L’IPAO exhorte à un règlement communautaire contre l’hégémonie des GAFAM
mercredi 9 juillet 2025
Face à l’emprise croissante des géants du numérique sur les revenus publicitaires et les contenus en ligne, l’Institut Panos Afrique de l’Ouest lance un appel pressant aux États et institutions régionales pour protéger les médias locaux.
La viabilité économique des médias ouest-africains est aujourd’hui menacée par l’hégémonie des grandes plateformes numériques (Gafam). Face à ce constat alarmant, l’Institut Panos Afrique de l’Ouest (Ipao) appelle les États de la région, ainsi que les institutions d’intégration comme la CEDEAO et l’UEMOA, à adopter de toute urgence un règlement communautaire garantissant un partenariat économique équitable entre médias locaux et géants du numérique.
Un tel plaidoyer s’appuie sur deux études menées en Côte d’Ivoire et au Sénégal, dans le cadre d’un projet soutenu par l’Unesco. Ces recherches révèlent « d’importantes failles juridiques dans les législations nationales, qui ne protègent ni les contenus médiatiques exploités en ligne, ni les revenus publicitaires détournés au profit des plateformes numériques ».
Privés de modèles économiques durables et toujours dépendants de faibles aides publiques, les médias ouest-africains peinent à se remettre des effets de la pandémie de Covid-19. Leur principale source de revenus, la publicité, est désormais massivement captée par les Gafam. En France, par exemple, Google et Facebook détiennent près de 70 % du marché de la publicité en ligne.
Dans cette configuration, les contenus journalistiques africains sont souvent republiés sans autorisation ni rémunération, accentuant la précarité des producteurs de contenus locaux. Un manque à gagner qui compromet à la fois l’indépendance éditoriale et le droit des citoyens à une information fiable.
L’analyse juridique met en lumière de grandes lacunes dans les lois de la Côte d’Ivoire et du Sénégal. Ni les textes sur le droit d’auteur, ni les codes de la presse, ni les législations sur la publicité ne prennent en compte la réalité numérique actuelle. Pire, certains articles excluent explicitement les produits d’information de leur champ de protection.
À l’échelle communautaire, les textes de la CEDEAO et de l’UEMOA demeurent eux aussi silencieux sur les responsabilités des plateformes numériques dans l’exploitation commerciale de contenus médiatiques. Aucune directive ne prévoit de mécanisme de rémunération obligatoire ni de sanctions en cas d’abus.
L’Europe, l’Australie et le Canada ont déjà franchi le pas. En France, la loi sur les droits voisins permet désormais aux médias d’obtenir une compensation financière pour la reprise de leurs contenus en ligne. En Australie, une loi contraint Google et Facebook à négocier des accords commerciaux avec les éditeurs de presse. Le Canada, lui, a imposé à Google un versement de 100 millions de dollars aux médias nationaux en 2023.
Pour l’Ipao, seule « l’adoption d’un règlement communautaire à effet immédiat permettrait de créer un cadre équitable et harmonisé. Ce règlement devrait :
* Imposer la rémunération des contenus repris par les Gafam ;
* Réserver une part substantielle du marché publicitaire local aux médias nationaux ;
Étendre explicitement les lois sur le droit d’auteur aux contenus médiatiques ».
(Source : Seneplus, 9 juillet 2025)