Madagascar : bras de fer entre l’État et les opérateurs télécoms sur les prix d’Internet
mardi 25 novembre 2025
Comme dans plusieurs pays africains, les autorités malgaches cherchent à faire baisser les tarifs d’Internet pour rendre la connectivité plus accessible dans un contexte de transformation numérique accélérée. Les opérateurs télécoms, de leur côté, voient leurs revenus menacés.
À Madagascar, le gouvernement et les sociétés télécoms sont engagés dans un bras de fer autour de la baisse des coûts de l’Internet. D’un côté, les opérateurs réclament la suppression de plusieurs taxes dont le montant cumulé avoisine 215 milliards d’ariarys (environ 47,6 millions de dollars). L’exécutif quant à lui refuse de céder et demande des compromis aux opérateurs, sous peine de sanctions.
Lors d’une émission spéciale diffusée récemment sur les chaînes publiques, le ministre du Développement numérique, des Postes et des Télécommunications, Mahefa Andriamampiadana, a détaillé les taxes visées par les opérateurs : le droit d’accise, la taxe sur les transactions mobiles et celles appliquées aux appareils téléphoniques de moins de 100 dollars. Leur poids est estimé à un peu plus de 11 % du chiffre d’affaires global du secteur, soit environ 1938 milliards d’ariary en 2024.
Pour le secrétaire général du ministère de l’Économie et des Finances, Iouri Garisse Razafindrakoto, supprimer ces taxes aurait des répercussions directes sur le budget de l’État, notamment sur les allocations destinées à l’Éducation et à la Santé. Il précise également que le projet de loi est déjà en cours d’examen et d’adoption, ce qui ne permet plus d’y intégrer de nouvelles dispositions. Selon lui, le retrait de ces recettes du budget ne pourrait pas être compensé pour couvrir les dépenses prévues.
Selon le média local 2424.mg, depuis plusieurs jours, des voix s’élèvent sur les réseaux sociaux, visant les trois principaux opérateurs télécoms du pays (Yas, Airtel et Orange) et réclamant la baisse des tarifs Internet. Fin octobre, l’Autorité de régulation des technologies de la communication (ARTEC) avait déjà demandé aux opérateurs d’examiner, dans les meilleurs délais, les possibilités d’ajustement tarifaire en faveur des consommateurs. Le régulateur indique que cette démarche fait suite aux nombreuses doléances du public reçues au cours « des dernières semaines » concernant le coût jugé élevé de la connexion mobile.
Pour l’ARTEC, cette initiative « s’inscrit dans la continuité des actions entreprises depuis la fin de l’année 2024, lesquelles ont conduit à un premier réajustement des tarifs actuellement en vigueur ». En octobre 2024, Stéphanie Delmotte, alors ministre du Développement numérique, des Postes et des Télécommunications, avait annoncé une initiative conjointe avec les opérateurs visant à réduire les prix des services télécoms. En avril, les autorités avaient introduit un prix plancher du gigaoctet, passé de 0,45 à 0,95 dollar. Le gouvernement l’a toutefois révoqué en mai, estimant que « les prix maintenus artificiellement élevés par les opérateurs ne reflétaient pas les engagements pris lors des négociations ».
Pour le moment, les opérateurs télécoms malgaches n’ont pas encore fait de sortie officielle sur la question. Cependant, le gouvernement compte poursuivre les négociations avec les sociétés jusqu’à obtenir un compromis, faute de quoi des mesures seront prises comme le prévoient les textes. Selon le ministre de la Communication et de la Culture, Ogascar Fenosoa Mandrindrarivony, les autorités prévoient même d’ouvrir le marché à la concurrence, comme cela a déjà été le cas avec Starlink, fournisseur américain d’accès Internet par satellite. Il a appelé les opérateurs intéressés, nationaux ou étrangers, à se préparer pour cette éventualité.
Rappelons qu’à Madagascar, les dépenses mensuelles pour l’Internet mobile représentaient 6,28 % du revenu national brut par habitant en 2023, selon l’Union internationale des télécommunications (UIT). Si cela montre une baisse par rapport aux 52 % enregistrés en 2014, ce prix reste trois fois supérieur au seuil d’abordabilité de 2 % fixé par l’organisation. À titre comparatif, ce ratio s’établit à 4,48 % en Afrique et 1,24 % dans le monde. Le pays comptait au début de l’année 6,6 millions d’utilisateurs Internet pour un taux de pénétration de 20,4 %, selon les données de DataReportal.
Isaac K. Kassouwi
(Source : Agence Ecofin, 25 novembre 2025)
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