Le taux d’abonnement au haut débit mobile a crû de 160% en Afrique depuis 2015
mardi 10 juin 2025
Sans internet, pas d’économie numérique sur le continent. Depuis 2015, l’adoption du service connaît une forte croissance, mais pas encore assez vite pour atteindre la couverture universelle.
En 2024, seuls 38 % de la population africaine utilisent Internet, soit le taux le plus bas de toutes les régions de l’Union internationale des télécommunications (UIT) et un taux nettement inférieur à la moyenne mondiale de 68 %. Le haut débit mobile domine largement l’accès à Internet sur le continent. Cependant, avec 52 abonnements pour 100 habitants, l’Afrique est loin de la moyenne mondiale de 95 abonnements. C’est le taux le plus bas parmi toutes les régions, mais une dynamique de croissance est à l’œuvre : entre 2015 et 2023, le taux d’abonnements est passé de 20% à 52% (+160%). Ce progrès cache cependant des disparités marquées. Tandis que des pays comme Maurice, l’Afrique du Sud et Eswatini enregistrent plus de 100 abonnements pour 100 habitants, d’autres, comme la République centrafricaine ou le Tchad, stagnent à des niveaux très bas.

Source : UIT
Le haut débit fixe, quant à lui, demeure quasi inexistant. En 2024, moins d’un Africain sur 100 y est abonné, contre une moyenne mondiale de 18 pour 100. Seules les Seychelles et Maurice font figure d’exceptions, avec respectivement 27 et 31 abonnements pour 100 habitants. Dans presque tous les autres pays, ce taux ne dépasse pas 4 pour 100. L’absence d’infrastructures, notamment la faible proximité avec les nœuds de fibre optique (seulement 30 % de la population vit à moins de 10 km d’un nœud), freine considérablement le déploiement de cette technologie.
Le haut débit fixe, un luxe inaccessible
Au cœur de ces faibles taux d’abonnement : le coût. En 2024, un forfait mobile de 2 Gigaoctets (Go) coûtait en moyenne 4,2 % du revenu national brut (RNB) par habitant, dépassant largement l’objectif de 2 % de la Commission sur le haut débit pour le développement numérique des Nations unies. Toutefois, c’est une amélioration, en comparaison avec la moyenne de 7% enregistrée en 2018. Dans 17 pays africains, ce coût dépasse même 5 %. Le haut débit fixe est encore moins abordable, atteignant en moyenne 15 % du RNB par habitant pour 5 Go, un niveau prohibitif pour la majorité des ménages. Seuls trois pays (Seychelles, Maurice et Eswatini) ont atteint l’objectif des Nations unies.

Source : UIT
La couverture réseau, bien que relativement large (86 % de la population a accès au moins à la 3G), révélait également une fracture urbaine/rurale alarmante en 2024. Si 73% des citadins sont couverts par la 4G (95% dans le monde), seulement 49 % des ruraux le sont, et un quart de la population rurale reste totalement exclue du haut débit mobile. Les réseaux mobiles 4G ne couvraient que 71% de la population dans la région Afrique, contre 92% au niveau mondial. La 5G, quant à elle, ne couvrait encore que 11 % de la population africaine contre une moyenne mondiale de 51% en 2024.

Source : UIT
La faible connectivité se traduit aussi dans la consommation de données. En 2019, un abonné africain au haut débit mobile consommait en moyenne 0,9 Go par mois. Depuis 2024, ce volume est passé à 3 Go par mois, contre une consommation située entre 6 Go et 14 Go dans le monde entre 2019 et 2024. Pour le fixe, le volume mensuel de données a quasiment doublé en Afrique, passant de 77 Go en 2019 à 159 Go en 2024. Cependant, ce chiffre reste bien en deçà de la moyenne mondiale, qui atteignait 311 Go en 2024, contre 141 Go cinq ans plus tôt.
Cinq Afriques numériques
L’analyse par groupe de pays révèle une mosaïque de situations. Le premier groupe (Maurice et Seychelles) affiche des taux d’abonnement au haut débit mobile (102,6 pour 100 habitants) et fixe (28,8 pour 100 habitants) bien supérieurs à la moyenne mondiale. Le deuxième groupe (14 pays) est plus proche des moyennes mondiales pour le haut débit mobile (71,8 pour 100 habitants), mais ses taux d’abonnement au haut débit fixe sont très inférieurs (2,2 pour 100 habitants). Le troisième groupe (20 pays) présente des taux d’abonnement bien inférieurs aux moyennes mondiales pour le mobile (48,3 pour 100 habitants) et le fixe (0,6 pour 100 habitants). Le quatrième groupe (Guinée-Bissau, Madagascar, Malawi et Ouganda) a des taux encore plus inférieurs (43,1 pour 100 habitants pour le mobile et 0,2 pour 100 habitants pour le fixe) et une accessibilité financière particulièrement mauvaise. Enfin, le dernier groupe (Burundi, République centrafricaine, Tchad et Soudan du Sud) a les taux de connectivité les plus bas, avec des abonnements mobiles extrêmement faibles (7,0 pour 100 habitants) et pratiquement aucun abonnement fixe.
Face à ces constats, l’Union internationale des télécommunications (UIT) appelle à un regain d’investissements du secteur public et privé pour le développement du haut débit en Afrique. Ceci passe par une action ciblée sur l’accessibilité financière, l’extension des infrastructures et la réduction des inégalités régionales.
(Source : Agence Ecofin, 10 juin 2025)