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Monnaie numérique et souveraineté monétaire

samedi 16 avril 2022

Point de vue

Voici la deuxième partie de la tribune de Kouamé Kouassi sur la monnaie numérique en Afrique. L’ancien cadre de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) traite cette mutation sous le prisme de la souveraineté monétaire.

La mutation numérique de la société n’épargne pas le domaine de la souveraineté monétaire. Elle va bousculer les acteurs traditionnels de l’exercice de la souveraineté monétaire (banque centrale et banques), à l’instar des bouleversements intervenus dans d’autres secteurs d’activités. L’avènement des banques et de la monnaie scripturale avait ajouté une composante supplémentaire à l’exercice de la souveraineté monétaire, à l’origine entièrement dévolu à la banque centrale. Le bénéfice de seigneuriage attaché à l’exercice de souveraineté monétaire, limité à l’origine à l’émission de la monnaie fiduciaire, s’est étendu à la monnaie scripturale, et est depuis lors partagé entre l’Etat et les banques. L’avènement des crypto-monnaies et des émetteurs de monnaies numériques introduira une nouvelle composante à l’exercice de souveraineté monétaire, qui sera profondément modifiée. L’arrivée de ces nouveaux acteurs devrait conduire à une libéralisation plus poussée d’une activité qui était à l’origine un domaine réservé de la banque centrale, et avait été ouverte aux banques avec l’émission par celles-ci de la monnaie scripturale. Les nouveaux acteurs numériques s’invitent aussi au partage du bénéfice de seigneuriage attaché à l’émission de la monnaie, inhérente à l’exercice de la souveraineté monétaire.

La monnaie numérique est devenue un enjeu important, et les systèmes monétaires et bancaires nationaux doivent s’adapter au développement considérable des moyens de paiement numériques et des crypto-monnaies. L’usage non contrôlé de crypto-monnaies et de monnaies numériques des géants technologiques pourrait affecter la souveraineté monétaire et le pouvoir de régulation des banques centrales, et constituer une menace pour la stabilité des systèmes financiers. Des flux monétaires importants liés aux moyens de paiement numériques pourraient se trouver hors de supervision des banques centrales.

Le développement de systèmes de paiement numériques non contrôlés et non réglementés pourrait conduire à la création d’un espace monétaire parallèle exposé aux risques de blanchiment d’argent. Des acteurs de l’économie souterraine pourraient y dissimuler les opérations financières liées à leurs sombres activités. Les régulateurs devraient se donner les moyens de contrôler totalement les établissements émetteurs de monnaie numérique. Certains soulignent le risque d’instabilité que l’absence de règlementation adéquate des crypto-monnaies ferait peser sur le système financier et sur les investisseurs individuels. Mais, il convient de souligner que malgré la réglementation du système financier, son évolution est aussi jalonnée de crises préjudiciables aux investisseurs individuels. La guerre engagée par certaines banques centrales interdisant les transactions de crypto-monnaies vise à prévenir d’éventuels menaces sur la souveraineté monétaire. Il vaudrait mieux réglementer et réguler la détention et les transactions de crypto-monnaies. Les interdire totalement pourrait accentuer davantage leur usage dans la sphère de l’économie souterraine.

La transformation numérique du paysage financier implique des changements profonds de l’écosystème financier. C’est la responsabilité des autorités publiques (pouvoir politique et pouvoir monétaire) de créer un écosystème assurant des règlements rapides, efficients et sécurisés, et une forme de monnaie compatible avec une économie de plus en plus digitalisée. Les modifications de l’écosystème financier devraient se matérialiser par l’émission d’une monnaie numérique par la banque centrale, permettant de renforcer l’exercice de souveraineté monétaire, face aux crypto-monnaies et aux géants technologiques. Si la monnaie numérique devait être créée uniquement par les établissements de paiement et les banques, cela limiterait les capacités de la banque centrale à contrôler l’offre de monnaie et à conduire la politique monétaire. Cela les mettrait dans une position où elles n’auraient pas besoin de la banque centrale pour alimenter leur clientèle en monnaie numérique. Pour les besoins de politique monétaire, la banque centrale devrait tenir son rôle de prêteur en dernier ressort, y compris en monnaie numérique.

