Bien que connecté à 4 câbles sous-marins, le Cameroun fait face à divers problèmes de connexion Internet. Les autorités envisagent le raccordement à une cinquième infrastructure pour améliorer la connectivité dans le pays.
Le Cameroun poursuit son projet de raccordement au câble sous-marin Medusa Africa, une infrastructure de nouvelle génération appelée à modifier en profondeur sa connectivité internationale, selon des documents consultés par Investir au Cameroun. Le protocole d’accord a été finalisé et transmis à la Présidence de la République pour « Haut Accord », première étape avant un engagement formel de l’État dans cette initiative. Le coût prévisionnel pour la partie camerounaise est évalué à 32,8 milliards de FCFA (environ 58,6 millions USD), pour la construction et l’exploitation de cette nouvelle liaison.
Medusa Africa constitue la branche ouest-africaine du futur système méditerranéen Medusa, porté par AFR-IX Telecom Group, opérateur basé à Barcelone et déjà implanté au Cameroun via une filiale locale. Financée par l’Union européenne, l’infrastructure doit être opérationnelle en 2028. Elle reliera l’Europe du Sud au Maghreb et à la façade atlantique africaine, avec des points d’atterrissement prévus notamment à Dakar, Abidjan, Accra, Lagos, Kribi, Libreville, Luanda et Cape Town. Avec Medusa, le Cameroun portera à cinq le nombre de systèmes internationaux auxquels il est connecté, après le South Atlantic Inter Link (SAIL), le West African Submarine Cable (WACS), le South Atlantic Telecommunications Cable n°3/South Africa Far East (SAT-3) et le Nigeria Cameroon Submarine Cable Systems (NCSCS).
Doté de 24 paires de fibres par segment et d’une capacité comprise entre 10 et 18 Tbit/s par paire, Medusa se positionne comme un système de câble ouvert, indépendant, dimensionné pour accompagner la croissance numérique du pays sur au moins 25 ans. Pour le Cameroun, il apparaît comme une solution de remplacement critique face au vieillissement du câble SAT-3, dont la capacité et la maintenance deviennent coûteuses. Contrairement à certains systèmes plus récents mais unidirectionnels tels que SAT-3, Medusa offre une connectivité multidirectionnelle vers l’Europe, l’Afrique du Nord, l’Afrique australe et, via des interconnexions, l’Asie du Sud-Est, confie une source.
Positionnement stratégique
Ce positionnement renforce la capacité du Cameroun à attirer les grandes plateformes mondiales (Google, Amazon, Microsoft, Meta, Apple), en quête de nouveaux points d’atterrissement pour déployer leurs infrastructures cloud et leurs services de diffusion de contenus. Leur installation sur le territoire pourrait générer des investissements directs, des emplois qualifiés et un nouvel écosystème technologique structuré autour des data centers et des services numériques à valeur ajoutée.
« À la différence des systèmes de câbles sous-marins CEIBA 2, NCSCS et SAIL, qui relient simplement deux pays sans impact significatif sur l’économie numérique, MEDUSA connecte le Cameroun avec l’Afrique du Sud, l’Europe, le Maghreb et l’Asie du Sud-Est, offrant une connectivité multidirectionnelle stratégique », indique une source au fait du dossier à Investir au Cameroun.
Au-delà de la seule connectivité internationale, l’infrastructure ferait du Cameroun un hub numérique d’Afrique centrale. Le pays disposerait de capacités internationales accrues, de routes redondantes vers l’Europe et d’un avantage compétitif pour interconnecter ses data centers aux plateformes mondiales. Cette montée en puissance favoriserait l’émergence de nouveaux services (cloud local, solutions de cybersécurité, plateformes de diffusion de contenus) tout en renforçant la résilience des réseaux existants (SAT-3, WACS, SAIL) par l’augmentation et la diversification du trafic.
Selon les éléments consultés, l’impact serait également fiscal. L’arrivée de Medusa créerait une nouvelle assiette de taxation fondée sur les services numériques à forte valeur ajoutée, sur un modèle proche de celui déjà mis en œuvre dans plusieurs pays de l’Union européenne.
Des défis à relever
La réussite du projet repose toutefois sur un modèle économique renouvelé. Celui-ci doit combiner un tarif de cross-connect suffisamment attractif pour capter les grands opérateurs internationaux, une interconnexion efficace des data centers camerounais avec les infrastructures mondiales, ainsi que le développement de services à forte valeur ajoutée (cache local, passerelles cloud, etc.). En cas de validation définitive du projet, l’opérateur historique sera appelé à optimiser l’exploitation de ce nouveau câble.
Camtel n’exploite aujourd’hui que 16 % des capacités cumulées de ses quatre câbles sous-marins, selon un rapport de la Chambre des comptes publié en juin 2024. Dans le détail, l’entreprise n’utilise que 6 % de la capacité de SAIL, 57 % de celle du WACS, 29 % du SAT-3 et 92 % du NCSCS, illustrant des niveaux de mobilisation très contrastés selon les routes internationales. Cette sous-utilisation interroge la capacité du marché régional à absorber de nouvelles capacités, ainsi que la stratégie commerciale de l’opérateur.
Pour expliquer cette situation, la direction générale de Camtel invoque le faible taux de pénétration d’Internet dans la sous-région, alors que les projections initiales misaient sur une progression rapide de la demande en bande passante. Elle souligne également que 83 % du trafic Internet africain est orienté vers l’Europe, ce qui limite l’attrait du câble SAIL et contribue à expliquer son très faible taux d’exploitation. L’arrivée de Medusa pourrait cependant redistribuer les flux et imposer une reconfiguration des routes de trafic et des offres commerciales, afin de tirer pleinement parti de ce nouvel actif stratégique.
Amina Malloum
(Source : Agence Ecofin, 10 décembre 2025)
OSIRIS
Le Cameroun envisage une connexion au câble Medusa Africa