Fiscalité numérique au Sénégal : le gouvernement cible les jeux en ligne, la publicité digitale et les influenceurs pour générer 2 111 milliards FCFA d’ici 2028
vendredi 1er août 2025
Le Sénégal opère un virage stratégique dans sa politique budgétaire en misant sur le numérique comme levier majeur de mobilisation des ressources domestiques. Dans un contexte de réformes économiques profondes, le gouvernement, par la voix du Premier ministre Ousmane Sonko, a annoncé un objectif ambitieux : engranger plus de 2 111 milliards de FCFA entre 2025 et 2028, en grande partie grâce à l’élargissement de l’assiette fiscale aux nouvelles pratiques issues de l’économie numérique.
Parmi les cibles identifiées, les jeux de hasard et paris en ligne occupent une place centrale. Dopés par la généralisation du mobile money et l’essor des plateformes accessibles depuis un simple smartphone, ces services connaissent une croissance exponentielle, souvent hors de tout encadrement fiscal et réglementaire. Les autorités entendent désormais les intégrer pleinement dans le circuit formel afin d’en tirer un rendement fiscal proportionnel à leur impact économique et social.
Autre gisement visé : le Mobile Money, dont les transactions marchandes devraient à elles seules rapporter 130 milliards de FCFA de recettes fiscales sur la période. Le gouvernement prévoit de taxer plus systématiquement les flux financiers transitant par les opérateurs télécoms et les fintechs locales, dans un souci d’équité fiscale vis-à-vis des acteurs bancaires traditionnels.
La publicité numérique, quant à elle, fait également partie des priorités. L’État souhaite désormais capter une part des revenus générés par les campagnes publicitaires diffusées sur les grandes plateformes étrangères comme Google, Meta ou TikTok, lesquelles enregistrent des audiences massives au Sénégal sans y disposer de représentation fiscale directe. Un défi de taille dans un environnement global marqué par l’évasion fiscale des géants du numérique, que plusieurs pays africains tentent aujourd’hui de réguler.
La réforme vise aussi les revenus issus des services de VOD (Netflix, YouTube Premium, etc.) ainsi que ceux générés par les influenceurs digitaux, jusque-là largement hors du champ d’imposition. Ces nouveaux métiers, à la croisée du divertissement, du marketing et du commerce, brassent pourtant des montants considérables en contrats de sponsoring, placements de produits ou abonnements en ligne. Leur intégration dans le périmètre fiscal est donc perçue comme un impératif de justice contributive.
À travers cette stratégie, l’État sénégalais cherche à élargir la base fiscale sans accroître la pression sur les secteurs classiques, tout en s’alignant sur les standards internationaux en matière d’économie numérique.
Mais plusieurs questions subsistent : comment faire contribuer des entreprises opérant sans présence locale ? Quels garde-fous pour protéger le pouvoir d’achat numérique, notamment dans les couches les plus jeunes et les plus connectées ? Et surtout, quels mécanismes de transparence et de redistribution seront mis en place pour assurer que ces nouvelles recettes soutiennent effectivement les priorités sociales et économiques du pays ?
Si la démarche séduit par sa logique modernisatrice, sa mise en œuvre devra composer avec les exigences de souveraineté numérique, de compétitivité économique et de justice sociale.
À l’heure où le continent africain s’interroge sur la régulation de son espace numérique, le Sénégal entend ainsi affirmer sa volonté de bâtir un modèle fiscal innovant, adapté aux réalités d’un monde de plus en plus digitalisé.
(Source : Social Net Link, 1er août 2025)