Nigeria : les autorités veulent reconvertir les cybercriminels dans la cybersécurité
dimanche 13 juillet 2025
Le Nigeria intensifie ses efforts de lutte contre la cybercriminalité. Selon les sources officielles, ce fléau entraîne en effet chaque année des pertes estimées à près d’un demi-milliard de dollars.
Le Nigeria souhaite insérer dans sa lutte contre la cybercriminalité un levier de réinsertion professionnelle. Ola Olukoyede, le président de la Commission nationale des crimes économiques et financiers (EFCC), a annoncé la création prochaine d’une académie destinée à former d’anciens cybercriminels aux métiers du numérique.
L’initiative a été dévoilée lors de la Conférence nationale sur la cybersécurité tenue à Abuja les 9 et 10 juillet. Selon M. Olukoyede, certains des individus ciblés disposent déjà de compétences techniques avancées. L’objectif est donc de réorienter ces aptitudes vers des usages légaux et bénéfiques pour l’économie numérique du pays.
Un premier cycle de formation est prévu pour 500 participants, avant une extension à 2500. Les bénéficiaires recevront une allocation mensuelle afin de faciliter leur réinsertion dans des domaines tels que le développement logiciel ou la cybersécurité. Ceci s’inscrit dans une stratégie plus large visant à contrer la cybercriminalité, un phénomène qui prend de l’ampleur avec la transformation numérique.
En avril 2025, le Nigeria a ainsi signé un protocole d’accord avec le Royaume-Uni pour renforcer la coopération en matière de cybersécurité. Quelques mois plus tôt en novembre 2024, une opération coordonnée par Interpol avait permis l’arrestation de 306 cybercriminels dans plusieurs pays africains, dont 130 chez le géant ouest-africain. Sur l’ensemble de l’année, la police nigériane rapporte avoir arrêté 751 individus impliqués dans des activités cybercriminelles.
Ce fléau entraîne des pertes économiques considérables. Selon les données publiées par la Nigerian Communications Commission (NCC) en 2022, la cybercriminalité coûte environ 500 millions USD par an au pays. L’EFCC a lancé en octobre 2024 un centre de réponse rapide aux cybercrimes, opérationnel 24 h/24, pour permettre aux citoyens de signaler plus efficacement les incidents en ligne. L’institution appelle à une coopération renforcée entre régulateurs, forces de l’ordre, institutions financières et société civile, tout en plaidant pour des investissements continus dans les infrastructures de cybersécurité et la formation des talents locaux.
Ce n’est pas la première fois que la question de la réinsertion des cybercriminels est soulevée au Nigeria. Plusieurs appels ont déjà été lancés par le passé, et le président Bola Ahmed Tinubu avait lui-même promis durant sa campagne présidentielle, de transformer les cybercriminels en experts légaux du numérique. Aucune action concrète n’avait toutefois été engagée jusque-là.
L’impact réel de l’académie en projet reste à évaluer. Au-delà des compétences techniques, la réussite de cette initiative reposera aussi sur l’accompagnement moral et professionnel des bénéficiaires, condition essentielle pour garantir une réinsertion durable.
Isaac K. Kassouwi
(Source : Agence Ecofin, 13 juillet 2025)