Starlink, zones blanches et besoins des populations rurales : promesse ou mirage ?
lundi 29 septembre 2025
Le 22 septembre 2025, lors de l’événement Unstoppable Africa (Global Africa Business Initiative) à New York, le Président Bassirou Diomaye Faye, Président de la République du Sénégal, a déclaré : « Nous avons signé avec un opérateur satellitaire pour qu’avant la fin de cette année nous soyons en mesure de couvrir l’intégralité du territoire avec une redondance parfaite pour une connectivité de meilleure qualité ». Il a ajouté que les zones blanches seront couvertes « avant la fin de l’année ».
D’une manière générale, l’arrivée de Starlink en Afrique suscite un mélange d’espoir et d’interrogations. Grâce à sa constellation de satellites en orbite basse – 8 475 au 25 septembre 2025, 42 000 à long terme – l’entreprise d’Elon Musk promet de couvrir les « zones blanches », ces territoires isolés où les opérateurs traditionnels peinent à investir. Mais derrière l’annonce technologique se cachent des enjeux économiques et sociaux qui interpellent directement nos pays.
Une promesse technologique réelle
Avec des débits comparables au haut débit mobile terrestre et une couverture quasi totale du territoire, Starlink apporte une solution de connectivité que les États recherchent depuis longtemps. Écoles, centres de santé, administrations ou projets agricoles en zones reculées pourraient en bénéficier, là où le coût de déploiement des réseaux terrestres reste prohibitif.
Même si Starlink a pris une longueur d’avance sur tous ses concurrents (Kuiper d’Amazon, OneWeb, AST SpaceMobile, etc.), il ne saurait à court, moyen, voire long terme, remplacer les services Internet mobiles terrestres. En effet, la capacité de trafic des réseaux mobile terrestres est commune mesure avec ce que l’on pourrait espérer obtenir avec Starlink et tous ses concurrents réunis à pleine capacité.
Le mur du pouvoir d’achat
Au surplus, une question cruciale demeure : qui peut payer ? L’abonnement mensuel Starlink oscille, selon les pays africains, entre 25 et 50 euros, sans compter le kit de connexion initial qui pourrait coûter entre 380 et 600 euros. Dans des villages où le revenu moyen est très bas, l’accès individuel semble hors de portée. La promesse technologique risque alors de se transformer en fracture numérique aggravée, avec d’un côté des zones urbaines bien connectées, et de l’autre des zones rurales toujours dépendantes d’initiatives publiques ou de solidarités communautaires.
Dans ces conditions, l’approche Wi-Fi communautaire s’impose dans les zones rurales.
Des services essentiels absents
Autre limite majeure : Starlink ne fournit que de la connectivité Internet. Or, dans nos campagnes, les besoins prioritaires des populations restent la voix, les SMS et surtout le Mobile money, véritable colonne vertébrale des échanges économiques et financiers. Ces services reposent sur l’intégration des opérateurs mobiles nationaux et sur l’USSD, encore largement utilisé. Sans relais local ou sans adaptation, Starlink ne peut répondre directement à ces besoins.
Pour accéder aux services de messages tests et vocaux et au Mobile money, un utilisateur de Starlink devra forcément disposer d’un smartphone et passer des applications OTT [1] et fintech [2]
Un rôle de complément, pas de substitution
La réalité est donc claire : Starlink ne remplacera pas les opérateurs mobiles. Il peut jouer un rôle déterminant comme solution de dernier recours, pour connecter des communautés entières, servir de backhaul aux stations de base rurales ou soutenir les services publics essentiels. Mais la satisfaction des besoins de base – communication simple et services financiers accessibles – passe encore et avant tout par les réseaux terrestres nationaux.
Starlink n’est pas un substitut, encore moins une panacée, mais un appoint !
Une question de choix politique et de souveraineté
L’enjeu dépasse la simple connectivité. Il s’agit de décider quelle place donner à Starlink dans la stratégie nationale de couverture numérique, comment réguler ses activités, et surtout comment l’articuler avec les opérateurs existants pour éviter que les zones rurales ne deviennent dépendantes d’un acteur unique, étranger et sans lien avec l’écosystème national.
En somme, l’introduction de Starlink et des solutions similaires ne peut être envisagée qu’à travers une réflexion stratégique, centrée sur la préservation de l’intérêt national et la création de richesses et d’emplois locaux.
En conclusion, Starlink est une opportunité indéniable pour réduire l’exclusion numérique, mais certainement pas une solution miracle. L’État et les opérateurs doivent inventer des modèles hybrides – subventions, points d’accès communautaires, intégration avec les services mobiles – pour que la promesse de couverture devienne une réalité au service des populations. Sinon, le risque est grand que l’arrivée de cette technologie se limite à un mirage inaccessible pour ceux qui en ont le plus besoin.
Une contribution de Samba Sène, fervent défenseur de l’innovation africaine
(Source : CIO Mag, 29 septembre 2025)