Depuis plusieurs semaines, les Sénégalais dépendant du paiement mobile vivent un calvaire. En cause : un bras de fer entre les fintech et la banque centrale ouest-africaine. Seules 11 fintech de la zone UEMOA sont aujourd’hui conformes à la réglementation
Depuis plusieurs semaines, les utilisateurs sénégalais de services de paiement mobile font face à des perturbations majeures. Les transferts d’argent entre Wave et Orange Monnaie, les deux principales plateformes du pays, sont régulièrement interrompus, laissant les clients dans l’embarras pour leurs transactions quotidiennes.
« J’avais une urgence, je devais faire une transaction entre Orange Monnaie et c’était très compliqué. Quand je suis rentrée sur l’application, on m’avait dit qu’elle était indisponible pour le moment », témoigne Ndiémé, une utilisatrice frustrée par ces dysfonctionnements récurrents.
Cette situation touche particulièrement un pays où plus de la moitié des 18 millions d’habitants dépendent des services de paiement mobile pour leurs transactions financières. Les messages d’erreur « service momentanément indisponible » se multiplient, créant une onde de choc dans l’économie numérique sénégalaise.
À l’origine de cette crise : un différend entre les entreprises fintech et la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Cette dernière a suspendu de nombreuses fintech pour non-conformité à la réglementation de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).
Omar S. Dialo, cofondateur d’une fintech spécialisée dans les avances sur salaire, dénonce avec amertume les méthodes de la banque centrale : « On a perdu beaucoup d’argent, mais on a perdu en réputation aussi et ça, rien ne peut réparer ça. Ce qu’on reproche à la banque centrale, c’est de prendre des décisions sans se concerter avec les acteurs. »
Les entrepreneurs du secteur revendiquent leur expertise et contestent l’approche autoritaire de la BCEAO. « Nous ne sommes pas des gens réfractaires à la réglementation, mais nous connaissons notre métier. Les fintech, c’est notre création, pas celle de la banque centrale », insiste Omar S. Dialo.
Malgré les demandes répétées de dialogue, la BCEAO maintient sa position. Sollicitée par France 24, l’institution n’a pas donné suite favorable à une demande d’interview, laissant les questions sans réponse.
Fin mai 2024, seules 11 fintech de la région UEMOA avaient obtenu la reconnaissance de conformité réglementaire, dont quatre au Sénégal et quatre en Côte d’Ivoire. Ce chiffre illustre l’ampleur du défi réglementaire auquel fait face un secteur pourtant vital pour l’inclusion financière en Afrique de l’Ouest.
(Source : Seneplus, 20 juin 2025)