Rapport d’exécution budgétaire : une occasion manquée pour l’État de prouver son impact, régulièrement
dimanche 17 août 2025
Le rapport d’exécution budgétaire du deuxième trimestre 2025 est un exercice au combien utile. On y découvre des données rassurantes : des recettes en progression, un déficit contenu, et une croissance portée par les hydrocarbures. Saluons d’abord la transparence : il est important que ces chiffres soient partagés avec le public.
Pourtant, si ce document rend lisible la macro-comptabilité, il reste étrangement déconnecté des réalités des entrepreneurs, surtout ceux de la tech — et plus généralement, de la population. Il ne répond pas à la question centrale : « Et pour le numérique ? Et pour nous, les acteurs de l’innovation ? »
La situation est d’autant plus paradoxale lorsque l’État annonce des recettes exceptionnelles : une taxe sur Canal+, une nouvelle fiscalité sur les transactions électroniques (fintech/mobile money), avec des promesses de rentrées record — mais nul ne sait comment ces fonds seront utilisés. Sans transparence, cette annonce devient vide de sens.
Un changement de paradigme nécessaire
Un budget, c’est plus qu’un document comptable : c’est un outil stratégique. Régulièrement, des pays africains montrent la voie :
– Tunisie : la Startup Act (2018) a institué un cadre budgétaire clair, avec incitations fiscales, financements dédiés et évaluation d’impact.
– Botswana & Maurice : forte présence dans le Global Innovation Index, grâce à des fonds publics de R&D, des parcs technologiques, et des indicateurs précis.
– Côte d’Ivoire : lancement récent d’un fonds public-privé de 100 milliards FCFA pour les startups digitales, avec une logique de suivi et d’évaluation.
– Partout, on retrouve les mêmes ingrédients :
– Des lignes explicitement dédiées à l’innovation.
– Des indicateurs de performance clairs (startups financées, emplois créés…).
– Des campagnes d’appel à projets et un accompagnement structuré.
Ce que le Sénégal doit faire
Pour transformer le New Deal technologique en réalité et assumer son impact, chaque rapport budgétaire devrait impérativement inclure :
1. Une ventilation sectorielle des investissements — quelle portion va au numérique, à la R&D, aux startups ?
2. Un suivi de la loi Startup 2020 — commande publique, mécanismes fiscaux, financements dédiés.
3. Des indicateurs d’impact digital — services publics digitalisés, marchés attribués à des startups, financements publics en R&D.
4. Un tableau de convergence avec la Vision 2050, reliant dépenses, objectifs stratégiques et résultats attendus.
En résumé : publier un rapport budgétaire est un progrès. Mais tant qu’il ne montre pas comment les ressources publiques soutiennent concrètement l’innovation, l’emploi et la digitalisation, il ne sera qu’une pièce comptable. Nous avons besoin d’un budget qui traduit la vision du pays — et en prouve l’impact, régulièrement.
Et maintenant ?
Voici la vraie question : est-ce au seul Ministère des Finances de porter cet effort de transparence ? Ou chaque ministère devrait-il s’approprier les conclusions du rapport et les traduire à ses publics cibles — le Ministère du Numérique pour les entrepreneurs tech, l’Éducation pour les enseignants, etc. ?
La digitalisation de la finance publique pourrait faciliter ce basculement — et les startups pourraient directement contribuer à cette communication et à cette appropriation. Alors, l’État est-il prêt à changer de paradigme et à rendre vraiment visible son impact sectoriel ?
PS : l’objectif de cette contribution n’est pas de cibler le MTCN, mais de mettre en lumière un phénomène plus global lié à la communication gouvernementale.
Mafal LO [1]
(Source : Groupe WhatsApp du RASA, 17 août 2025)
[1] Mafal Lo est consultant en innovation et accélération de startups, fondateur dans la fintech et l’edtech. À travers ses organisations, il œuvre à rapprocher politiques publiques, innovation et inclusion numérique pour renforcer l’écosystème entrepreneurial en Afrique de l’Ouest.