Sénégal : Wave, Orange Bank et Dunipay, la fin annoncée de la souveraineté monétaire
samedi 25 octobre 2025
Le Sénégal vit une transformation silencieuse mais profonde : le système monétaire national n’appartient plus seulement à la BCEAO. Il glisse peu à peu vers les plateformes privées connectées à la finance mondiale. Trois acteurs incarnent cette mutation : Wave, Orange Bank et DuniaPay. Et derrière eux, se joue une nouvelle guerre géopolitique monétaire.
1. De l’inclusion financière à la perte du contrôle monétaire
Wave et Orange Bank ont séduit les Sénégalais : paiements rapides, transferts instantanés, frais réduits. Mais sous ce vernis d’innovation, elles participent à la dénationalisation de la monnaie.
• Wave est intégrée à un écosystème mondial : Sendwave, WorldRemit, ZEPZ, et Circle (USDC) pilier du dollar numérique.
• Orange Bank, de son côté, s’appuie sur Ripple (XRP), technologie au cœur des monnaies numériques de banque centrale (CBDC).
Ces plateformes, bien qu’installées localement, sont adossées à des infrastructures financières américaines et européennes. En réalité, elles servent déjà de ponts vers les stablecoins, ces dollars numériques programmables qui échappent à tout contrôle africain.
2. DuniaPay, la pièce manquante du puzzle
Dans l’ombre de ces géants, DuniaPay, fondée par le Burkinabè Serge Isaac Kiema, agit depuis deux ans comme le trait d’union entre le CFA et la blockchain. La fintech permet de convertir et transférer des stablecoins (USDT, USDC) en eXOF, le franc CFA numérique. Sans le dire, DuniaPay a déjà ouvert une brèche dans la souveraineté monétaire ouest-africaine. La BCEAO n’a aujourd’hui aucun levier juridique pour réguler ce type d’opérations.
3. Une BCEAO spectatrice d’une bataille mondiale
La BCEAO dépend de la Banque centrale européenne (BCE), qui elle-même attend le lancement de l’euro digital pour rivaliser avec les stablecoins. L’Europe dispose déjà du cadre juridique nécessaire le règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets) mais elle reste dans une posture d’attente. À l’inverse, les États-Unis ont pris une avance décisive avec le Genius Act, qui encadre les stablecoins comme USDC et USDT. Résultat : Washington impose sa domination monétaire par le code, sans bruit, sans troupes, mais avec des algorithmes.
4. La “dollarisation numérique” de l’Afrique
Nous ne sommes plus face à un duel euro–CFA, mais à une guerre entre le dollar numérique et la souveraineté africaine. Les États-Unis ont compris que leur pouvoir se maintiendrait en diffusant un dollar stable, programmable et universellement accepté. Grâce à Wave, Orange Bank et DuniaPay, ce dollar digital pénètre déjà nos économies, capturant nos flux avant même que nos banques centrales ne réagissent.
5. Et si demain, les salaires passaient par ces plateformes ?
Imaginons que les travailleurs exigent de percevoir leurs salaires sur Wave, Orange Money ou DuniaPay. La conséquence serait immédiate : une part importante de la masse monétaire nationale échapperait au contrôle de la BCEAO. Ce serait une privatisation silencieuse de la monnaie, déguisée en inclusion financière.
6. Du franc CFA à l’e-dollar
Le Sénégal risque de passer d’une dépendance à l’euro à une dépendance au dollar numérique. Pendant que la BCE prépare l’euro digital, les États-Unis ont déjà gagné la première bataille monétaire mondiale : celle du logiciel. Demain, la monnaie ne sera plus frappée dans les banques centrales, elle sera programmée dans les serveurs des géants financiers.
Seydou Bocoum
Économiste hétérodoxe.
(Source : Groupe WhatsApp du RASA, 25 octobre 2025)
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