Fintechs au Sénégal : l’offensive numérique qui bouscule les banques sur le terrain des non-bancarisés
samedi 14 juin 2025
Au Sénégal, la montée en puissance des fintechs redéfinit silencieusement les règles du jeu dans le paysage financier. Portées par l’innovation technologique et la volonté de répondre aux besoins des populations exclues du système bancaire classique, ces entreprises agiles gagnent du terrain, en particulier auprès des non-bancarisés, qui représentent encore près de 60 % de la population adulte, selon les données de la BCEAO.
Alors que les banques traditionnelles peinent à adapter leurs offres à des profils économiques souvent informels, faiblement solvables et peu mobiles, les fintechs s’appuient sur des solutions numériques accessibles, rapides et peu coûteuses. Applications mobiles d’épargne, microcrédit instantané, portefeuilles électroniques, transferts d’argent fluides : une constellation de services se déploie à travers des plateformes comme Wave, Wizall, PayDunya, InTouch ou Koridor. Ces outils, souvent disponibles via simple USSD ou smartphone, contournent les contraintes d’ouverture de compte, de pièces justificatives ou de garanties exigées par les banques.
Cette désintermédiation accélère l’inclusion financière dans des segments historiquement négligés : petits commerçants, artisans, travailleurs journaliers, femmes rurales ou jeunes entrepreneurs. L’écosystème fintech sénégalais, en plein essor, comptait en 2024 plus de 80 startups actives, selon le rapport de l’African Fintech Network, avec un volume de transactions numériques dépassant 2 500 milliards de FCFA sur l’année, un chiffre en progression constante.
Face à cette percée, les banques traditionnelles sont contraintes d’évoluer. Certaines nouent des partenariats avec des acteurs fintech pour élargir leur base clientèle. D’autres investissent dans leurs propres plateformes digitales, à l’instar de Société Générale ou BNDE, qui multiplient les offres de services mobiles. Mais l’agilité des fintechs, leur capacité à réduire les coûts d’intermédiation et leur ancrage dans des logiques d’usage plutôt que de statut, leur confèrent un avantage structurel difficile à concurrencer sur le terrain des populations non bancarisées.
Si cette transformation favorise une inclusion financière plus étendue, elle soulève également des enjeux de régulation. La BCEAO, consciente des risques liés à la sécurité des données, à la protection des consommateurs et à la stabilité du système, renforce son cadre de supervision. En 2023, elle a mis en place un régime d’agrément spécifique pour les établissements de paiement et les émetteurs de monnaie électronique, afin d’encadrer cette nouvelle génération d’acteurs.
La montée en puissance des fintechs ne signe pas la fin des banques, mais consacre un basculement : celui d’une finance désormais pensée pour s’adapter aux réalités du terrain, et non l’inverse. Ce changement de paradigme, déjà en marche, redéfinit les contours de l’inclusion financière au Sénégal.
(Source : Seneweb, 14 juin 2025)