Taxer chaque transaction Mobile Money : que sommes-nous en train de taxer, au fond ?
samedi 13 septembre 2025
Une taxe n’est jamais qu’un pourcentage : c’est un signal sur ce que l’État encourage… ou décourage.
Taxer l’envoi d’argent, c’est taxer le mouvement lui-même.
Aujourd’hui, l’usager paie déjà le service, TTC :
• Orange Money : 0,8%
• Wave : 1%
Le projet ajoute 0,5% à l’envoi et 1,5% au paiement marchand. Que change ce choix de société ?
1) Le même franc, ponctionné plusieurs fois
Je reçois mon salaire (déjà imposé). J’envoie 10 000 F à ma sœur : j’ai payé 10 100 F (Wave) ou 10 080 F (OM).
Demain, on prélèvera 0,5% en plus à l’envoi (+50 F).
Ma sœur paie le boutiquier en mobile : 1,5% sur le paiement (+150 F).
Le même 10 000 F aura payé deux fois pour exister en numérique.
Question simple : veut-on vraiment tarifer la circulation des solidarités familiales ?
2) Une taxe qui pèse plus lourd sur les plus modestes
Sur 2 000 F, 0,5% + 1,5% = 40 F : 2% qui disparaissent.
Plus le montant est petit, plus chaque franc compte.
Est-ce cela, l’équité fiscale ?
3) Exemples du quotidien : Woyofal, électricité, SEN’EAU
• Recharge Woyofal 10 000 F payée en mobile : 1,5% = 150 F de taxe d’usage en plus. Sur 5 000 F, c’est 75 F. Ce n’est ni un luxe ni un caprice : c’est l’éclairage du soir.
• Facture électricité 25 000 F (Senelec) payée en mobile : 1,5% = 375 F en plus, alors que l’électricité supporte déjà la TVA.
• Facture d’eau SEN’EAU 8 000 F : 1,5% = 120 F. Ce sont des litres d’eau qu’on ne boit pas.
Quand l’essentiel devient plus cher par le geste de payer, que dit-on de nos priorités ?
4) Le coût invisible : la confiance
Un réseau d’agents en brousse vit de marges fines. Si le cash-out est taxé, l’agent gagne moins, ouvre moins, s’éloigne.
Le client marche plus loin, revient au cash.
On n’a pas seulement perdu quelques points de volume : on a perdu un réflexe de confiance envers le numérique.
5) La neutralité qu’on rompt
La fiscalité moderne cherche la neutralité entre moyens de paiement.
En taxant le moyen (le mouvement) plutôt que la valeur (le bien ou le service), on crée une préférence pour le cash : moins traçable, moins sûr, moins productif pour l’économie.
6) La tentation du chiffre rapide
On peut projeter X milliards de recettes “si l’usage ne bouge pas”.
Mais l’usage bouge toujours quand on met de la friction. Le rendement apparent se transforme en rendement fuyant.
Une taxe peut rapporter sur Excel… et détruire la base qui devait l’alimenter.
La question qui reste
Veut-on taxer l’argent qui circule entre parents, petits commerçants, élèves, malades, saisonniers ou l’économie réelle qu’ils créent ?
Taxer le mouvement, c’est parfois arrêter le mouvement.
Thiéwlé Dione
(Source : LinkedIn, 13 septembre 2025)