Sénégal numérique : la GSMA prône quatre réformes pour libérer 1,6 milliard d’euros d’ici 2030
vendredi 12 décembre 2025
Comme de nombreux pays d’Afrique, le Sénégal fait de la transformation numérique un moteur de croissance économique nationale. Mais pour que cette ambition se concrétise, des actions fortes sont nécessaires. A défaut, le pays pourrait bien passer à côté des dividendes numériques.
Le Sénégal affiche des performances notables dans le numérique, avec une couverture 4G atteignant 97% de la population (39% pour la 5G) et un taux d’inclusion financière porté à 76% des adultes grâce au mobile money. Pourtant, un écart d’usage persiste : 54% des Sénégalais vivant dans des zones couvertes n’utilisent pas internet mobile pour 43% qui le font.
Pour libérer tout le potentiel de l’économie numérique, l’Association mondiale des opérateurs mobiles (GSMA) a identifié quatre réformes prioritaires. Elles ont été présentées à Alioune Sall, le ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique, le 5 décembre dernier, lors de la première édition du Digital Africa Summit Sénégal tenue à Dakar. Contenues dans son rapport « Stimuler la transformation numérique de l’économie au Sénégal. Opportunité, recommandations politiques et rôle du mobile », la GSMA soutient qu’elles contribueront à la création d’une valeur ajoutée de 1 100 milliards FCFA (environ 1,6 milliard d’euros) et 280 000 emplois d’ici 2030, tout en rapprochant le pays des objectifs ambitieux de sa stratégie « New Deal Technologique 2034 ».
Une réforme jugée nécessaire
Première réforme à effectuer, consolider l’environnement d’investissement. La GSMA estime que pour étendre la couverture 4G à 99,5% de la population, un investissement de 8,5 milliards d’euros suffirait — un montant qui doublerait en l’absence de réformes. Cet effort passe par une politique du spectre plus prévisible et des redevances alignées sur les standards régionaux, une meilleure coordination énergie-télécoms pour réduire les coûts opérationnels, et la reconnaissance des infrastructures télécoms comme critiques, afin de les protéger du vandalisme.
Le secteur mobile supporte une charge fiscale élevée et complexe estime l’Association qui recommande de réduire la Contribution spéciale des télécommunications (CST) et la Redevance d’utilisation des télécommunications (RUTEL) de 4,5% et 5% respectivement à 3% chacune. Surtout, elle préconise la suppression de la TVA (18%) et des droits de douane (environ 7,7%) sur les smartphones d’entrée de gamme, dont le coût représente aujourd’hui 42% du revenu mensuel des 40% les plus pauvres. Enfin, elle appelle à abroger la nouvelle taxe de 0,5% sur les transactions de mobile money, jugée contre-productive pour l’inclusion financière.
Agir maintenant pour sécuriser le futur
L’accès au numérique reste handicapé par le prix des terminaux et le déficit de compétences. La GSMA suggère de s’appuyer sur les programmes existants, comme la distribution de smartphones par le Fonds de service universel, et d’accélérer le plan national de formation. L’intégration d’API dans les services publics (via des initiatives comme GSMA Open Gateway) pourrait aussi renforcer l’adoption.
Enfin, la réussite du New Deal Technologique 2034 nécessite une mise à jour du cadre légal. Cela inclut l’adoption de licences technologiquement neutres et de longue durée (20 ans), la définition d’un cadre pour les technologies émergentes (satellites LEO, intelligence artificielle), et une meilleure coordination entre régulateurs pour le mobile money.
La mise en œuvre combinée de ces mesures aurait un effet transformateur. D’ici 2030, elle permettrait d’ajouter 2,6 millions d’utilisateurs uniques d’internet mobile, réduisant l’écart d’usage de 12%. Sur le plan macroéconomique, l’impact serait particulièrement fort dans l’agriculture, l’industrie, le commerce et les services publics, où la digitalisation des processus, la diffusion des données et l’automatisation pourraient générer des gains de productivité significatifs. Malgré des baisses d’impôts sectoriels immédiates, GSMA estime que la croissance économique induite et une meilleure collecte digitale des recettes aboutiraient à un impact fiscal net positif de 635,7 millions d’euros (417 milliards FCFA), d’ici 2030.
En partenariat avec le secteur privé, l’État sénégalais a l’opportunité de faire du numérique un véritable moteur de développement inclusif et de croissance durable, selon GSMA. Conscient de cette vérité, Alioune Sall a salué les recommandations de l’Association, affirmant que « ce rapport contribue à renforcer une dynamique collective, il nous invite à poursuivre nos efforts, à consolider nos acquis et à faire preuve de lucidité dans l’identification des priorités à court, moyen et long terme ».
(Source : La Tribune, 12 décembre 2025)
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