Le Ghana change d’échelle dans la lutte contre la cybercriminalité
lundi 29 décembre 2025
La cybercriminalité continue de gagner du terrain en Afrique. Selon Interpol, les incidents de cybersécurité sur le continent auraient entraîné des pertes financières estimées à plus de 3 milliards de dollars entre 2019 et 2025. Au Ghana, cette dynamique se traduit depuis plusieurs semaines par une intensification notable des opérations de répression.
Les autorités ghanéennes ont annoncé, le samedi 27 décembre, avoir mené une opération de démantèlement de réseaux de cybercriminalité ayant conduit à l’arrestation de 141 suspects, a indiqué le ministre des Communications, Sam George. Cette opération s’inscrit dans un contexte de renforcement des actions de lutte contre la cybercriminalité observées ces dernières semaines dans le pays.
Menée conjointement par l’Autorité ghanéenne de cybersécurité (CSA), le Service de police du Ghana, la Sécurité nationale et le Service ghanéen de l’immigration, l’opération a permis la saisie de 38 ordinateurs portables et de 150 téléphones mobiles, soupçonnés d’avoir servi à perpétrer des cybercrimes.
Les suspects, présumés de nationalité nigériane, sont accusés d’être impliqués dans diverses activités illicites, notamment la fraude au mobile money, les escroqueries sentimentales (romance scams), la sextorsion, le Business Email Compromise (BEC) et la fraude par virement bancaire.
« Le Ghana demeure un pays accueillant pour tous nos amis et voisins désireux de s’engager dans des activités légitimes. En revanche, si vous envisagez de commettre une cybercriminalité, nous vous retrouverons, vous arrêterons et vous traiterons avec fermeté conformément à nos lois », a déclaré le ministre dans un communiqué publié sur sa page Facebook.
Une série d’opérations coordonnées
Le 24 décembre, la CSA avait déjà annoncé l’arrestation de 48 personnes à Dawhenya, dans la région du Grand Accra, avec la saisie de 54 ordinateurs portables, 39 téléphones mobiles, un équipement Starlink et huit routeurs de l’opérateur télécoms MTN.
Le 13 décembre, 32 individus avaient déjà été arrêtés à Kasoa–Tuba, avec la saisie de plusieurs dizaines d’ordinateurs portables et de téléphones mobiles.
Le 11 décembre, Frederick Kumi, alias Emmanuel Kojo Baah Obeng, alias Abu Trica, ainsi que deux autres personnes, ont été arrêtés pour leur rôle présumé dans des escroqueries sentimentales ayant causé un préjudice estimé à 8 millions de dollars.
Interpol a récemment révélé que l’opération « Sentinel », menée du 27 octobre au 27 novembre, a permis d’arrêter 574 suspects et de récupérer environ 3 millions de dollars dans 19 pays africains, dont le Ghana.
Les autorités ghanéennes ont également démantelé un important réseau de cyberfraude opérant entre le Ghana et le Nigeria, qui a escroqué plus de 200 victimes pour un montant dépassant 400 000 dollars. Dix suspects ont été interpellés au Ghana, plus de 100 appareils numériques ont été saisis et 30 serveurs frauduleux ont été mis hors ligne.
Un cadre institutionnel en cours de renforcement
L’intensification observée au cours des dernières semaines est une réponse à la recrudescence des cas de cybercriminalité. Selon les données de la CSA, le Ghana a perdu 19 millions de cedis (environ 1,8 million de dollars) en raison de la cybercriminalité au cours des neuf premiers mois de l’année 2025, soit une hausse de 17 % par rapport à la même période de 2024. Le pays a également enregistré 2 008 incidents au cours du seul premier semestre 2025, soit une augmentation de 52 % par rapport à l’ensemble de l’année 2024.
L’Autorité intensifie ses efforts en matière d’éducation du public et d’application de la réglementation afin d’enrayer cette tendance à la hausse, exhortant les particuliers et les entreprises à adopter des pratiques de cybersécurité plus rigoureuses. Le 1er octobre, lors du lancement du mois national de sensibilisation à la cybersécurité 2025, le président John Dramani Mahama avait insisté sur la nécessité d’une éducation du public, d’une collaboration renforcée et d’une vigilance accrue face à la montée de la cybercriminalité.
La création du Fonds de cybersécurité, prévue par la loi sur la cybersécurité de 2020, figure également parmi les priorités des autorités. Il vise à assurer un financement durable pour soutenir les initiatives nationales en matière de cybersécurité, protéger les infrastructures critiques d’information et renforcer les capacités dans tous les secteurs. Un Comité national conjoint de cybersécurité (JCC), chargé de collaborer avec les agences de sécurité internationales pour protéger le cyberespace ghanéen, a récemment été créé.
Le Ghana fait d’ailleurs partie des 21 premiers pays africains (sur 72 au total) ayant signé, en octobre dernier, à Hanoï (Vietnam), la Convention des Nations unies contre la cybercriminalité. Ce cadre vise à rendre la prévention et la lutte contre la cybercriminalité plus efficaces en renforçant la coopération internationale, l’assistance technique et le renforcement des capacités, notamment dans les pays en développement.
Pour rappel, le Ghana est classé par l’Union internationale des télécommunications (UIT) parmi les exemples à suivre en matière de cybersécurité dans le monde. Le pays a obtenu le score maximal (20) dans quatre des piliers de l’Indice global de cybersécurité : mesures légales, techniques, organisationnelles et de coopération. L’UIT souligne toutefois que le pays doit encore progresser dans le domaine du développement des capacités, où il a obtenu un score de 19,27/20.
Isaac K. Kassouwi
(Source : Agence Ecofin, 29 décembre 2025)
OSIRIS