Monnaie numérique de banque centrale

Une monnaie numérique de banque centrale répondrait à l’évolution digitale de la société, et obéirait à une logique de souveraineté monétaire. Elle pourrait être considérée comme la crypto-monnaie de la banque centrale. La question n’est plus de savoir s’il faut créer une monnaie numérique de banque centrale, mais plutôt quand et comment le faire. Plusieurs pays en développement sont déjà engagés dans un processus devant les conduire à la réalisation d’une phase pilote, et à la mise en circulation d’une version numérique de leurs monnaies. En Afrique, c’est le cas du Ghana, du Nigéria, du Maroc, de l’Afrique du Sud, de l’Egypte, du Kenya. En l’absence d’une monnaie numérique de banque centrale, les crypto-monnaies et autres instruments monétaires numériques étrangers pourraient être prépondérants dans les systèmes nationaux de paiement. Une telle absence limiterait la mutation du cadre opérationnel de la banque centrale vers le numérique.

La création d’une monnaie numérique de banque centrale, largement accessible, nécessite de réviser le cadre régissant l’émission et l’usage de la monnaie. Il apparait nécessaire d’élargir les différentes déclinaisons de la monnaie, en donnant une base légale et réglementaire à la nouvelle forme numérique de la monnaie. Il s’agit de donner par la loi, cours légal à la monnaie numérique dans l’espace économique national, comme c’est le cas pour la monnaie fiduciaire et la monnaie scripturale.

D’ordinaire, la monnaie créée est un engagement de l’institution qui est à l’origine de sa création. La monnaie fiduciaire, constituée des pièces et des billets de banque, symbolise un engagement de la banque centrale, et constitue pour son détenteur une créance sur celle-ci. La monnaie scripturale, matérialisée par des dépôts inscrits dans les livres des banques, est considérée comme un engagement de chaque institution bancaire et une créance des déposants. La banque centrale crée aussi de la monnaie scripturale inscrite dans ses livres, et matérialisant un engagement de celle-ci à l’égard des banques. Quelle que soit sa forme, la monnaie est un engagement pour son émetteur et une créance pour son détenteur.

La mise en place de dispositifs d’assurance dépôts ne remet pas en cause l’engagement des banques sur les dépôts qu’elles détiennent, ces dispositifs ne couvrant généralement qu’un faible montant des dépôts bancaires. Si un système de protection des dépôts existe pour les dépôts bancaires, alors il devrait être étendu aux dépôts numériques.

La monnaie numérique de banque centrale serait un engagement de celle-ci, à l’instar de la monnaie fiduciaire. Sa détention confèrerait une créance sur la banque centrale, comme c’est le cas pour les pièces et les billets de banque détenus par les agents économiques (y compris les banques). Les avoirs des agents économiques (financiers et non-financiers) en monnaie numérique de banque centrale apparaîtraient donc au bilan de la banque centrale.

Appelée à remplacer les espèces, la monnaie numérique de banque centrale ne fera pas cependant disparaître totalement l’usage du cash. L’appellation de monnaie numérique de banque centrale établit une différence avec les monnaies numériques créées par des acteurs privés. Les créations de monnaie numérique par des établissements financiers doivent être considérées comme des engagements de ces institutions, portés à leurs bilans. Comme avec les espèces, les opérations qui seraient effectuées par les agents économiques avec de la monnaie numérique de banque centrale ne devraient pas affecter les engagements des banques.

Si la monnaie numérique de banque centrale est considérée comme une version numérique des espèces, elle devrait en posséder les caractéristiques principales. Celles-ci portent notamment sur son émission par la banque centrale, sa distribution à travers les banques, un large accès des populations et l’anonymat sur les transactions. Dans l’écosystème financier actuel, les particuliers et les entreprises se procurent les pièces et les billets auprès des banques ou d’autres agents économiques. Ils ne disposent ni de dépôts ni de comptes auprès de la banque centrale. En revanche, avec la monnaie numérique de banque centrale, les agents économiques pourraient détenir des avoirs sur des comptes ou des portes-monnaies numériques rattachés à la banque centrale.

Le compte ou le porte-monnaie numérique rattaché à la banque centrale devrait être le seul canal d’utilisation de la monnaie numérique de banque centrale. Il pourrait être qualifié de public (ou national)pour le différencier de ceux fournis par les autres acteurs locaux ou étrangers. Certaines banques centrales s’orientent plutôt vers une monnaie numérique rattachée à des comptes auprès des banques. Le taux de bancarisation élevé dans ces pays offre un large accès des populations à la monnaie numérique de banque centrale à partir de comptes bancaires.

