Séminaire International sur la désinformation : le Sénégal dans la dynamique mondiale de résilience stratégique
dimanche 20 juillet 2025
Dans un monde où les guerres d’influence ne se mènent plus uniquement par les armes, mais par les récits, les images, les rumeurs et les algorithmes, la question de la désinformation s’impose comme un enjeu majeur de souveraineté. Conscient de cette mutation profonde de l’environnement informationnel, le Sénégal a participé à la troisième édition du séminaire international « Building Resilience to Disinformation in a Changing Communication Environment », tenu à Bucarest fin juin 2025.
Organisé par le gouvernement roumain, à travers le Ministère des Affaires étrangères et l’Agence RoAid, en collaboration avec le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), cet atelier de haut niveau a réuni une quinzaine de professionnels de la communication, des médias et de la diplomatie issus de différents pays d’Afrique (Afrique du Sud, Sénégal, Malawi, Kenya, Mauritanie, etc.). Y ont également participé des représentants de l’Union Africaine et de l’Union Européenne, ainsi que des officiels Britannique, Roumain, entre autres.
L’objectif était de réfléchir, de manière interdisciplinaire et comparée, aux réponses institutionnelles à apporter à la désinformation systémique, aux ingérences informationnelles étrangères et à la fragilité croissante de la parole publique.
Pour le compte du Sénégal, Madame Fatou Oulèye Sambou, experte en communication pour le développement, a participé à la formation. Forte d’un parcours transversal auprès d’institutions publiques, d’organismes internationaux et d’agences nationales, elle a pris une part active aux travaux et aux échanges de cette formation, conçue à la croisée de la communication, de la diplomatie, de la sécurité et de l’intelligence sociale.
UNE MENACE SILENCIEUSE MAIS STRUCTURÉE
Durant une semaine, les participants ont exploré les nouvelles formes de désinformation, portant sur des campagnes organisées sur les réseaux sociaux, les falsifications narratives, les ingérences numériques, les deepfakes et les opérations psychologiques entre autres. Des cas concrets ont été étudiés, notamment les modèles ukrainien, moldave, roumain ou britannique de riposte stratégique.
Experts du Centre de communication stratégique de l’OTAN, journalistes d’investigation, universitaires spécialisés en sécurité informationnelle et représentants diplomatiques ont partagé leurs expériences et outils. Au-delà du diagnostic, des dispositifs de réponse coordonnée ont été présentés. Il s’agit des cellules de pré-bunking, mécanismes d’alerte rapide, centres de contre-influence et plateformes de vérification en temps réel.
Cette approche globale indique que la désinformation n’est plus seulement un risque médiatique, elle est devenue un levier géopolitique et un facteur de déstabilisation sociale.
UNE OPPORTUNITÉ STRATÉGIQUE POUR LE SÉNÉGAL
Dans cet environnement mouvant, le Sénégal n’est pas en reste. Si le pays bénéficie d’une tradition démocratique reconnue et d’un tissu médiatique dense, il n’est pas à l’abri des vulnérabilités liées à la circulation incontrôlée de l’information, aux rumeurs à forte charge émotionnelle, et à l’instrumentalisation politique ou sociale de contenus non vérifiés.
La participation sénégalaise à ce séminaire revêt donc une portée double. D’une part, elle permet une montée en compétence technique sur des enjeux encore sous-structurés dans nos politiques publiques ; d’autre part, elle ouvre la voie à une réflexion nationale sur la gouvernance de l’information, dans une logique de prévention, de régulation et de résilience.
À l’issue de cette mission, un rapport détaillé a été transmis à la Primature ainsi qu’au Ministère des Affaires étrangères, restituant les leçons apprises, les bonnes pratiques observées, et les pistes d’adaptation envisageables pour le contexte sénégalais.
POUR UNE STRATÉGIE NATIONALE DE RÉSILIENCE INFORMATIONNELLE
L’un des enseignements majeurs du séminaire tient à l’importance d’une vision intégrée de la résilience informationnelle, qui ne repose pas sur la censure ou la réaction ponctuelle, mais sur la capacité des institutions à comprendre les dynamiques narratives, à anticiper les menaces, et à construire une parole publique crédible mais surtout proactive.
Cette mission souligne aussi le rôle stratégique que peuvent jouer les communicants publics, les institutions nationales et les experts sectoriels dans la préservation de la confiance citoyenne et dans la défense de l’intérêt général.
Alors que l’Afrique est de plus en plus exposée à des offensives informationnelles d’origine exogène, et que les tensions internes peuvent être exacerbées par des récits falsifiés, le renforcement des capacités de l’État en matière de communication devient une priorité. L’heure est venue pour le Sénégal de faire de la souveraineté informationnelle un pilier de sa sécurité nationale, au même titre que la défense.
(Source : Seneweb, 20 juillet 2025)