Nigeria : la réintroduction d’une taxe de 5 % sur les télécoms inquiète les opérateurs
jeudi 15 mai 2025
Avec plus de 40 % de la population toujours non connectée, le Nigeria peine à combler sa fracture numérique. La réintroduction d’une taxe de 5 % sur les télécoms pourrait freiner davantage l’accès aux services essentiels et compromettre les efforts d’inclusion numérique.
Le gouvernement nigérian pourrait bientôt réintroduire une taxe d’accise de 5 % sur les services de transmission de données et de téléphonie vocale, selon le projet de loi de finances 2024 adopté par le Sénat la semaine dernière. Suspendue en 2023 après une forte contestation, cette mesure inquiète à nouveau les opérateurs, qui redoutent une hausse des coûts pour les consommateurs et un frein aux efforts d’inclusion numérique.
« Nous n’avons pas eu d’éclaircissements sur la manière dont la taxe de 5 % serait mise en œuvre, mais le fardeau retombera sur le consommateur. Les télécommunications devraient être traitées comme un bien social, et non taxées comme des articles de luxe. Personne ne taxe les télécommunications de la sorte dans les pays où l’infrastructure est prise au sérieux », déplore Gbenga Adebayo, président de l’Association des opérateurs de télécommunications agréés du Nigeria (ALTON).
Initialement introduite en 2020 sous l’administration Buhari pour élargir l’assiette fiscale, la taxe avait été suspendue par le président Bola Tinubu en 2023, face aux pressions inflationnistes. Mais dans un contexte budgétaire sous tension, le gouvernement revient à la charge. Selon ALTON, les opérateurs télécoms sont déjà soumis à 54 taxes différentes, tandis que la Commission nigériane des communications (NCC) indique ne pas avoir encore reçu la version officielle du texte pour examen.
Au-delà de l’enjeu fiscal, cette mesure soulève des interrogations sur la soutenabilité des investissements dans les infrastructures numériques et sur l’accessibilité des services. Le secteur, reconnu comme moteur de croissance, montre pourtant des signes de reprise : MTN Nigeria a enregistré un bénéfice de 133,7 milliards de nairas (environ 83,3 millions de dollars) au premier trimestre 2025, après une perte importante en 2024, tandis qu’Airtel Africa a déclaré un bénéfice avant impôt de 661 millions de dollars sur l’exercice clos en mars.
Dans un pays où plus de 40 % de la population reste sans accès à Internet, taxer davantage un service aussi essentiel pourrait creuser les inégalités numériques. À l’heure où le numérique s’impose comme un levier crucial pour l’éducation, la santé ou l’emploi, le risque est grand de voir les plus vulnérables exclus. Les professionnels du secteur appellent à une vision de long terme, misant sur l’investissement et la connectivité plutôt que sur une fiscalité immédiate, qui pourrait compromettre les ambitions du Nigeria en matière de développement inclusif.
Samira Njoya
(Source : Agence Ecofin, 15 mai 2025)