Métissacana : Internet partout, entretien avec Michel Mavros (Sénégal)
vendredi 1er février 2002
En 1996, la styliste sénégalaise Oumou Sy, son mari Michel Mavros et Alexis Sikorsky (photo)
ont ouvert à Dakar le premier cybercafé d’Afrique de l’Ouest : le Metissacana. C’est aussi le
nom de leur société : principal serveur au Sénégal avec l’entreprise publique de
télécommunications Télécom Plus. Depuis deux ans, Métissacana (qui signifie en bambara
« le métissage arrive ») ouvre des antennes régionales à travers tout le Sénégal. Ce réseau
compte aujourd’hui une cinquantaine d’employés.
Depuis que vous avez ouvert votre cybercafé, l’utilisation que vos clients font
d’Internet a-t-elle évolué ?
Au début, les gens venaient surtout pour envoyer des e-mails. Les jeunes, eux,
s’intéressaient aux jeux. Au fur et à mesure, les clients réguliers se sont familiarisés au web.
Aujourd’hui, nous comptons 1000 abonnés ; il y a 2000 usagers au cybercafé par mois et
nous hébergeons environ 2000 e-mails gratuits. Beaucoup d’étudiants et de lycéens
n’hésitent plus à se lancer dans des recherches sur Internet. L’e-mail reste tout de même
l’utilisation la plus fréquente.
Vos tarifs sont-ils accessibles au plus grand nombre ?
Nous proposons une heure de connexion à Internet à 1500 F CFA (15 FF) et la ½ heure à 1000 F ; l’abonnement mensuel est à 8000 F CFA (80 FF).
Notre objectif est de proposer un Internet de masse, réellement accessible au plus grand nombre. Internet peut être un outil populaire. Ce qui est élitiste,
c’est le coût d’un ordinateur, pas celui d’une connexion.
Vous avez ouvert plusieurs antennes régionales à travers le Sénégal. Pourquoi avez-vous constitué ce réseau ?
Dès le départ, notre objectif a été d’amener Internet au plus grand nombre. Cela suppose d’une part de multiplier les points d’accès au web et d’autre
part de former les gens à son utilisation. Ces deux volets nous sont essentiels. Actuellement, nous avons des antennes à Thiès, Sally, Kaolack,
Tambacounda, Saint-Louis et bientôt à Ziguinchor.
Comment fonctionne ce réseau ?
Nous avons chaque fois trouvé des partenaires locaux. A Tambacounda, nous nous sommes associés à un prestataire informatique local. A Sally, à un
business center. A Kaolack, nous nous sommes alliés à un cabinet de consultants. Ces antennes sont dans une très large mesure autonomes. Elles
fixent chacune leurs tarifs de connexion, le coût d’une formation, de l’installation technique. Seuls les abonnements au serveur reviennent au
Métissacana. Le reste des prestations dépend de chaque antenne. Jusqu’à présent, elles restent dans une fourchette de prix accessibles. C’est tout leur
intérêt. Pour le moment, le nombre d’abonnements dans les antennes régionales est encore faible. Les gens commencent seulement à se familiariser à
internet. Mais on note une demande croissante de formation.
Quelles sont vos actions de formation ?
A Dakar comme dans nos antennes régionales, nous formons essentiellement des particuliers. Nous avons tenté de mettre en place des partenariats
avec des écoles. Mais rien n’a encore abouti. Les démarches administratives sont très longues. Parfois, ce peut être une ONG ou une mission de
coopération qui regroupe des entreprises ou des journalistes pour leur offrir une session de formation. Malheureusement, les collectivités locales n’ont
pas les moyens de financer des formations collectives.
Métissacana n’est pas seulement un serveur. Vous offrez aussi d’autres prestations...
Notre site Métissacana héberge plusieurs autre sites : d’artistes, de la presse, de radio, etc. Nous avons été le premier site en Afrique de l’Ouest à
diffuser des émissions de radio. Nous créons aussi des sites pour des particuliers ou des entreprises. Désormais nous voulons faire du site
Métissacana un véritable serveur d’informations sur l’Afrique où l’on trouve des raccourcis vers d’autres sites que nous n’hébergeons pas forcément.
Nous avons créé des forums sur des thèmes africains et ouvert un « chat » (discussion en direct).
Avez-vous d’autres projets de développement ?
Nous voulons développer le commerce électronique et le téléphone par Internet (voix sur IP). Notre objectif est de devenir un serveur sous-régional et de
continuer à étendre notre réseau.
Propos recueillis par Ayoko Mensah
(Africultures n° 23 décembre 1999)