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Accueil > Ressources > Points de vue > 2025 > Déléguer la lecture à l’IA : quels savoirs et plaisirs sacrifions-nous ?

Déléguer la lecture à l’IA : quels savoirs et plaisirs sacrifions-nous ?

samedi 30 août 2025

Point de vue

Depuis plusieurs décennies, le temps consacré à la lecture diminue. L’arrivée de l’intelligence artificielle, capable de « lire » et de synthétiser des livres ou des articles en quelques secondes, accentue cette tendance. Si ces outils séduisent par leur efficacité, ils soulèvent une question cruciale : que perdons-nous quand nous laissons la machine lire à notre place ?

Une tempête se lève sur la lecture. Lorsque l’intelligence artificielle (IA) a commencé à se diffuser, on observait déjà, chez les enfants comme chez les adultes, un recul du temps consacré à la lecture par rapport aux décennies précédentes.

Comme linguiste, j’étudie la façon dont la technologie influence les manières de lire, d’écrire et de penser des individus. Cela inclut l’influence de l’IA, qui transforme en profondeur notre rapport aux livres et aux différents types d’écrits, qu’ils soient prescrits dans un cadre scolaire, mobilisés pour la recherche ou choisis pour le plaisir de lire.

Je crains que l’IA ne précipite l’évolution, déjà en cours, de la place que les gens accordent à la lecture comme activité propre à l’humain.

Tout sauf un livre ?

Les compétences rédactionnelles de l’IA ont déjà fait couler beaucoup d’encre. Les chercheurs et les enseignants commencent seulement à s’intéresser de près à la capacité de l’IA à lire d’énormes ensembles de données, puis à produire des résumés, des analyses ou des comparaisons raisonnées d’ouvrages, d’essais et d’articles.

Aujourd’hui, un étudiant à qui l’on demande de lire un roman peut se contenter d’un résumé généré par l’IA, présentant l’intrigue et les principaux thèmes. Une telle alternative, qui tend à réduire la motivation à lire soi-même, m’a conduit à écrire un ouvrage sur les avantages et les limites d’une délégation de la lecture à l’IA.

Se décharger voire se défausser de la tâche de résumer ou d’analyser des textes n’a rien de nouveau. CliffsNotes (petits guides états-uniens pour étudiants, proposant des fiches de lecture, des résumés de l’intrigue et des analyses des personnages et du style) existe depuis la fin des années 1950. Des siècles plus tôt, la Royal Society of London a commencé à produire des résumés d’articles scientifiques publiés dans son volumineux ouvrage, Philosophical Transactions. Au milieu du XXe siècle, les résumés sont devenus la norme dans les articles scientifiques. Les lecteurs potentiels pouvaient désormais parcourir le résumé avant de décider de lire l’article dans son intégralité.

Des possibilités inédites de contournement

Internet a multiplié les moyens de contourner la lecture traditionnelle. Blinkist, par exemple, est une application qui propose principalement des résumés de livres de non-fiction d’environ quinze minutes – appelés des blinks – disponibles en format texte et audio.

L’IA générative porte ces solutions de contournement à un niveau inédit. BooksAI est une plateforme qui utilise l’IA pour générer des résumés de livres et offrir des recommandations personnalisées. Parallèlement, BookAI permet aux utilisateurs de discuter avec n’importe quel livre, simplement à partir de son titre et du nom de son auteur — aucune version numérique du livre n’est nécessaire. Nul besoin là encore, de lire vous-même les livres.

Pour un étudiant chargé de procéder à une analyse comparative de romans d’apprentissage, tels que les Aventures de Huckleberry Finn, de Mark Twain, et l’Attrape-cœurs, de J. D. Salinger, les CliffsNotes s’avèrent d’une utilité limitée. Ils fournissent bien des résumés synthétiques, mais le travail effectif de la comparaison revient à l’étudiant.

Or, grâce à de grands modèles de langage (LLM) ou à des outils spécialisés, tels que Google NotebookLM, l’IA se charge à la fois de la lecture et de la comparaison. Et elle génère même des questions intelligentes à poser en classe.

L’inconvénient tient au fait que l’on se prive d’un bénéfice fondamental de la lecture d’un roman initiatique : l’opportunité de développer sa réflexion personnelle en s’appropriant, par procuration, les épreuves vécues par le protagoniste.

Dans le monde de la recherche universitaire, des offres d’IA telles que SciSpace, Elicit et Consensus combinent la puissance des moteurs de recherche et des grands modèles linguistiques. Elles localisent les articles pertinents, puis les résument et les synthétisent, réduisant ainsi considérablement le temps nécessaire à la réalisation de bibliographies. Sur son site web, Elsevier’s ScienceDirect AI se réjouit :

« Adieu le temps perdu à lire. Bonjour la pertinence. »
Peut-être. Mais ce processus ne permet pas de se faire une opinion à soi ni d’aiguiser son esprit critique.

Bien avant que l’IA générative se répande, on constatait déjà un recul de la lecture de livres, aussi bien à des fins de loisir que d’apprentissage.

