Le parquet malien alerte sur la montée de contenus obscènes et de proxénétisme déguisé sur les réseaux sociaux, annonçant des enquêtes et interpellations dans un communiqué en date du 29 avril.
Dans un communiqué officiel daté du 29 avril, le Procureur de la République près le Pôle national de lutte contre la cybercriminalité a sonné l’alarme sur la montée inquiétante au Mali de pratiques jugées contraires aux bonnes mœurs sur les plateformes numériques. Ce message d’alerte, inédit par sa sévérité, cible notamment TikTok, WhatsApp, Telegram, Instagram ou encore Snapchat, devenus, selon les autorités, de véritables relais d’activités obscènes, de proxénétisme déguisé et de commerce illicite de produits à caractère intime.
Au Mali, la liberté d’expression et la vitalité des échanges numériques n’ont pas empêché l’émergence de comportements délictueux. Des « pages vitrines » aux groupes fermés, plusieurs espaces virtuels sont désormais surveillés pour leur rôle présumé dans la diffusion de vidéos suggestives, la proposition de services sexuels tarifés, ou encore la commercialisation de produits liés à la sexualité ou à la santé sans encadrement légal. Selon une source judiciaire proche du dossier, plus d’une dizaine de comptes ont récemment été signalés pour exhibition sexuelle, incitation à la débauche ou mise en relation tarifée entre adultes.
En mars dernier, une affaire révélée par Le Pays avait fait grand bruit : une jeune femme influente sur TikTok, suivie par plus de 75 000 abonnés, avait été arrêtée à Bamako pour diffusion de contenus jugés « obscènes et provocateurs ». Elle proposait en privé des « consultations sentimentales », accompagnées de conseils sur l’usage de gels, de gadgets sexuels et de produits non homologués. Une enquête a permis de remonter à un réseau actif de vente en ligne, mêlant conseils intimes, vidéos à caractère pornographique et activités de proxénétisme déguisé.
En 2023, une autre influenceuse avait été placée sous mandat de dépôt après la diffusion d’un live jugé attentatoire à la dignité. Le parquet avait alors rappelé les peines prévues à l’article 512-53 du Code pénal, qui sanctionne sévèrement la fabrication, la vente ou la diffusion de contenus contraires aux bonnes mœurs — jusqu’à 7 ans d’emprisonnement et 10 millions de francs CFA d’amende.
Le cadre légal invoqué par le parquet
Le ministère public s’appuie sur une batterie de textes. L’article 512-53 du Code pénal malien punit toute personne qui, « sciemment », vend, loue, importe ou expose au public des images, objets ou documents à caractère obscène. À cela s’ajoutent les articles 325-6 et 325-8 relatifs au proxénétisme et à l’incitation à la débauche, et les articles 321-22 à 321-52 qui encadrent l’usage de substances affectant la santé et l’exercice illégal de professions de santé.
Le parquet a également signalé l’ouverture d’enquêtes et procédé à plusieurs interpellations dans le cadre d’opérations conjointes menées avec la brigade de cybercriminalité. La vigilance des autorités est renforcée à l’approche des examens scolaires, période propice selon les services d’investigation à la diffusion de contenus viraux ciblant les jeunes.
Un enjeu éthique, social et générationnel
Le phénomène soulève des débats au sein de la société malienne, tiraillée entre traditions, exigence de modernité et explosion de la sphère numérique. Si les autorités insistent sur la nécessité de préserver les valeurs morales, certains défenseurs des libertés numériques alertent sur les risques de dérives liberticides si les procédures ne respectent pas scrupuleusement les garanties judiciaires.
Le Procureur, dans son communiqué, a toutefois insisté sur le respect du droit, tout en appelant les citoyens à faire preuve de vigilance. Il a aussi invité les familles, éducateurs et leaders communautaires à participer à un sursaut collectif contre ces pratiques jugées dangereuses pour la jeunesse et la cohésion nationale.
(Source : APAnews, 1er mai 2025)