« Je ne sais pas, je ne reconnais pas, je conteste » : l’étrange refrain d’El Hadji Babacar Dioum, alias Kocc, face aux enquêteurs au sujet des fichiers intitulés “Newgirls”, “Sextape” et “Paid not to publish”
vendredi 25 juillet 2025
Dans un article publié ce jeudi, le quotidien Libération révèle les dessous glaçants des interrogatoires menés par la Division spéciale de la cybersécurité (DSC) contre El Hadji Babacar Dioum, alias présumé “Kocc Barma”, cerveau supposé du plus vaste réseau de délinquance numérique jamais démantelé au Sénégal.
Le décor est posé dès les premières lignes du rapport d’interrogatoire consulté par Libération : un homme au mutisme méthodique, arc-bouté sur un unique refrain, comme un disque rayé face aux preuves accablantes. À 14 reprises, El Hadji Babacar Dioum martèle aux enquêteurs :
« Je me répète, je n’ai pas consenti à l’exploitation de mon ordinateur portable qui a été faite sans ma présence et celle de mes avocats. Je rejette donc l’ensemble des allégations. »
Pourtant, le contenu extrait de son MacBook Pro contredit ses dénégations. Des milliers de sextapes classées dans des dossiers aux noms évocateurs – “Paid not to publish”, “Newgirls”, “zbz”, “Seneg” – des fichiers contenant des identités de victimes, des preuves de paiements pour extorsion… Tout semble relier cet homme de 37 ans à une machination numérique d’une ampleur inédite.
Selon Libération, Dioum est soupçonné d’être le maître d’œuvre de plus d’une décennie de cyberharcèlement, de chantage numérique, d’atteintes à la vie privée, de diffusion de contenus pédopornographiques et de blanchiment d’argent. Son nom est désormais associé à un véritable empire de la honte numérique.
Lors des premières heures de garde à vue, le ton était tout autre. L’homme, né à Dakar le 24 février 1987, affirmait avec calme ne jamais avoir eu affaire à la justice. Il se disait “disposé à répondre à toutes les questions”. Mais dès que les enquêteurs ont tenté d’accéder à son ordinateur ou à son téléphone, la coopération a tourné court.
Pis, lorsqu’il s’est retrouvé nez-à-nez avec les preuves techniques, l’accusé a systématiquement nié :
« Mon ordinateur portable ne contient pas ce type de fichiers »,
« Je ne sais pas comment ces fichiers sont arrivés »,
« Je pense que je suis victime d’un piratage »…
Mais les experts en cybersécurité de la DSC n’en démordent pas : les données ont bien été installées sur l’appareil entre 2024 et 2025, période pendant laquelle des paiements ont été enregistrés pour faire supprimer des vidéos compromettantes. Deux transactions, datées du 16 novembre 2022 et du 25 janvier 2023, apparaissent clairement dans l’analyse des fichiers.
Autre révélation de taille de Libération : des captures d’écran issues du répertoire “download” de l’ordinateur montrent que les contenus ont été activement téléversés à partir du compte cloud personnel de l’accusé.
Face à ce mur de preuves, El Hadji Babacar Dioum s’en remet à ses avocats et s’enfonce dans une ligne de défense minimaliste, répétant inlassablement qu’il ne maîtrise pas l’informatique, à peine capable de “saisir sur Word” ou de “naviguer sur Internet”.
L’affaire prend un tournant encore plus grave depuis l’annonce de son arrestation. Selon les sources de Libération, les plaintes affluent désormais en cascade à la Division spéciale de la cybersécurité et au parquet. Des victimes présumées se manifestent, reconnaissent leur présence dans certains fichiers, ou affirment avoir subi des menaces de publication contre rançon.
(Source : Dakar Actu, 25 juillet 2025)