Réseaux sociaux et offres de services : Un secteur dépassé par son essor ?
vendredi 23 août 2013
Le secteur des télécommunications est sans doute celui qui a connu le plus de succès,
ces dernières années. Mais, au vu des manquements notés dans l’offre de services, on
se demande si le secteur s’était bien préparé à un tel succès. A côté des
consommateurs plus ou moins satisfaits, d’autres ont fait de ce business, leur gagnepain.
Une, deux, voire trois puces, pour un seul usager. C’est la nouvelle habitude de bons nombre de
consommateurs. La raison est toute simple. A chaque opérateur, sa politique de promotion. Des
crédits doublés aux appels illimités, tout y est. La concurrence étant ce qu’elle est, plutôt féroce, il
n’est point question de laisser une marge de manœuvre aux concurrents.
S’il est évident que le Client est la cible principale de cette opération de charme, il n’en demeure
pas moins qu’il constitue souvent l’agneau du sacrifice. « Depuis que J’ai eu les trois puces, je ne
manque jamais de crédits. A chaque fois qu’il y a une promotion, j’en profite », s’exprime ainsi
Amayi Badji. Ce consommateur, journaliste à Seninfos, n’en est pas pour autant satisfait. En effet,
même s’il est un grand bénéficiaire des promotions, notre interlocuteur reconnait, néanmoins, y
avoir décelé beaucoup de manquements. « Pendant la période de promotion, à y voir de plus près,
il semble que ça revient au même, parce que le bonus offert semble être prélevé des appels,
automatiquement. Le coût de la communication semble plus cher. En tout cas, c’est ce que j’ai
constaté », dit-il. « On peut avoir l’impression que le crédit est vite consommé, mais ce n’est pas
toujours le cas. Dans la conscience du client, il se dit qu’il a assez de crédits, il ne fait pas trop
attention à la durée de l’appel. C’est après qu’il se rend compte qu’il a beaucoup consommé. Mais,
je pense qu’aujourd’hui, les consommateurs se réjouissent de la concurrence qui existe dans le
secteur. Avec les offres de promotions qui se bousculent, ce n’est que bénéfique », se réjouit
Aïssata Talla, étudiante à l’ISEG.
Si nos deux interlocuteurs semblent saluer ces belles initiatives, ce n’est pas le cas de Souadou Diallo. Pour cette dame, à peine la trentaine, les offres de promotions ne sont que du bluff. « À
maintes reprises, il m’est arrivé de consulter mon crédit et de ne trouver que la moitié du crédit que
j’y avais laissé et cela ne m’arrive, paradoxalement, que quand je profitais des promotions. Depuis
lors, je ne suis plus intéressée. Je n’achète même plus de cartes quand il y a promotion. Et puis,
avec cette récurrence des promotions, il y a de quoi s’inquiéter »,se désole-t-elle.
Tombé sur la discussion, son jeune frère se lâche. Cet adolescent a eu la pire mésaventure de sa
vie avec les promotions.
« J’ai une fois mis une carte de 5000 francs, parce qu’avec la promotion, le crédit devait être
multiplié par trois. Sur le coup, j’ai vu que c’était bien effectif. Pour bien en profiter, j’ai attendu les
heures de réduction pour en profiter au maximum. Mais après trois minutes de communication, la
discussion fut interrompue. Croyant que c’était un problème avec le réseau, j’ai insisté, mais ça ne
passait pas. J’ai alors consulté le crédit, il ne restait que zéro franc. Depuis lors, je n’achète plus
de crédits quand il y a promotion. », raconte-t-il.
Croyant que c’est dû au vendeur de cartes, le plaignant va se plaindre auprès de ce dernier.
Hélas, lui-même a connu de telles mésaventures avec les cartes qu’il vend. En effet, pour se
donner les moyens d’être à la hauteur de la concurrence, certains opérateurs vont jusqu’à offrir
des appels gratuits, des crédits doublés, des nuits blanches… Des offres qui ne manquent pas de
conséquences sur la qualité de l’offre. Ici aussi, le client est loin d’être satisfait.
Aujourd’hui, le constat est que les opérateurs semblent ne pas trop se soucier de la qualité du
réseau ou semblent n’avoir pas pris les devants en ce qui concerne leur réseau qui voit le nombre
d’abonnés, croître à une allure vertigineuse. Selon les chiffres de l’Autorité de Régulation des
Télécommunications et des Postes (ARTP), les trois opérateurs réunis comptent 9 352 868
abonnés, d’après le rapport 2011. Chargé de réguler le secteur, l’ARTP reçoit régulièrement des
requêtes venant des consommateurs désabusés, et en rapport direct avec les opérateurs. Une
donne qui atteste de la faiblesse des réseaux. Pour cause, la plupart des requêtes concernent
des soucis avec le réseau. « Nous avons reçu une requête aux fins de traitement d’un litige entre
Sonatel et Sentel Gsm relatif à l’interconnexion, des plaintes liées aux services de téléphonie, ou à
la disponibilité des réseaux mobiles et internet, ou encore au respect des clauses du contrat qui
lie l’opérateur au client… ». C’est autant de manquements qui sont tombés sur la table de l’ARTP
et qu’on pouvait lire sur le rapport.
Et le moins qu’on puisse dire, c’est que la donne n’a pas trop changé. Les nombreux
consommateurs sont unanimes à reconnaitre les couacs, notés au quotidien. Pire aujourd’hui, ils
semblent même s’être résignés à cohabiter avec ces manquements. « Vous bénéficierez d’appels
gratuits de minuit à 6 heures… Vous doublez ou triplez votre crédit si vous achetez tel
montant… ». C’est autant d’annonces que l’on voit régulièrement sur le service client des différents
opérateurs, au grand bonheur des consommateurs. Mais si offrir une promotion est une chose, se
donner les moyens de satisfaire le client en est une autre. Sans doute, la plus importante…
Aujourd’hui, le constat est que les opérateurs semblent peu se soucier de la qualité de l’offre.
« C’est facile de dire il y a telle ou telle promotion, mais encore faudrait-il que les opérateurs aient
un minimum de considérations pour les clients. Ils savent tous que, quand il y a des appels illimités
ou un crédit doublé, le réseau est plus sollicité, ils doivent prendre les mesures
d’accompagnement pour satisfaire les clients », clame Papa Sow, menuisier de son état. Pire, ce
dernier y voit une volonté des opérateurs de décourager les clients, parce que dit-il, il faut
longtemps insister avant de joindre son correspondant quand il y a appel illimité. Même s’il dégage
en touche cette idée qui dit que les opérateurs font exprès de brouiller les réseaux afin d’écouler
leurs cartes, le Directeur Marketing d’Expresso reconnait que des manquements existent
réellement dans le réseau. Il en donne d’ailleurs les raisons. « Aujourd’hui, la réalité, c’est que la
vitesse du marché des télécoms est allée plus rapide que celle de l’extension des réseaux »,
analyse M. Malick Thiam.
Comme s’il prenait la défense des opérateurs de téléphonie, Mamoudou Talla trouve
compréhensible les quelques couacs notés sur le réseau à l’occasion des jours de promotion. « Le
problème, c’est que le réseau est fortement sollicité quand il y a promotion, il y a forcément une
différence par rapport aux jours sans promotions. Mais cela ne devrait pas les empêcher de faire
plus d’efforts pour la satisfaction du client », peste-t-il.
(Source : Réussir Business, 23 août 2013)