Un compte ou un porte-monnaie numérique de banque centrale devrait être attribué à chaque résident à partir d’un certain âge, associé à un identifiant unique et à un numéro de compte contribuable. Les comptes ou les portes-monnaies numériques de banque centrale pourraient être différenciés. On pourrait avoir un ‘’porte-monnaie particulier’’ (consumer wallet), un ‘’porte-monnaie entreprise’’ (corporate wallet), un ‘’porte-monnaie d’association’’ (association wallet). Le Trésor et les autres institutions publiques devraient également en disposer (institution wallet).

Distribution de la monnaie numérique de banque centrale

Certains considèrent que la monnaie numérique émise par la banque centrale devrait être gérée directement par cette dernière, ce qui est faisable d’un point de vue technique et opérationnel. D’autres imaginent alors un système sans banques, ce qui signifierait que c’est la banque centrale qui distribuerait également les crédits aux agents économiques. Un tel système serait une incongruité, car la banque centrale se trouverait à conduire la politique monétaire pour influer sur la liquidité globale, et en même temps à distribuer des crédits aux agents économiques. Cela conduirait la banque centrale à poursuivre des objectifs contradictoires, et la transformerait en un organisme de crédits aux agents économiques à la place des banques dont c’est l’activité principale.

En général, l’économie nationale est alimentée en monnaie fiduciaire par la banque centrale, à travers les banques et le Trésor public. Les banques approvisionnent leur clientèle en pièces et billets en s’approvisionnant elles-mêmes auprès de la banque centrale. Des échanges de pièces et de billets s’effectuent aussi entre les acteurs économiques non-financiers. De la même façon, l’économie devrait être alimentée en monnaie numérique de banque centrale à travers les banques et le Trésor public. La banque centrale émettrait de la monnaie numérique au profit des banques, des établissements de paiement et du Trésor public. La distribution de la monnaie numérique de banque centrale se ferait comme pour la monnaie fiduciaire, et celle de la monnaie numérique privée se ferait comme pour la monnaie scripturale.

Les banques et autres établissements s’approvisionneraient à la banque centrale pour alimenter leur clientèle en monnaie numérique de banque centrale, s’ils n’en disposent pas en quantité suffisante. Mais, permettre l’accès à la monnaie numérique de banque centrale par le seul canal des banques exclurait la population non bancarisée de son usage, ce qui serait contraire à l’objectif et à l’esprit d’une monnaie de banque centrale. Contrairement à la monnaie fiduciaire, un agent économique ne pourrait recevoir des fonds et effectuer des paiements en monnaie numérique de banque centrale, que s’il dispose lui-même d’un compte ou d’un porte-monnaie numérique qui lui est associé. La détention et l’usage d’un compte de monnaie numérique de banque centrale devrait donc concerner tous les agents économiques résidents, qu’ils soient bancarisés ou non. D’où l’idée d’attribuer un compte de monnaie numérique de banque centrale à chaque entreprise et chaque résident (à partir d’un âge défini).

Une banque centrale doit assurer un large accès à des moyens de paiement fiables et sécurisés, qu’elle met à la disposition du grand public. C’est le cas des pièces et des billets de banque, dont l’usage ne se limite pas aux agents économiques bancarisés. Leur usage s’étend aux populations non-bancarisées, leur permettant de participer pleinement aux échanges économiques. Le statut de populations non-bancarisées ne les empêche pas de se procurer les pièces et les billets de banque auprès d’autres agents économiques ou auprès des banques (munies de chèques libellés à leur profit).

Les comptes ou les portes-monnaies numériques de banque centrale pourraient être également distribués à travers plusieurs autres canaux, pour parvenir à une large couverture des populations. Tout agent économique devrait pouvoir en disposer à travers une banque, un établissement de paiement, une agence du Trésor public ou toute autre structure habilitée. L’attribution d’un compte ou d’un porte-monnaie numérique de banque centrale pourrait être couplée à l’établissement d’un compte contribuable, y compris pour ceux qui ne sont pas fiscalement immatriculés.

La gestion des comptes ou des portes-monnaies numériques de banque centrale pourrait être assurée par une structure dédiée, en relation avec les banques, les institutions de micro-finance, les établissements émetteurs de monnaie numérique, le Trésor public et éventuellement d’autres acteurs (services de poste, municipalités, station-services, pharmacies, etc).

A suivre.

Kouamé Kouassi [1]

(Source : Financial Afrik, 16 avril 2022


[1] Ingénieur Statisticien Économiste, KOUASSI KOUAME a servi à plusieurs niveaux de responsabilité, en tant que Directeur Général du budget et des finances au ministère ivoirien de l’économie et finances, Directeur et Administrateur de la BCEAO, président de conseil dans différentes institutions publiques et privées.

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