Seyp Sénégal ou la pyramide du mensonge : plus de 10 milliards envolés, des centaines de victimes et une mafia transnationale traquée
lundi 23 juin 2025
C’est une affaire tentaculaire, digne d’un thriller financier à l’échelle ouest-africaine. Dans sa parution du jour, Libération révèle les contours d’un scandale d’arnaque pyramidale transfrontalière qui a déjà fait tomber des centaines de Sénégalais dans le piège, pour un préjudice colossal dépassant les 10 milliards de francs CFA. Au cœur de cette escroquerie : une plateforme dénommée Seyp Sénégal, qui promettait monts et merveilles… mais qui s’est avérée n’être qu’un mirage numérique savamment orchestré par une mafia internationale.
Tout commence par une simple publication Facebook. Des visuels attrayants, un discours professionnel, et surtout, une promesse de rendement alléchant. L’entreprise se présente comme affiliée à un supposé groupe anglais, Seymour Power, ce qui finit de rassurer les internautes. En confiance, de nombreux Sénégalais y voient l’opportunité de placements rapides et sûrs. C’est la première étape du piège.
Selon les informations de Libération, la Division spéciale de cybersécurité (DSC), alertée par une première plainte déposée par un collectif de sept personnes, a enclenché l’enquête. Tous les plaignants rapportent le même mode opératoire : après avoir cliqué sur des liens d’inscription fournis par une interlocutrice se présentant sous le pseudonyme de Zoé Young, ils effectuent des dépôts d’argent via Wave, suivant des directives précises. Mais après le transfert, plus rien : silence radio. L’argent est volé. Et les rêves s’évanouissent.
Très vite, la DSC comprend qu’il ne s’agit pas d’un simple cas isolé. D’autres plaintes similaires affluent, toutes pointant vers la même plateforme. L’enquête révèle que les fonds collectés étaient centralisés via une entreprise basée à Dakar, Sunutech Ltd, sous le contrôle de ressortissants chinois : Xing Xiao et Lifan Hu. Ces derniers ont mis en place un dispositif financier sophistiqué, exploitant des passerelles de paiement comme Wave, Orange Money, Pixe-Lov, Income, mais aussi l’agrégateur Connekt4 Sénégal / Côte d’Ivoire, qui permettaient d’échapper aux circuits bancaires classiques et de mieux dissimuler les flux d’argent.
Les chiffres donnent le tournis. Entre octobre 2024 et mai 2025, 58 000 transactions sont enregistrées, pour un montant de 2,5 milliards de francs CFA. Mais en élargissant leur champ d’investigation à d’autres structures liées au réseau mafieux, les enquêteurs de la DSC évaluent désormais le préjudice total à plus de 10 milliards.
Plusieurs suspects sont formellement identifiés. Les Sénégalais Ibra Seck, Aléle Dia, Mamadou Lamine Ndiaye et Babaly Ly ont été arrêtés et placés en garde à vue. Tous reconnaissent leur implication, mais tentent de se dédouaner en déclarant ignorer le caractère frauduleux des opérations menées en partenariat avec Sunutech via Connekt4.
Du côté des cerveaux présumés étrangers, l’étau se resserre aussi. Les ressortissants français Jean Paul Ghislain Louis Perrotte, ancien militaire selon Libération, et Marjan Céline Katouzian, conseillère juridique de Connekt4, ont été convoqués pour approfondir les investigations. Mais au moment de faire face à la justice, le premier a pris la fuite vers la Côte d’Ivoire, tandis que la seconde est désormais injoignable.
Quant aux cerveaux chinois, Xing Xiao, Lifan Hu et Hang Zho, identifié comme bénéficiaire de 67 millions de francs CFA, ils ont discrètement quitté le territoire sénégalais pour Abidjan dès mai 2024. Une fuite révélatrice, qui conforte l’hypothèse d’un pilotage depuis la Côte d’Ivoire, transformée en sanctuaire pour les instigateurs de cette fraude d’envergure.
(Source : Dakar Actu, 23 juin 2025)