L’opérateur national de télécommunications surfe sur la vague du succès. Prochain objectif : devenir rapidement le leader du secteur en Afrique de l’Ouest.
Créée en 1985, la Société nationale de télécommunication du Sénégal (Sonatel) était déjà, dès le début des années quatre-vingt-dix, une entreprise compétitive. À la veille de sa privatisation, en juillet 1997, elle disposait d’un des meilleurs réseaux d’Afrique subsaharienne, par son niveau de numérisation et le nombre de lignes par habitant. Elle remplissait tous les critères d’une privatisation réussie : apurement de la dette, renégociation des accords en cours avec les tiers, mise en conformité de la comptabilité, états financiers conformes aux principes comptables généralement acceptés.
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Son chiffre d’affaires à la fin de l’année 1997 - 77,7 milliards de F CFA - avait augmenté de 17 % en moyenne sur dix ans. Rien que pour cette année-là, son parc de lignes téléphoniques principales fixes avait crû de 22 % et le nombre d’abonnés au réseau mobile Sonatel progressé de près de 300 %.
Une offre publique de vente fut lancée en décembre 1997. Dix pour cent du capital étaient réservés aux salariés et 17,66 % au public et aux institutionnels : assurances, banques, sociétés d’investissement présentant des excédents de trésorerie... (on en est à 20 % aujourd’hui). L’État gardait 27,67 %, tandis que 33,33 % étaient attribués au partenaire stratégique, France Câbles et Radio (FCR), filiale de France Télécom. La participation de FCR a été portée à 42,33 % en juillet 1999.
En 1999, la Sonatel affichait un chiffre d’affaires de 103,45 milliards de F CFA - en augmentation moyenne de 7 % sur les cinq dernières années - et un bénéfice net après impôts de 39,4 % du chiffre d’affaires, lui aussi en progression de près de 7 %.
Trois fois plus d’abonnés sur le mobile
Les capitaux propres de l’entreprise s’élevaient à 172 milliards. Le parc de lignes principales téléphoniques fixes - 165 874 - avait crû de près de 19 % et le nombre d’abonnements au réseau mobile Alizé avait plus que triplé, à 73 472. La Sonatel couvrait 100 % du marché de la téléphonie fixe, dont elle détient le monopole jusqu’en 2004, et 85 % de celui de la téléphonie mobile, qu’elle a partagé, jusqu’au 12 octobre 2000 avec son concurrent Sentel, filiale de Millicom Cellular International (voir encadré).
L’arrivée de Sentel en juillet 1999 n’a en rien ébranlé le leadership de la Sonatel Mobile, qui avait installé son réseau de téléphonie cellulaire Alizé depuis septembre 1996. La croissance rapide du secteur et l’arrivée de la concurrence ont obligé la Sonatel à filialiser son activité cellulaire en une entité, Sonatel Mobile, dotée d’un capital de 9 milliards de F CFA, née le 1er janvier 1999 de la scission de l’activité de téléphonie cellulaire. Pour cette première année d’existence, Sonatel Mobile avait réalisé un chiffre d’affaires de 11 milliards de F CFA.
L’introduction de la Sonatel, le 2 octobre 1998, à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) d’Abidjan lui a donné une dimension d’entreprise sous-régionale. Cette entrée en Bourse a permis d’assurer le financement de ses investissements, comme avec l’emprunt obligataire de 12 milliards de F CFA levé en décembre 1999.
Face à la concurrence
Cotée 19 500 F CFA à la première séance, l’action grimpera six mois plus tard, à 28 600 F CFA. À l’époque, elle affichait la plus forte capitalisation de la BRVM avec 25 % de la capitalisation totale de la Bourse et 40 % de celle des dix premières valeurs.
Sans concurrent sur le marché sénégalais, elle a profité de sa situation de monopole, étendu son réseau à l’ensemble du territoire, surtout dans les zones rurales, grâce aux télécentres, ces cabines téléphoniques publiques, largement répandues au Sénégal et installées dans des maisons ou des commerces. Le parc de lignes de télécentres privés, estimé en juin 2000 à plus de 9 000 lignes principales, génère plus de 15 000 emplois. Au premier trimestre 2000, son chiffre d’affaires cumulé s’élevait à 10 milliards de F CFA et sa marge brute cumulée à plus de 3 milliards. Pour l’exercice 2000, la Sonatel a réalisé un chiffre d’affaires de 110 milliards, dont 33 milliards provenant des seuls télécentres, soit près de 30 %. Pour 2001, elle prévoit un chiffre d’affaires de 120 milliards, dont 36 provenant des télécentres.
Avec ses 1 400 employés, son capital de 50 milliards de F CFA - divisés en 10 millions d’actions de 5 000 F CFA - l’entreprise, quatrième du pays par son chiffre d’affaires, garde l’oeil rivé sur ses objectifs : devenir à très court terme le leader des entreprises de télécommunication en Afrique de l’Ouest et la première entreprise sénégalaise. Le monopole sur la téléphonie fixe dont elle dispose jusqu’en 2004 peut lui permettre de réaliser ces objectifs. Après cette date, la cession pourrait être revue par l’État. La Sonatel se prépare depuis des années à cet environnement concurrentiel, en procédant notamment à des baisses de plus en plus régulières de ses tarifs. Par exemple, le 6 juin 2000, elle a baissé ses tarifs internationaux dans ses trois catégories : Afrique, France et reste du monde. Ces dernières années, ces baisses - moins de 15,5 % le 30 décembre 1998, puis moins de 10 % le 1er juillet 1999 - ont favorisé la croissance du volume du trafic international départ. Il est passé en 1999 à 36,5 millions de minutes, contre 31,7 millions de minutes en 1998, et le trafic international arrivée à 111 millions de minutes, contre 94 millions en 1998.
Ces baisses suffiront-elles à faire face à un concurrent ? Les abonnés resteront-ils fidèles ? Le gouvernement aurait l’intention de revoir les conditions d’octroi à la Sonatel de la première licence de téléphonie mobile. Il a aussi annoncé, le 9 septembre 2000, la création prochaine d’une agence unique de régulation des secteurs eau, électricité, télécommunications...
Tidiane Dioh
(Source : Jeune Afrique, 20 mars 2001)