcèlement », le réseau AFTU pourrait connaître une paralysie sans précédent.
Une crise qui menace un million de passagers quotidiens
Ce conflit, de prime abord technique, cache des enjeux sociaux et économiques de taille. L’AFTU aligne plus de 2 000 bus, assurant le transport quotidien de plus d’un million de passagers à Dakar et sa banlieue. Les opérateurs frondeurs, réunis autour du collectif Japo Aar Sunu Transport, alertent : « Si les bus cessent de rouler à cause de ce litige, c’est toute l’économie de Dakar qui sera paralysée », a déclaré leur président, Moustapha Amar, cité par L’Observateur. Ces opérateurs affirment subir un harcèlement depuis cinq ans, à travers des convocations répétées à la Brigade nationale de lutte contre le piratage et la contrefaçon (BNLPC), à l’instigation de Transpay. « Nous n’avons piraté ni contrefait qui que ce soit. Nous utilisons simplement d’autres prestataires. Pour cela, on nous intimide », dénoncent-ils.
La situation s’est envenimée en fin de semaine dernière. Des bus ont été immobilisés en pleine activité, provoquant des scènes de panique chez des passagers – élèves, travailleurs, malades – contraints de descendre en pleine route. Sur décision de justice, des agents de police et des huissiers ont saisi les machines de billetterie, provoquant de fortes perturbations du service. Selon L’Observateur, les transporteurs jugent ces actions « disproportionnées » et « dangereuses » pour la continuité du service public. « C’est toute une chaîne qui est désorganisée. Ces méthodes autoritaires peuvent provoquer un arrêt total du service », s’indigne un responsable syndical.
Transpay revendique ses droits, l’État sommé d’intervenir
Au cœur de ce bras de fer : l’exclusivité revendiquée par Transpay sur son système breveté de billetterie numérique, Ticke-Time. L’entreprise, créée en 2008, affirme avoir signé un contrat légal avec l’AFTU et détenir cinq brevets protégés par l’OAPI (Organisation africaine de la propriété intellectuelle) et des traités internationaux. Son fondateur, Mohamed Moustapha Ndiaye, s’est défendu dans les colonnes de L’Observateur : « Ces opérateurs utilisent des machines contrefaites en violation de décisions de justice. Ils ne représentent pas l’AFTU, mais un groupe de dissidents obstinés », a-t-il déclaré. Il rappelle que l’État protège les inventeurs par l’intermédiaire de l’Agence sénégalaise pour la propriété industrielle (ASPIT), et que le secteur du transport public obéit aux règles du marché protégé lorsqu’un brevet est en vigueur. « Nous avons même proposé une compensation de 4 millions de francs CFA pour les accompagner », a-t-il ajouté.
Malgré les décisions judiciaires et les tentatives de médiation du CETUD et du ministère des Transports, le dialogue semble au point mort. Les opérateurs frondeurs dénoncent un abus de position dominante et réclament une intervention urgente de l’État. « Nous ne voulons pas aller en grève. Mais si cela continue, nous serons obligés d’arrêter nos activités », menacent-ils. Ils soulignent que la digitalisation de la billetterie ne doit pas être synonyme de monopole, mais plutôt ouvrir le marché à la concurrence, condition essentielle pour améliorer les services et garantir l’indépendance du secteur. « On ne peut pas confier le destin de plus d’un million de passagers à une seule entreprise », a conclu Moustapha Amar dans des propos relayés par L’Observateur.
Dans ce contexte tendu, tous les regards se tournent désormais vers l’État et les autorités compétentes, appelées à désamorcer la crise avant que le transport urbain de Dakar ne soit totalement paralysé.
(Source : Senenews, 2 août 2025)