OSIRIS

Observatoire sur les systèmes d’information, les réseaux et les inforoutes au Sénégal

Show navigation Hide navigation
  • OSIRIS
    • Objectifs
    • Partenaires
  • Ressources
    • Société de l’Information
    • Politique nationale
    • Législation et réglementation
    • Etudes et recherches
    • Points de vue
  • Articles de presse
  • Chiffres clés
    • Le Sénégal numérique
    • Principaux tarifs
    • Principaux indicateurs
  • Opportunités
    • Projets

Accueil > Articles de presse > Archives 1999-2024 > Année 2024 > Février 2024 > Les États-Unis compromettent l’internet ouvert

Les États-Unis compromettent l’internet ouvert

mercredi 28 février 2024

Internet

En octobre dernier, la représentante au commerce des États-Unis (USTR) a rompu avec la position qui fut longtemps celle de son gouvernement, à savoir d’exiger de l’Organisation mondiale du commerce des clauses de protection des flux de données transfrontaliers, de prévention de la localisation forcée des données, de sécurité des codes sources et d’interdiction des discriminations nationales à l’égard des produits numériques.

Cette évolution est choquante : elle compromet la survie même de l’internet ouvert et de ce que permet celui-ci : partage du savoir, collaboration globale et commerce transfrontalier.

Le bureau de la représentante au commerce considère qu’un tel changement est nécessaire car des clauses commerciales, pense-t-il à tort, pourraient entraver la capacité du Congrès à décider de cadres réglementaires souvent réclamés pour les sociétés de la Big Tech et l’intelligence artificielle. Mais les accords commerciaux comprennent déjà des exceptions pour les questions légitimes de politique publique et les recherches menées par le Congrès lui-même ont montré qu’ils n’étaient nullement un obstacle aux aspirations à légiférer. Pour le dire en deux mots, les États-Unis, à l’instar des autres pays parties dans les accords de l’OMC, peuvent réglementer leur secteur numérique sans renoncer à leur rôle indispensable de champion de l’internet ouvert.

Les conséquences potentielles de la décision américaine sont considérables et dangereuses. La crainte d’endommager leurs relations commerciales avec les États-Unis a longtemps dissuadé les autres acteurs d’imposer à l’internet des frontières nationales. Aujourd’hui pourtant, ceux qui ont entendu les voix des sirènes et prêté l’oreille au refrain d’une supposée « souveraineté numérique », panacée qui leur permettrait de s’assurer que leurs lois sont respectées dans la sphère virtuelle, sont plus tentés encore d’y succomber. Plus on élève de murs numériques, moins les espaces laissés ouverts ressemblent à l’internet.

Plusieurs pays tentent déjà de reproduire la stratégie répressive chinoise en matière de gouvernance des données. La loi de protection des données en vigueur au Rwanda, par exemple, contraint les entreprises à stocker leurs données, sauf avis contraire des autorités de cybersécurité, à l’intérieur des frontières ; il s’ensuit que les données personnelles sont à la disposition d’un pouvoir connu pour poursuivre les dissidents en utilisant les informations contenues dans les messages à caractère privé. Dans le même temps, un nombre croissant de pays démocratiques envisagent des mesures réglementaires qui, faute de protection forte des flux de données transfrontaliers, pourraient avoir de semblables effets perturbateurs sur l’accès à un internet véritablement ouvert.
Sans un engagement fort des États-Unis et des 90 pays membres de l’OMC parties prenantes de l’initiative commune sur le commerce électronique, le risque est réel de voir un nombre encore plus important de pays – parmi lesquels plus de 100 pays en développement qui n’ont pas adopté de stratégie concernant la gouvernance des données – basculer du côté de choix réglementaires qui les détourneraient d’un internet ouvert.

À mesure que se dressent les barrières contre les flux d’information, les risques de dommages aux personnes, aux entreprises et aux pays augmentent. Il suffit pour s’en convaincre de considérer les obligations de domiciliation des données, qui pourraient nécessiter le stockage, la collecte et le traitement des données personnelles de l’ensemble des citoyens ou des résidents à l’intérieur des frontières physiques d’un même pays. Loin de protéger le droit à la vie privée et la sécurité, ces mesures la compromettent.

