Désinformation : pourquoi la transparence et l’ouverture des données doivent devenir les piliers de la gouvernance publique
samedi 3 mai 2025
Nous sommes entrés de plein pied dans une nouvelle ère. Après celle de la surabondance médiatique et informationnelle, voici venue l’ère de la désinformation systémique et de la manipulation numérique. Une époque où les vérités officielles ne suffisent plus, et où les fausses vérités, habillées de chiffres ou de rhétorique pseudo-experte, circulent à grande vitesse sur les réseaux et dans l’espace public.
Dans ce contexte, l’absence de stratégie transparente expose dangereusement les pouvoirs publics. Il suffit parfois d’un graphique sorti de son contexte, d’un témoignage amplifié, ou d’un influenceur en quête de buzz, pour que des institutions entières soient accusées d’incompétence, souvent sans fondement.
Face à cela, deux réponses s’imposent.
D’abord, produire des contre-narratifs crédibles, construits sur des faits solides, vérifiables et sourcés. Il ne s’agit pas de réagir à chaque polémique, mais de bâtir un socle d’information publique indiscutable. L’État ne peut plus se permettre d’être un simple récepteur ou démenti tardif dans le flot de l’information. Il doit devenir émetteur proactif de données fiables, régulièrement mises à jour, intelligibles par tous.
Ensuite, rendre possible l’exercice du jugement critique par le citoyen. Cela passe par l’accès aux données, dans des formats ouverts, consultables et contextualisés. C’est le seul antidote durable à la manipulation : permettre à chacun de se faire une opinion informée, fondée sur des éléments concrets.
Prenons un exemple simple, mais éloquent : le nombre de personnes ayant perdu leur emploi depuis l’alternance de 2024. Aujourd’hui, les chiffres officiels , pourtant sensibles et stratégiques, sont parfois absents du débat public ou diffusés avec retard. Résultat : le vide est comblé par la spéculation, les approximations ou les fake news comme les « 30000 » annoncés par un opposant.
Et pourtant, les solutions techniques existent. Le portail du ministère de l’Emploi pourrait publier régulièrement des tableaux de bord indiquant, de manière anonymisée, le nombre de pertes d’emploi, les secteurs concernés, les régions touchées, et les motifs (fin de contrat, départ volontaire, raisons économiques, etc.). Ces données pourraient être rendues accessibles selon les normes internationales en matière de protection des données personnelles, grâce aux techniques d’anonymisation aujourd’hui bien maîtrisées.
Cette transparence ne signifie pas vulnérabilité. Elle signifie responsabilité. Elle signifie respect du citoyen et confiance dans son intelligence. Elle signifie surtout que l’État n’abandonne pas l’arène numérique aux manipulateurs.
Dans un monde saturé de récits, le silence des institutions devient un risque politique majeur. Mieux vaut donc une vérité complexe, parfois imparfaite mais assumée, qu’un silence interprété, détourné, ou rempli par le mensonge.
Laye Kanté
(Source : Facebook, 3 mai 2025)