Internet : le prix et la couverture, freins majeurs à l’adoption du haut débit fixe en Afrique
mardi 17 juin 2025
Le mobile est actuellement le principal moyen d’accès à Internet en Afrique. Un choix qui s’est imposé face au développement relativement lent des réseaux fixes. Toutefois, fort d’importantes capacités data, le fixe reste une alternative précieuse pour de nouveaux usages qui se multiplient, exigeants en faible latence.
L’infrastructure fixe à large bande constitue l’épine dorsale de l’internet et est la pierre angulaire des efforts de transformation numérique en Afrique. Mais le service demeure un luxe sur le continent malgré les progrès observés au cours des vingt dernières années dans le déploiement de l’infrastructure de fibre optique.
En 2024, le coût médian du forfait d’entrée de gamme (5 Gigaoctets) s’élevait à 13,4 % du revenu national brut (RNB) mensuel par habitant (3,9% du RNB pour le mobile). Soit six fois supérieur au coût médian mondial qui avoisinait 2,2% du RNB et à l’objectif de 2 % fixé par la Commission du haut débit pour le développement durable des Nations unies.
Source : UIT
Bien que ce coût médian africain ait connu une baisse d’environ 6 points de pourcentage, en comparaison avec le taux de 19,8% du RNB affiché en 2018, il reste très cher pour de larges segments de la population en Afrique où moins d’un abonnement de haut débit fixe pour 100 habitants ont été recensés en 2024. Selon l’Union internationale des télécommunications (UIT), l’inaccessibilité du haut débit fixe découle de plusieurs facteurs, notamment les coûts connexes liés à l’abonnement.
Freins à la consommation
En effet, contrairement à l’abonnement mobile, les nouveaux abonnés au haut débit fixe sont souvent confrontés à des frais de connexion uniques élevés (installation, équipement). Ces frais peuvent représenter plus d’un mois du prix du forfait mensuel. Ces coûts initiaux importants constituent un frein considérable à l’adoption du haut débit fixe.
La faible couverture des réseaux fixes est aussi un autre frein à l’accessibilité du haut débit fixe. Bien que le continent soit déjà connecté à 77 systèmes sous-marins internationaux porteurs de capacités Internet élevées, le faible investissement dans le déploiement de l’infrastructure de fibre optique entrave les progrès en matière d’accessibilité. « En 2023, 30 % de la population africaine vivait à moins de 10 km d’un nœud de fibre optique. La moitié de la population (49%) vivait à moins de 25 km d’un nœud, les deux tiers (67%) à moins de 50 km et quatre personnes sur cinq (79%) à moins de 100 km », explique l’agence spécialisée des Nations unies.
Source : UIT
Depuis 2005, la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque mondiale ont financé divers projets régionaux et nationaux de déploiement de la fibre optique. Dans son rapport « Africa Broadband Outlook 2024 » publié en novembre 2024, l’Union africaine des télécommunications (UAT) relevait que l’Afrique a atteint 2 139 506 km de réseaux terrestres de fibre optique au total en juin 2024. 1 337 158 km de fibres optiques étaient opérationnels, 112 373 km en cours de construction, 124 179 km supplémentaires planifiés.
Mais sur un continent de 30 millions de kilomètres carrés, cela reste insuffisant. La Banque mondiale appelle les acteurs publics et privés à renforcer les investissements pour garantir la couverture universelle à l’horizon 2030.
Investir pour le développement
L’UAT souligne d’ailleurs que « l’impact socio-économique positif du haut débit fixe est considérable et ne cesse de croître avec l’avènement de nouvelles technologies et de nouveaux systèmes qui dépendent d’une connectivité de bonne qualité. Ces retombées s’étendent à l’ensemble de l’économie et influencent tous les secteurs sociaux et industriels. Le facteur multiplicateur de l’investissement dans l’infrastructure fixe à large bande est significatif. Pour chaque dollar investi, la contribution au PIB total peut être supérieure à 120 % ».
Plus concrètement, « si 200 millions d’USD sont investis, le résultat en termes de contribution au PIB total serait de près de 446 millions d’USD dans les principaux marchés. La contribution serait plus faible dans les marchés en développement et les marchés émergents, en raison du niveau de maturité plus faible du secteur des TIC et de sa contribution au PIB du pays », poursuit la branche africaine de l’agence spécialisée des Nations unies.
Au-delà du renforcement de l’investissement dans les réseaux terrestres, indispensable pour accroître la couverture géographique du haut débit fixe, des politiques publiques s’imposent aussi pour susciter la baisse des prix et doper l’adoption.
Muriel Edjo
(Source : Agence Ecofin, 17 juin 2025)