En effet, de telles obligations auraient pour première conséquence de mettre les données à la merci d’une saisie directe, le cas échéant, par des autorités qui ne respectent pas les droits humains. La Wikimedia Foundation – qui héberge sans but lucratif Wikipedia, l’encyclopédie en ligne créée par des éditeurs bénévoles du monde entier qui en alimentent les contenus – reçoit des dizaines de requêtes chaque année, dont beaucoup n’ont pas de fondements légaux ou sont juridiquement contestables, lui enjoignant de communiquer à des tiers les données personnelles.

Dans certains cas, un gouvernement ou une personne privée puissante et riche ont cherché à taire des informations d’utilité publique, voire à prendre des mesures de rétorsion contre les éditeurs bénévoles qui les avaient publiées. La fondation Wikimedia ne se plie pas à ces requêtes, mais ce refus serait plus difficile si la domiciliation des données était exigée et contrôlée, conférant aux gouvernements un plus grand pouvoir de contrôle sur l’information stockée à l’intérieur de leurs frontières.

Il faut aussi compter les conséquences économiques. Mettre en place des installations de collecte et de stockage des données dans de nombreux pays du monde aurait un coût – si important, à dire vrai, qu’il pourrait mettre en péril la viabilité économique d’entités bénévoles ou commerciales. La concurrence des acteurs mineurs avec les plateformes mondiales de la tech s’en trouverait encore compliquée.

Enfin, contraindre les services dépendant d’internet à multiplier des centres de données redondants dans différents pays créera des failles de sécurité, qui mettront les personnes comme les entreprises en plus grand danger d’intrusion et de piratage. L’accès individuel à l’information pourrait aussi en pâtir.

À la suite de l’annonce du gouvernement des États-Unis au mois d’octobre, les ministres du G7 n’ont pas manqué de réaffirmer leur engagement en faveur d’un commerce et d’un marché numériques ouverts, et ont marqué leur soutien à l’initiative Data Free Flow with Trust, qui plaide pour une approche coordonnée des questions de protection de la vie privée et de gouvernance des données, alors même que les appels au protectionnisme numérique se multiplient. Mais le G7, à lui seul, n’a pas les moyens de s’opposer aux politiques malencontreuses et aux menées géopolitiques qui pourraient morceler l’internet au point de le rendre méconnaissable. Afin de préserver un internet ouvert, connecté partout dans le monde et sûr, tous les pays – et les États-Unis au premier chef, qui continuent de jouir d’une influence planétaire – devraient réaffirmer leur engagement envers les mesures et les règles qui le rendent possible.

Les efforts nécessaires pour empêcher l’érosion générale d’internet devraient cependant aller bien au-delà des négociations commerciales. Ce sont les citoyens du monde entier qui devraient exiger de leurs gouvernements qu’ils protègent l’internet contre les affirmations agressives de la souveraineté numérique lors des négociations entamées par l’initiative conjointe sur le commerce électronique, dans le cadre des autres engagements internationaux, et à domicile. Les responsables politiques à qui incombent les décisions ou les projets de loi doivent quant à eux faire diligence pour évaluer les conséquences potentielles sur les flux de données en ligne et empêcher que ne soit endommagée l’ouverture d’internet.

À certains égards, l’internet est victime de son propre succès : il est tellement intégré à nos vies aujourd’hui qu’il nous semble aller de soi. Mais le maintien de l’internet que nous connaissons ne va nullement de soi. Seul un effort global concerté nous permettra de garantir que l’internet ne soit pas morcelé, fragilisé et soumis à la volonté des gouvernements et aux intérêts particuliers.

