Le Forum d’assistance des consommateurs du Sénégal (Facs) alerte par rapport à la nouvelle taxe sur les services de paiement et les transferts d’argent. Dans une lettre ouverte, l’organisation consumériste lance un appel au président de la République et au Premier ministre en vue d’ouvrir des concertations inclusives, afin d’éviter « les conséquences regrettables que cette décision de taxation pourrait engendrer en termes d’affaiblissement du pouvoir d’achat des consommateurs, déjà faible, et sur le chômage des jeunes et le desserrement de l’étau de l’émigration irrégulière ».Par Dialigué FAYE –
La nouvelle taxe sur le mobile money continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive. Après l’Organisation des professionnels des Tic (Optic) du Sénégal, l’Association sénégalaise des établissements de paiement et des émetteurs de monnaie électronique (Asepa-me), c’est au tour du Forum d’assistance des consommateurs du Sénégal (Facs) de monter au créneau pour alerter par rapport aux conséquences qu’un tel projet de loi pourrait engendrer sur le pouvoir d’achat des consommateurs en particulier et des populations du Sénégal en général.
« Nous ne sommes pas contre le principe, parce que l’Etat n’a que les taxes et les impôts, entre autres, comme mécanisme de financement des politiques publiques. Mais choisir un secteur aussi stratégique et sensible comme le mobile money, avec tout ce qu’il contribue et représente dans l’économie nationale, pour élargir l’assiette fiscale, nécessite, en amont, des concertations inclusives avec tous les acteurs de l’écosystème (Etat, opérateurs, agents, organisations de défense des consommateurs, Association sénégalaise de paiement de monnaie électronique (Asepame), experts financiers) afin d’éviter les conséquences regrettables que cette décision de taxation pourrait engendrer en termes d’affaiblissement du pouvoir d’achat des consommateurs, déjà faible, et sur le chômage des jeunes et le desserrement de l’étau de l’émigration irrégulière », écrit l’organisation consumériste dans une lettre ouverte.
Le Facs estime qu’environ « 95% des populations adultes détiennent un compte de mobile money, ce qui a grandement contribué au taux d’inclusion financière ». Comme autres arguments, Abdou Diouf, président du Facs, invoque l’Enquête nationale auprès des usagers des services bancaires (Esub) 2024 faisant état d’un « Taux gobal d’utilisation des services financiers (Tusf) de 83, 30% en 2023 contre 80, 12% en 2022 ; ce qui montre des signes de croissance nette ». D’ailleurs, souligne-t-il, « cette dernière progression est en particulier liée à l’accroissement du taux d’utilisation des services de la monnaie électronique qui, lui, est passé de 5, 9% en 2013 à 59, 86% en 2023. En nous référant aux données de la Bceao, entre 2022 et 2024, l’activité du mobile money a connu une croissance exponentielle, confirmant son rôle central dans l’économie nationale.
La valeur totale des transactions est passée de 14 308 milliards de francs Cfa en 2022 à 48 073 milliards en 2024, soit une hausse de plus de 230% en deux ans. Ce volume de transactions, qui ne cesse d’accroître, est à l’origine de l’appropriation généralisée des services financiers numériques par les jeunes, les ménages, les commerçants, les entreprises, entre autres, répondant favorablement aux recommandations de la Stratégie nationale d’inclusion financière (Snif 2022-2026) qui prône l’accessibilité du système financier et l’inclusion financière des populations ».
Tout cela pour dire que « l’usage inclusif du mobile money favorise la circulation monétaire, la création d’emplois, et est réputé lutter contre le chômage des jeunes, la thésaurisation, le blanchiment d’argent, entre autres, qui sont, de l’avis des experts, autant de tares qui obstruent les efforts du développement économique ».
Un paradoxe pour la digitalisation des services financiers
Par conséquent, avertit le Facs, « cette taxation sur le mobile money, si elle est appliquée, impactera négativement le pouvoir d’achat des consommateurs. A la même occasion, elle créera un manque à gagner pour les agents économiques. Au-delà d’être un paradoxe pour des initiatives comme la digitalisation des services financiers, la Stratégie nationale d’inclusion financière (Snif 2022-2026) mises en place par l’Etat du Sénégal via le ministère des Finances et du budget, elle sera aussi un frein pour booster l’inclusion financière qui vise à rendre le système financier plus accessible aux populations non bancarisées, composées très souvent de personnes vulnérables ».
Compte tenu de ces multiples conséquences négatives pour les populations et pour l’économie, le Facs, « soucieux de l’intérêt général, de l’Etat et des populations », lance « un appel au président de la République et au Premier ministre en vue d’ouvrir des concertations inclusives pour trouver des niches prometteuses de financements efficaces et efficients pour le Plan de redressement économique et social (Pres 2025- 2028) ».
Dialigué Faye
(Source : Le Quotidien, 24 septembre 2025)