Quand des ados bienheureux des réseaux sociaux refont le monde
vendredi 18 août 2017
« Je n’ai que toi et je ne connais que toi, au point que chaque fois que je te parle, j’ai l’impression de parler en même temps au Sénégal tout entier ». N’en déplaise aux « victimes du net », les réseaux sociaux fonctionnent souvent comme le moteur involontaire de ces histoires tellement croustillantes qu’elles ne semblent être que de légende, sauf qu’elles peuvent potentiellement se transformer en de formidables aventures humaines.
Ainsi de ce taximan contant fleurette à l’élue du moment de son cœur, lui engagé pour une course de nuit dans les rues de Keur Massar, dans la grande banlieue dakaroise, elle suspendue à ces belles paroles au bout du fil depuis Kaolack.
Les deux se sont juste rencontrés sur Facebook, ne se sont jamais vus jusque-là, mais « tout se passe comme si on se pratiquait depuis une quinzaine d’années », jure le don juan de conducteur.
« Tu ne m’as pas bien compris : tu es la seule qui existe pour moi », insiste le taximan, conscient même de loin de l’effet de ses mots, une situation qui le comble de bonheur, la preuve par ses yeux qui s’illuminent.
A l’autre bout du fil, à Kaolack, il est facile d’imaginer l’effet partagé, pour une midinette sans doute interdite de sortie mais désireuse de s’évader et de confier à une connaissance-anonyme son mal vivre peut-être, son rêve de belle vie et de bonheur assurément.
Sans courir le risque d’être jugée ou incomprise, sans faire avec des principes édictés par un paternel trop protecteur, règles qui étouffent et obligent à un âge où on a un désir si ardent de croquer la vie à vie sinon de refaire le monde.
Toutes choses qui ne sont pas sans risques et qui justifient que l’usage des réseaux sociaux doit être encadré davantage et réglementé, au regard simplement des « dérives » mises en exergue depuis quelques temps par les « victimes du net ».
Il reste que les réseaux sociaux, leur usage et les nouvelles tendances induites, semblent relever d’une resocialisation ou d’une nouvelle socialisation qui rend compte des profondes mutations de sociétés humaines, africaines ou occidentales, au-delà des pays, des civilisations ou des religions.
Dans un monde qui ne s’ouvre véritablement que pour mieux se fermer, les réseaux sociaux comporte une ouverture improbable aux autres, en dépit du danger représenté par cette fenêtre vers un monde pas toujours maîtrisé ni si tellement sûr.
(Source : APS, 18 août 2017)