Et si l’euro numérique était l’avertissement que la zone CFA refuse d’entendre ?
vendredi 5 septembre 2025
Le 4 septembre 2025, Piero Cipollone, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE), s’est exprimé devant la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen à Bruxelles. Son message est clair : l’Europe accélère la mise en place d’un euro numérique pour garantir la résilience de ses systèmes de paiement et assurer l’inclusion financière de tous ses citoyens, même en cas de crise majeure. Loin d’être un simple projet technologique, il s’agit d’un choix politique et stratégique pour défendre la souveraineté monétaire européenne face à la dépendance croissante aux infrastructures privées et étrangères.
La déclaration de Cipollone insiste sur un point crucial : l’euro numérique ne remplacera pas les espèces, mais il deviendra une alternative sécurisée en cas de panne des systèmes traditionnels. L’infrastructure sera redondante, distribuée sur plusieurs régions et capable de fonctionner même sans connexion Internet. Plus encore, la BCE prévoit une application publique gratuite pour que chaque Européen puisse accéder directement à cette nouvelle monnaie digitale. Cette approche traduit une volonté claire : ne laisser aucun citoyen de côté dans la transition vers l’ère numérique.
Pour les pays de la zone franc CFA, cette évolution européenne sonne comme une alarme. Alors que l’Union européenne construit sa souveraineté monétaire numérique, les États africains continuent de dépendre de technologies de paiement étrangères et de devises extérieures. Ni la BCEAO ni la BEAC n’ont encore présenté de feuille de route crédible en matière de monnaie numérique de banque centrale (MNBC), alors même que leurs populations font face à des défis d’inclusion financière beaucoup plus pressants qu’en Europe. L’absence de stratégie coordonnée expose la zone CFA à un retard technologique et à une dépendance accrue.
La leçon est pourtant simple : si l’Europe, déjà hautement bancarisée et technologiquement avancée, juge indispensable de se doter d’une monnaie numérique souveraine, combien plus urgente cette démarche devrait-elle être pour la zone CFA. L’euro numérique doit être perçu comme un miroir : il reflète l’avance de l’Europe mais révèle surtout l’inertie africaine. Ne pas engager dès maintenant une réflexion stratégique sur une MNBC régionale, adaptée aux réalités africaines, reviendrait à accepter que la souveraineté monétaire du continent reste éternellement sous influence étrangère.
Dr Seydou Bocoum
(Source : Groupe WhatsApp du RASA, 5 septembre 2025)