Cette année 2025, le management de Sonatel et les Sonatéliens actifs et retraités célèbrent les quarante ans d’existence d’une entreprise devenue leader de l’économie numérique au Sénégal et dans la sous-région ouest Africaine. Une belle initiative !!! Mais que de chemins parcourus en quatre décennies !!!
En effet le 23 juillet 1985 l’Assemblée nationale adopta les projets de loi 85-35 et 85-36 consacrant la séparation des activités de la poste de celles des télécommunications initialement regroupées au sein de l’Office des Postes et Télécommunications du Sénégal (OPTS). Ainsi fut créé l’office des postes et de la caisse d’épargne (Opce), d’une part, et la Société nationale des télécommunications du Sénégal (Sonatel), d’autre part.
C’est le lieu de rendre un vibrant hommage à Cheikh Tidiane Mbaye qui est l’auteur de cette appellation et son nom sera à jamais gravé dans l’évolution historique de cette compagnie ; en effet c’est bien lui qui en fit la proposition au Ministre Djibo Ka et le Président Diouf l’accepta d’office.
Il faut aussi rappeler que le vote des lois ci-dessus évoquées fut la conclusion d’un long et tumultueux processus sur lequel il ne serait pas mauvais d’en révoquer quelques étapes clefs.
Pour comprendre un tel process, il faut remonter aux journées sénégalises des télécommunications (Jst) organisées par l’Etat, les 15, 16,17 et 18 juin 1983 au centre international du commerce extérieur du Sénégal (Cices).
Contexte économique, bref aperçu de l’état des réseaux.
La crise économique qui a frappé le pays à la fin des années 70 avait contraint le gouvernement à adopter en 1979-1980 et sous l’égide des bailleurs de fonds, un plan de stabilisation afin de limiter les dérives des finances publiques et faire face ainsi à la rareté des ressources. Alors que le sixième Plan de Développement Économique et Social plaçait les Télécoms au rang de priorité dans le sillage du Plan de Lagos 1980-2000, le réseau intérieur peinait drastiquement à répondre à la demande de services téléphoniques des usagers. Pendant ce temps, Télé Sénégal qui gérait le réseau international avait des capacités d’écouler plus de cinquante mille communications pouvant connecter simultqnément les abonnés du Sénégal aux correspondants extérieurs.
Il faut noter qu’au milieu des années 60, l’État du Sénégal avait confié la gestion des Télécommunications internationales à France Câbles Radio (FCR). Mais, conscient du rôle des Télécommunications dans le développement économique et social de nos pays nouvellement indépendants, le gouvernement avait entrepris son repositionnement stratégique avec la création de Télé Sénégal, une société anonyme à responsabilité limitée (SARL) qui a démarré ses activités en juillet 72. L’état du Sénégal y était actionnaire à hauteur de 26% avec France câblés et radio qui en détenait 74%. Alassane Dialy Ndiaye un brillant ingénieur spécialiste des télécommunications par satellite fut nommé Directeur Général et le doyen Babacar Diop fut co-gérant pour le compte de l’OPTS.
Au fil des années, cette position dans le capital va évoluer en faveur du Sénégal jusqu’au 24 novembre 1981 date à laquelle Télé Sénégal fut nationalisée par la loi 81/60 et fut transformé en société nationale de droit privé avec un capital de 3.500.000.000 F et Alassane Dialy Ndiaye fut nommé Président Directeur Général. Pour réaliser cette opération stratégique, l’Etat a dû renoncer à plusieurs années de dividendes pour racheter les parts de FCR et devenir actionnaire unique d’une entreprise qui faisait déjà d’excellents résultats.
L’agilité de Télé Sénégal dû à son statut et au soutien de FCR, avait permis de mobiliser beaucoup de ressources financières pour développer, diversifier et moderniser le réseau international.
Est-il besoin de rappeler que dès le 5 avril 72 fut inaugurée la station terrienne de Gandoul, l’une des premières en Afrique avec celle de Madagascar et de la côte d’ivoire. Cette cérémonie fut présidée par son Excellence le Président Leopold Senghor en présence du premier Ministre Abdou Diouf, du Président de l’Assemblée nationale Amadou Cissé Dia et de tous les membres du gouvernement et du parlement. Les Sénégalais disposant de postes téléviseurs ont pu suivre pour la première fois la retransmission en direct des jeux olympiques de Munich en 72 et le Président Senghor eut un entretien téléphonique direct avec le Président Georges Pompidou. [1]
Comme je l’ai rappelé plus haut, le soutien de FCR permit de développer le réseau international avec les ondes décamétriques mais surtout de mettre en place un faisceau de câbles sous-marins en co-construction avec des partenaires internationaux, sans oublier l’existence d’un centre de transit international et d’un centre télex numérique acquis en 78.
Pendant ce temps, la Direction des télécommunications de l’OPTS avec à sa tête un autre ingénieur tout aussi brillant, Mouhamadou Samoura, en charge du réseau national pataugeait dans d’énormes difficultés pour trouver les ressources financières nécessaires à la réalisation des Investments de renouvellement, d’extension et de modernisation des infrastructures.
Car, malgré les évolutions institutionnelles qui ont accompagné les différentes transformations qui ont fait de l’OPTS un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) avec une plus grande flexibilité budgétaire à la Direction des Télécommunications, les procédures de mobilisations financières étaient si longues que la belle vision du Plan National de développement des télécoms (PNDT) élaboré en 75 avait du mal à être concrétisée.
Seule la réalisation du projet Dakar Axe Nord avec un financement de près de deux milliards, inauguré le 22 décembre 78 permit d’automatiser certaines artères et certains centraux de Dakar, Thiès, Louga et St Louis, d’augmenter les capacités et de décongestionner le trafic.
Le Télex qui était pourtant le principal outil des transactions commerciales, financières et économiques comptait à peine mille équipements localisés à Dakar, Ziguinchor et Kaolack.
A suivre…
Mamadou Aidara DIOP
(Source : Le Dakarois, 30 septembre 2025)
[1] Beaucoup de passages de ces contributions sont tirés de mon ouvrage sur Sonatel paru en 2021.