Système de paiement instantané de la Bceao : Enjeux et impacts d’une « révolution »
mardi 30 septembre 2025
La Bceao opérationnalise ce 30 septembre sa Plateforme Interopérable du Système de Paiement Instantané (PISPI). Cette initiative a plusieurs vertus pour le système bancaire selon l’expert certifié en Finance numérique, digitalisation et inclusion financière, Mouhamadou Moustapha Mbodj. En plus de réduire les coûts et délais de virement, elle devrait favoriser l’inclusion financière et booster le mobile Money.
La Plateforme Interopérable du Système de Paiement Instantané de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine sera opérationnelle à partir de ce 30 septembre 2025. Avec ce projet de la Bceao, les virements interbancaires seront désormais instantanés. Quels impacts et apports pour cette révolution. Pour l’expert certifié en Finance numérique, digitalisation et inclusion financière, Mouhamadou Moustapha Mbodj, que le plan économique, elle réduira les coûts des transactions et fluidifiera les échanges. Car commerçants, les PME et même les acteurs du secteur informel disposeront d’un moyen de paiement instantané, sécurisé et moins coûteux, stimulant ainsi leurs activités. Sur le plan social, explique le spécialiste, la plateforme renforcera l’inclusion financière. « Dans l’UEMOA, le taux de bancarisation bancaire reste encore limité, autour de 23%, et 42% au Sénégal en 2023. En rendant les paiements interopérables et accessibles à tous, la PI-SPI contribuera à relever significativement ces chiffres dans les prochaines années », détaille Mouhamadou Moustapha Mbodj. Pour lui, l’un des enjeux majeurs est de réduire la place du cash dans les transactions.
En favorisant les paiements électroniques du quotidien, la SPI devrait à ses yeux contribuer progressivement à diminuer la dépendance au numéraire et à bâtir une économie plus traçable, plus sécurisée et plus favorable à la modernisation fiscale. Elle aire également selon M. Mbodj, le mérite de transformer profondément le paysage bancaire de l’UEMOA dans la mesure où, elle favorise une plus grande intégration entre banques, fintechs et opérateurs de monnaie électronique, en les plaçant sur une même infrastructure commune. « Cette ouverture brise les silos et permettra de toucher une clientèle plus large, contribuant à un relèvement du taux de bancarisation au-delà des 23% actuels dans l’UEMOA », exprime Mouhamadou Moustapha Mbodj. À l’en croire, ce projet de la Bceao va aussi stimuler l’innovation car au-delà des transferts, les banques pourront proposer de nouveaux produits digitaux adaptés aux besoins des particuliers, des PME et de la diaspora.
Un catalyseur pour les Fintechs
Selon Mouhamadou Moustapha Mbodj, l’émergence des fintechs est d’ailleurs renforcée par l’Instruction n°001-01-2024 de la BCEAO, qui encadre les services de paiement et prépare un marché plus compétitif et plus ouvert. À terme, dit il, elle place le système bancaire dans un environnement plus moderne, plus compétitif et plus favorable à la croissance. Ce qui d’après lui, que le nouveau système est avant tout un catalyseur. « En plaçant tous les acteurs sur une plateforme commune, elle crée un terrain de jeu équitable où la compétitivité se fonde sur l’innovation et la qualité de service.
Pour les fintechs, c’est une opportunité historique de développer des solutions innovantes de paiement, d’épargne ou de crédit adossées à une infrastructure régionale fiable ». Pour les opérateurs de mobile money, selon Mouhamadou Moustapha Mbodj considère que l’interopérabilité ouvre de nouvelles perspectives à élargissement de la clientèle et diversification des services. « Dans notre pays, leur modèle économique devra évoluer. Après la gratuité des dépôts, l’arrivée de la quasi-gratuité des transferts les poussera à repenser leurs sources de revenus. Même si cela change leurs équilibres actuels, c’est un plus pour l’écosystème : la concurrence sera renforcée et les clients seront incités à effectuer des paiements électroniques pour un ensemble plus large de services, ce qui accélérera la transition vers une économie moins dépendante du numéraire », estime Mouhamadou Moustapha Mbodj. Il pense également que la mise en œuvre de ce projet favorise également la convergence entre banques, fintechs et opérateurs de mobile money, et ouvre la voie à un marché plus intégré, inclusif et innovant.
Un tremplin vers l’open banking
Pour Mouhamadou Moustapha Mbodj, si le lancement de la SPI est réussi à la date du 30 septembre 2025, il ouvrira la voie à une nouvelle ère. Il s’agit de celle de l’open banking dans l’Union ( Un système qui permet aux clients d’accorder à des services financiers tiers). « Une fois les flux de paiements interopérables, la prochaine étape naturelle sera de rendre les données et services financiers accessibles via des API sécurisées, afin de permettre aux fintechs et aux banques de bâtir de nouveaux services à valeur ajoutée », explique le spécialiste.
D’après lui, l’expérience du PIX au Brésil est éclairante car en moins de cinq ans, ce système a permis de bancariser près de 75% de la population et d’accélérer la digitalisation des paiements. Le Pix est un système de paiement instantané lancé en 2020 par la Banque centrale du Brésil, qui permet des transferts et des paiements rapides, gratuits et disponibles 24h/24, 7j/7. « L’UEMOA, avec la SPI comme socle, peut s’inscrire dans la même trajectoire et combiner inclusion, innovation et modernisation du système financier. La PI-SPI n’est donc pas une finalité en soi, mais le point de départ d’une transformation plus profonde qui repositionnera la région dans le concert des économies digitales émergentes », indique Mouhamadou Moustapha Mbodj.
Demba Dieng
(Source : Le Soleil, 30 septembre 2025)