Sénégal : Chiffres sur le numérique, fractures géographiques et structurelles
samedi 19 juillet 2025
Sur les 121 pays évalués dans le dernier classement mondial sur la qualité de vie numérique, le Sénégal se positionne 93ᵉ, avec un indice de 0,3437. Ce score le place loin derrière les pays africains les plus avancés, mais devant certains de ses voisins immédiats. Le pays progresse lentement dans le domaine des technologies de l’information, mais reste confronté à des limitations profondes, tant en matière d’accès qu’en termes d’usages stratégiques.
L’enquête nationale sur les TIC, dévoilée le 17 juillet 2025 par l’ARTP et l’ANSD, met en lumière ces contrastes. Si l’accès à Internet a connu une évolution notable — passant de 4 % en 2009 à 19,4 % en 2024 — cette amélioration masque des inégalités criantes entre milieux urbains et ruraux, particuliers et institutions, entreprises et administrations.
Dakar ultra-connectée, le reste du pays à la traîne
Dans la capitale, 43,8 % des ménages sont abonnés à Internet à domicile. Ce taux chute brutalement à 3 % en milieu rural, révélant une fracture territoriale qui freine les ambitions de numérisation inclusive. La disparition progressive des cybercafés — dont la fréquentation a chuté de 80 % à 56,4 % — accentue cette disparité. Pour de nombreux citoyens hors des grands centres, le mobile reste l’unique outil de connexion.
Le téléphone portable est devenu omniprésent : 95,7 % des Sénégalais en possèdent un, signe d’une société massivement équipée en terminaux mobiles. Pourtant, cette démocratisation ne s’est pas accompagnée d’un bond équivalent pour les équipements plus puissants : seulement 16 % des foyers disposent d’un ordinateur, une augmentation timide depuis 2009.
Une digitalisation institutionnelle encore fragile
Du côté des entreprises, 90 % sont désormais connectées, mais l’utilisation stratégique du numérique reste marginale. Très peu d’entre elles possèdent un site web et moins de 30 % sont actives sur les réseaux sociaux, ce qui limite leur visibilité et leur compétitivité dans un monde désormais façonné par la présence digitale.
Les administrations publiques ne sont pas en reste dans ce constat d’insuffisance. La majorité d’entre elles disposent bien d’un accès à Internet, mais la sécurité informatique reste une faille majeure. Beaucoup de structures opèrent sans pare-feu et seulement 6 % sont équipées d’un extranet, outil pourtant indispensable pour le partage sécurisé de données entre services.
Entre équipement massif et modernisation incomplète
Le tableau dessiné par les données officielles révèle un Sénégal à deux vitesses. D’un côté, une société mobile et connectée dans ses usages les plus élémentaires ; de l’autre, un appareil productif et administratif encore peu engagé dans la transformation numérique en profondeur. Cette dualité freine l’intégration des technologies dans l’éducation, l’innovation, la santé ou la gestion publique.
La fracture n’est donc pas seulement territoriale : elle est aussi structurelle. Il ne suffit pas d’être connecté pour être numérique. L’enjeu désormais est de dépasser la simple possession de terminaux pour entrer dans une culture numérique complète, qui exige infrastructure, sécurité, formation et vision d’ensemble.
Le chemin parcouru est réel, mais les chiffres montrent qu’il reste encore un cap décisif à franchir. Et ce cap ne se franchira ni par les statistiques seules, ni par les équipements, mais par une volonté politique de bâtir une société digitalement équitable et souveraine.
(Source : La Nouvelle Tribune, 19 juillet 2025)