Points d’échange Internet : des infrastructures vitales encore peu connues en Afrique
lundi 25 août 2025
L’Internet est devenu un levier incontournable de la transformation numérique, moteur de développement économique et social à l’échelle mondiale. Pour en garantir l’accès et la qualité, la disponibilité d’infrastructures performantes constitue un enjeu central.
Le mardi 19 août, le gouvernement nigérien a inauguré à Niamey, la capitale, un point d’échange Internet (IXP). Cette nouvelle infrastructure doit consolider le réseau numérique national et améliorer la connectivité dans le pays. En mai, la Mauritanie a lancé son deuxième IXP, tandis que la société britannique LINX en a ouvert un au Ghana en juillet, après deux premières installations au Kenya. Maillon essentiel de l’écosystème numérique, l’IXP reste pourtant largement méconnu du grand public africain.
Pour les autorités nigériennes, il s’agit « d’une infrastructure qui, sans être d’une très grande taille, reste une véritable révolution technologique pour le Niger, où les infrastructures de télécommunications initialement présentes sur le territoire ne permettaient plus d’assurer une connexion suffisante de la population, à des prix abordables ».
Qu’est-ce qu’un IXP ?
L’entreprise technologique américaine Cloudflare définit un IXP comme un lieu physique où les acteurs de l’infrastructure Internet comme les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et les réseaux de diffusion de contenus (CDN) se connectent directement entre eux. Ces points situés à l’intersection de différents réseaux permettent aux opérateurs d’échanger du trafic sans passer par des intermédiaires extérieurs.
L’Internet Society ajoute que les IXP permettent de créer des itinéraires plus courts et plus directs pour le trafic local. À défaut, une partie de ce trafic est envoyée à l’étranger avant de revenir via une liaison internationale, une pratique coûteuse et inefficace. Ainsi, un simple courriel envoyé à un voisin pourrait, en l’absence d’IXP, voyager à travers d’autres pays, voire des continents, avant d’arriver dans sa boîte de réception.
Pour fonctionner, un IXP nécessite des équipements comme un commutateur, des routeurs, des serveurs, un espace neutre d’hébergement, mais aussi une alimentation électrique fiable, des systèmes de refroidissement, de la sécurité et des ingénieurs spécialisés pour assurer son exploitation. Il peut être autonome ou installé dans un centre de données.
À quoi sert un IXP ?
Selon l’Union africaine, les points d’échange Internet offrent des avantages immédiats et durables. À court terme, ils réduisent considérablement les coûts en évitant que le trafic local ne transite par des liaisons internationales onéreuses. La bande passante locale devient plus accessible, les connexions gagnent en rapidité grâce à la réduction du nombre de sauts nécessaires, et les ingénieurs acquièrent de nouvelles compétences en matière de gestion du protocole BGP ou de ressources Internet. Les IXP apportent aussi une meilleure résilience : en cas de panne de câbles sous-marins ou de satellites, le trafic local continue de circuler normalement.
À long terme, ils favorisent le développement du marché numérique local. Ils stimulent la création de centres de données neutres, l’hébergement et l’accès à des contenus locaux, ainsi que l’émergence de nouveaux services reposant sur des connexions rapides et fiables. En offrant plus de choix aux opérateurs pour acheminer le trafic, ils dynamisent la concurrence et améliorent les performances globales du réseau.
Quels enjeux pour l’Afrique ?
Le nombre de points d’échange est en forte progression sur le continent. Selon une étude de la Coalition for Digital Africa publiée en mai 2024, on dénombre 63 IXP opérationnels dans 38 pays, contre seulement 36 répartis dans 26 pays en 2016. Malgré cette avancée, 16 pays n’en disposent toujours pas, alors que la demande en connectivité à haut débit augmente rapidement. La GSMA prévoit que le trafic mobile par abonnement en Afrique subsaharienne passera de 1,9 GB par mois en 2023 à 8 GB en 2030.
« Construire un IXP n’est ni techniquement complexe ni coûteux. Quand les opérateurs locaux vendent un accès à « Internet », ils vendent en réalité l’accès aux réseaux des autres, y compris à ceux de leurs concurrents. Souvent, ils ne s’en rendent pas compte, surtout dans les marchés émergents. Or, s’ils refusent de s’interconnecter localement, ils devront le faire à l’étranger, avec des coûts plus élevés et des performances réduites », souligne le rapport « Africa Domain Name Industry Study » de la Coalition for Digital Africa.
Les IXP pourraient contribuer à faire baisser le prix d’Internet, l’une des principales revendications des usagers africains. Selon l’Union internationale des télécommunications (UIT), le coût de l’Internet fixe représentait encore 14,8 % du revenu national brut par habitant en Afrique, contre 4,48 % pour l’Internet mobile. L’UIT considère qu’un service est abordable lorsque cette part ne dépasse pas 2 %.
La cherté des services reste l’un des principaux obstacles à l’adoption d’Internet sur le continent. Une baisse des tarifs pourrait changer la donne, en favorisant l’accès et l’usage massif du numérique. D’après les chiffres de l’UIT, seulement 37,5 % de la population africaine utilisait Internet en 2024.
Isaac K. Kassouwi
(Source : Agence Ecofin, 25 août 2025)