Le Sénégal se trouve désormais au cœur d’une guerre invisible mais redoutable : celle des données. Les cyberattaques ayant visé la Direction Générale des Impôts et Domaines (DGID) et le site officiel de la Présidence, il y a environ trois ans, en sont une preuve tangible. Loin d’être des incidents isolés, ces offensives s’inscrivent dans une campagne coordonnée menée par des groupes APT (Advanced Persistent Threat), déjà responsables d’attaques de grande ampleur en Turquie et en Inde. Leur objectif est clair : cibler les systèmes gouvernementaux et s’approprier des données stratégiques. Cette réalité impose un constat : l’information est désormais une arme et la souveraineté numérique se gagne sur le terrain cyber. Le Sénégal ne peut plus se contenter de subir ces offensives. Il lui faut mettre en place une réponse ambitieuse, à la hauteur des enjeux, et investir massivement dans la sécurité des données, l’intelligence artificielle et les technologies de pointe.
Un plan d’action stratégique : le “Bouclier Numérique Sénégal”
Face à cette menace systémique, trois axes d’intervention apparaissent essentiels :
1.Réaction immédiate : maîtriser la crise actuelle.
Il s’agit de renforcer rapidement les dispositifs de détection et de réponse aux attaques, afin de limiter les dommages et rétablir la confiance dans les systèmes publics.
2.Renforcement décisif : sécuriser l’appareil d’État
La protection des infrastructures critiques et des données gouvernementales doit devenir une priorité nationale, avec des mesures de défense renforcées et une coopération interinstitutionnelle accrue.
3.Vision à long terme : investir dans la souveraineté technologique.
Au-delà de la protection, le Sénégal doit développer ses propres solutions en cybersécurité et en intelligence artificielle, afin de réduire sa dépendance aux technologies étrangères et d’affirmer sa place sur l’échiquier numérique mondial.
Les attaques contre la DGID et la Présidence doivent être perçues comme un signal d’alerte. Le pays est désormais à un carrefour : soit il subit la guerre des données, soit il choisit d’y participer en acteur souverain.
En investissant résolument dans la cybersécurité et dans les technologies stratégiques, le Sénégal peut non seulement bâtir une véritable forteresse numérique, mais aussi devenir un leader africain de l’innovation publique sécurisée.
Le moment est venu de faire de la résilience cybernétique une priorité absolue, au même titre que la défense territoriale ou la sécurité économique. Le “Bouclier Numérique Sénégal” doit s’imposer comme un pilier central de notre souveraineté nationale.
Babacar Kane, Expert en Cybersécurité
(Source : Le Soleil, 15 octobre 2025)