Natalie Dunleavy Campbell [1]

Stan Adams [2]

(Source : Le Journal de l’économie sénégalaise, 28 février 2024)


Traduit de l’anglais par François Boisivon


[1] Natalie Dunleavy Campbell est directrice principale du gouvernement Amérique du Nord et des Affaires réglementaires à l’Internet Society

[2] Stan Adams est spécialiste directeur des politiques publiques pour l’Amérique du Nord à la Wikimédia Foundation

Fil d'actu

  • TIC ET AGRICULTURE AU BURKINA FASO Étude sur les pratiques et les usages Burkina NTIC (9 avril 2025)
  • Sortie de promotion DPP 2025 en Afrique de l’Ouest Burkina NTIC (12 mars 2025)
  • Nos étudiant-es DPP cuvée 2024 tous-tes diplomés-es de la Graduate Intitute de Genève Burkina NTIC (12 mars 2025)
  • Retour sur images Yam Pukri en 2023 Burkina NTIC (7 mai 2024)
  • Quelles différences entre un don et un cadeau ? Burkina NTIC (22 avril 2024)

Liens intéressants

  • NIC Sénégal
  • ISOC Sénégal
  • Autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARTP)
  • Fonds de Développement du Service Universel des Télécommunications (FDSUT)
  • Commission de protection des données personnelles (CDP)
  • Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA)
  • Sénégal numérique (SENUM SA)

Navigation par mots clés

  • 2508/3053 Régulation des télécoms
  • 220/3053 Télécentres/Cybercentres
  • 1993/3053 Economie numérique
  • 1218/3053 Politique nationale
  • 3053/3053 Fintech
  • 300/3053 Noms de domaine
  • 1075/3053 Produits et services
  • 851/3053 Faits divers/Contentieux
  • 421/3053 Nouveau site web
  • 2731/3053 Infrastructures
  • 1033/3053 TIC pour l’éducation
  • 142/3053 Recherche
  • 145/3053 Projet
  • 2121/3053 Cybersécurité/Cybercriminalité
  • 1094/3053 Sonatel/Orange
  • 951/3053 Licences de télécommunications
  • 182/3053 Sudatel/Expresso
  • 551/3053 Régulation des médias
  • 734/3053 Applications
  • 622/3053 Mouvements sociaux
  • 932/3053 Données personnelles
  • 75/3053 Big Data/Données ouvertes
  • 367/3053 Mouvement consumériste
  • 208/3053 Médias
  • 390/3053 Appels internationaux entrants
  • 999/3053 Formation
  • 57/3053 Logiciel libre
  • 1190/3053 Politiques africaines
  • 563/3053 Fiscalité
  • 102/3053 Art et culture
  • 328/3053 Genre
  • 964/3053 Point de vue
  • 613/3053 Commerce électronique
  • 888/3053 Manifestation
  • 215/3053 Presse en ligne
  • 77/3053 Piratage
  • 116/3053 Téléservices
  • 549/3053 Biométrie/Identité numérique
  • 185/3053 Environnement/Santé
  • 190/3053 Législation/Réglementation
  • 199/3053 Gouvernance
  • 1047/3053 Portrait/Entretien
  • 85/3053 Radio
  • 507/3053 TIC pour la santé
  • 162/3053 Propriété intellectuelle
  • 36/3053 Langues/Localisation
  • 598/3053 Médias/Réseaux sociaux
  • 1141/3053 Téléphonie
  • 110/3053 Désengagement de l’Etat
  • 633/3053 Internet
  • 70/3053 Collectivités locales
  • 234/3053 Dédouanement électronique
  • 653/3053 Usages et comportements
  • 612/3053 Télévision/Radio numérique terrestre
  • 333/3053 Audiovisuel
  • 1874/3053 Transformation digitale
  • 224/3053 Affaire Global Voice
  • 89/3053 Géomatique/Géolocalisation
  • 198/3053 Service universel
  • 388/3053 Sentel/Tigo
  • 113/3053 Vie politique
  • 891/3053 Distinction/Nomination
  • 21/3053 Handicapés
  • 463/3053 Enseignement à distance
  • 545/3053 Contenus numériques
  • 358/3053 Gestion de l’ARTP
  • 119/3053 Radios communautaires
  • 1024/3053 Qualité de service
  • 265/3053 Privatisation/Libéralisation
  • 86/3053 SMSI
  • 294/3053 Fracture numérique/Solidarité numérique
  • 1628/3053 Innovation/Entreprenariat
  • 774/3053 Liberté d’expression/Censure de l’Internet
  • 26/3053 Internet des objets
  • 101/3053 Free Sénégal
  • 392/3053 Intelligence artificielle
  • 119/3053 Editorial
  • 14/3053 Yas

2025 OSIRIS
Plan du site - Archives (Batik)

Suivez-vous