Formation digitale : un enjeu critique pour l’avenir économique de l’Afrique
jeudi 24 juillet 2025
Alors que le marché du travail africain se transforme sous l’effet des technologies numériques, les compétences digitales deviennent un enjeu central pour l’insertion des jeunes. Le développement massif de ces savoir-faire est une condition indispensable pour stimuler l’emploi et soutenir la croissance économique.
Le jeudi 17 juillet, au siège des Nations unies à New York, lors d’un dialogue de haut niveau sur le développement de l’Afrique, la vice-secrétaire générale Amina J. Mohammed a mis en lumière un impératif majeur. Face à une démographie galopante et à un chômage endémique des jeunes, l’Afrique doit investir massivement dans le développement des compétences numériques. L’objectif est de permettre à cette jeunesse de contribuer activement à la transformation économique du continent.
Le message intervient à un moment stratégique. Le nombre de jeunes Africains atteindra près de 830 millions d’ici à 2050, selon les projections de la Banque africaine de développement (BAD). Cette force vive représente une opportunité sans précédent, mais aussi un risque si elle n’est pas correctement encadrée et équipée pour répondre aux exigences du marché du travail numérique mondial.
Le numérique, un levier encore sous-exploité pour l’emploi
Dans un monde en perpétuelle évolution où les métiers changent à grande vitesse, les compétences numériques prennent une place centrale. Pourtant, une grande partie des jeunes Africains reste encore à l’écart de cette transformation. Une étude conjointe de l’Union africaine et de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) révèle que seuls 10 à 15 % des jeunes accèdent à un enseignement digital structuré, et que moins de 5 % sont formés à des compétences avancées telles que la programmation, l’analyse de données ou la cybersécurité.
Ce manque de formation freine l’émergence d’une nouvelle génération de talents capables de répondre aux besoins croissants du secteur technologique. Le rapport « Foresight Africa 2025-2030 » du think tank américain Brookings Institution anticipe pourtant d’immenses perspectives, avec quelque 650 millions d’opportunités de formation numérique à créer, représentant un potentiel économique estimé à 130 milliards de dollars. Miser sur la jeunesse africaine n’a donc jamais été aussi urgent.
Des signaux encourageants, mais insuffisants
Sur le continent, des initiatives émergent et montrent la voie. Depuis son lancement en 2017, le programme Digital Skills for Africa de Google a formé plus de 10 millions de jeunes sur le continent. Des entreprises comme MTN multiplient les bootcamps dédiés à la formation de jeunes femmes, notamment en Ouganda, au Rwanda, au Ghana ou au Nigeria. Le Smart Africa Digital Academy, portée par l’initiative panafricaine Smart Africa, ambitionne de former des milliers de fonctionnaires et de jeunes cadres à l’horizon 2026.
Ces efforts, bien que louables, ne suffisent pas à combler l’ampleur des besoins. Selon le rapport Future of Jobs 2023 du Forum économique mondial, près de la moitié des compétences professionnelles exigées dans le monde évolueront d’ici à 2027. L’Afrique doit donc accélérer ses réformes pour ne pas creuser davantage l’écart.
Miser sur l’éducation numérique pour bâtir l’avenir
La transformation attendue ne se fera pas sans un changement structurel des politiques éducatives. Il devient urgent d’intégrer les compétences numériques dans les programmes scolaires dès le secondaire, de renforcer les investissements dans les infrastructures technologiques, de mobiliser des partenariats solides avec le secteur privé et d’impliquer davantage les jeunes femmes dans cette dynamique.
Le numérique pourrait, pour l’Afrique, jouer un rôle équivalent à celui de l’industrialisation en Asie. Encore faut-il que les dirigeants en fassent une priorité nationale. Selon la Banque mondiale, chaque année supplémentaire d’éducation peut accroître les revenus individuels de 10 % et contribuer à réduire la pauvreté.
En lançant cet appel, l’Organisation des Nations unies (ONU) rappelle que le destin du continent repose désormais sur sa capacité à transformer son potentiel démographique en avantage économique. L’enjeu n’est plus de savoir si l’Afrique peut réussir sa transition numérique, mais de savoir si elle s’en donnera les moyens.
Félicien Houindo Lokossou
(Source : Agence Ecofin, 24 juillet 2025)