IA en Afrique : la BAD appelle à des garanties publiques pour mobiliser l’investissement privé
jeudi 18 décembre 2025
Face au déficit de financement, la Banque africaine de développement propose un mécanisme de garanties publiques pour amorcer l’investissement privé dans l’IA en Afrique. Ce secteur peut générer jusqu’à 852 milliards d’euros de PIB supplémentaire d’ici 2035.
Selon la Banque africaine de développement (BAD), le déploiement inclusif de l’intelligence artificielle sur le continent pourrait ajouter jusqu’à 852 milliards d’euros (1 000 milliards USD) au PIB africain d’ici 2035. Ce chiffre est au cœur d’un rapport publié ce décembre par l’institution panafricaine, qui alerte sur un déficit de financement et appelle à une intervention publique locale et internationale pour amorcer l’investissement privé dans l’IA en Afrique.
Élaboré avec le cabinet de conseil Bazara Tech, le document propose la mise en place d’ici fin 2026 d’un fonds dédié, l’Africa AI Growth & Innovation Fund, dont la BAD se verrait confier la gestion aux côtés d’autres institutions financières de développement. Ce véhicule viserait un premier seuil de financement de 3,4 milliards d’euros (4 milliards USD), reposant sur des garanties publiques couvrant 20 % des pertes. Le principe mis en avant repose sur un partage du risque dans lequel les institutions financières et les bailleurs de fonds absorberaient les pertes initiales, afin d’attirer des capitaux privés vers des investissements jugés stratégiques, notamment les capacités de calcul et les infrastructures de données.
« La Banque est prête à investir pour soutenir ces actions. Nous comptons sur le secteur privé et les pouvoirs publics pour utiliser ces investissements afin d’atteindre les gains de productivité identifiés et de créer des emplois de qualité », explique Nicholas Williams, chef de la division des Opérations TIC à la BAD.
Des besoins importants
En débloquant l’investissement privé grâce à ce fonds, la BAD espère réduire l’écart entre le continent et le reste du monde sur le terrain de l’intelligence artificielle, notamment en matière d’infrastructures et de compétences. Selon le rapport, les financements mobilisés permettraient d’abord de rattraper un retard jugé critique sur les infrastructures numériques indispensables à cette technologie. La banque rappelle que l’IA est très intensive en calcul, et qu’elle requiert des processeurs graphiques, des infrastructures cloud et une alimentation électrique stable, autant de domaines où l’Afrique est en difficulté.
Ce constat est confirmé par la CNUCED dans son indice de préparation aux technologies de pointe, qui évalue la capacité des nations à intégrer l’IA. « Les pays les moins préparés aux technologies de pointe se trouvent principalement en Afrique, en Amérique latine et dans les Caraïbes », indique son rapport publié en avril 2025, précisant que le continent a le plus faible nombre de services d’infrastructure cloud, soit 13 à la mi-2024.
Dans ce contexte, la BAD n’est pas le seul acteur à recommander l’implication des États africains et de leurs partenaires internationaux pour débloquer l’investissement privé dans l’IA. À l’issue du Global AI Summit on Africa qui a réuni en avril dernier des dirigeants du continent à Kigali au Rwanda, la Déclaration Africaine sur l’Intelligence Artificielle a appelé à la création d’un Fonds Africain pour l’IA d’environ 51,1 milliards d’euros (60 milliards USD) avec des capitaux publics, privés, et philanthropiques.
« Le Fonds investira dans le développement et l’expansion de l’infrastructure d’IA, le développement des entreprises africaines d’IA, la constitution d’un solide vivier de praticiens de l’IA et le renforcement des capacités nationales de recherche en IA », ont indiqué les dirigeants d’une cinquantaine de pays africains.
D’autres axes de progression
Pour la BAD, l’opportunité des 852 milliards d’euros ne saurait cependant être réduite à une question de financement. Le rapport souligne que les gains attendus de l’IA devraient se concentrer sur un nombre limité de secteurs à fort impact – agriculture, commerce, industrie manufacturière, finance et santé – qui, à eux seuls, pourraient capter d’ici 2035 près de 58 % de la valeur créée, soit environ 494 milliards d’euros.
Mais cette trajectoire reste conditionnée à une progression simultanée sur plusieurs leviers, dont la disponibilité de compétences adaptées et des cadres de gouvernance favorisant la confiance des investisseurs. Dans cette logique, la BAD rejoint les appels formulés lors du Global AI Summit on Africa en faveur d’une gouvernance continentale de l’IA, d’une coopération institutionnelle renforcée et d’une harmonisation des cadres réglementaires, afin d’ancrer les investissements dans un écosystème capable de transformer les promesses technologiques en gains économiques durables.
Emiliano Tossou
(Source : La Tribune Afrique, 18 décembre 2025)
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