État des lieux de la lecture

Aux États-Unis, l’évaluation nationale des progrès scolaires (National Assessment of Educational Progress) a révélé que le nombre d’élèves de CM 1 (ce qui correspond à la 4e année aux États-Unis) – qui lisent pour le plaisir de façon quasi quotidienne est passé de 53 % en 1984 à 39 % en 2022. Et qu’en est-il pour les élèves de 4ᵉ au collège (la 8e année aux États-Unis) ? Le pourcentage a chuté de 35 % en 1984 à 14 % en 2023. L’enquête 2024 du National Literacy Trust au Royaume-Uni montre que seul un enfant de 8 ans à 18 ans sur trois déclare aimer lire pendant son temps libre, soit une baisse de près de 9 points de pourcentage par rapport à l’année précédente.

Des tendances similaires existent chez les élèves plus âgés. Dans une enquête menée en 2018 auprès de 600 000 jeunes de 15 ans dans 79 pays, 49 % ont déclaré ne lire que lorsqu’ils y étaient obligés. Ils étaient 36 % environ dix ans plus tôt.

La situation n’est guère plus réjouissante chez les étudiants. Une série d’articles récents a fait état du peu de temps consacré à la lecture dans l’enseignement supérieur américain. Mon travail avec la chercheuse en alphabétisation Anne Mangen montre que les enseignants donnent souvent moins de textes à lire à leurs élèves ou étudiants qu’avant, tout simplement parce que ces derniers ne les lisent pas.

Cette anecdote du journaliste du New York Times David Brooks illustre le cœur du problème :

« Le jour de remise de diplôme dans une université prestigieuse, j’ai demandé à un groupe d’étudiants quel livre avait changé leur vie au cours des quatre dernières années. Il y eut un long silence gêné. Finalement, un étudiant a répondu : “Vous devez comprendre, nous ne lisons pas comme ça. Nous ne lisons que quelques pages de chaque livre pour réussir les examens.”. »
Passons aux adultes… Selon YouGov, seuls 54 % des Américains ont lu au moins un livre en 2023. La situation est encore plus sombre en Corée du Sud, où seulement 43 % des adultes ont déclaré avoir lu au moins un livre en 2023, contre près de 87 % en 1994. Au Royaume-Uni, The Reading Agency a observé une baisse de la lecture chez les adultes et a donné une piste pour l’expliquer. En 2024, 35 % des adultes se sont déclarés « lecteurs occasionnels » : alors qu’ils lisaient régulièrement auparavant, ils ne le font plus. Parmi eux, 26 % ont indiqué avoir arrêté de lire en raison du temps passé sur les réseaux sociaux.

Le terme « lecteur occasionnel » pourrait désormais s’appliquer à toute personne qui ne donne plus la priorité à la lecture, que ce soit par manque d’intérêt, parce qu’elle consacre plus de temps aux réseaux sociaux ou parce qu’elle laisse l’IA lire à sa place.

Tout ce qui est perdu, manquant et oublié

Pourquoi lire ? Pour une infinité de raisons.

Pour le plaisir de lire tout simplement ou parce que la lecture a un effet bénéfique sur le stress, nous permet d’élargir nos connaissances ou d’apprendre à mieux nous connaître nous-mêmes.

Il a été établi qu’il existe des corrélations entre la lecture et le développement cérébral chez les enfants, mais aussi le bonheur, la longévité et le ralentissement du déclin cognitif.

La question du déclin cognitif revêt une pertinence particulière à une époque où les individus délèguent de plus en plus de tâches cognitives à l’IA, un phénomène qualifié de décharge cognitive. Des recherches ont montré que ce phénomène est en augmentation et qu’il n’est pas sans effet : les personnes qui comptent sur l’IA pour faire leur travail ont l’impression de moins réfléchir.

Une étude utilisant des mesures EEG (électroencéphalogramme qui permet de mesurer et d’enregistrer l’activité électrique du cerveau) a révélé des schémas de connectivité cérébrale différents lorsque les participants faisaient appel à l’IA pour les aider à rédiger un essai et lorsqu’ils le rédigeaient seuls.

Il reste prématuré de mesurer les effets à long terme de l’IA sur notre capacité à penser par nous-mêmes. Jusqu’ici, les recherches se sont surtout intéressées aux tâches d’écriture ou à l’usage global des outils d’IA, plutôt qu’à la lecture elle-même. Or, si nous perdons l’habitude de lire, d’analyser et de construire nos propres raisonnements, ces aptitudes risquent de s’éroder.

Ce ne sont pas seulement nos capacités cognitives qui s’appauvrissent lorsque nous laissons l’IA lire à notre place. Nous nous privons aussi de l’essence même du plaisir de lire : l’émotion d’un dialogue, la beauté d’une phrase, l’attachement à un personnage.

L’efficacité offerte par l’IA est séduisante. Mais elle risque de compromettre les avantages de la littératie, notre aptitude à lire, comprendre et utiliser l’information écrite dans notre vie quotidienne.The Conversation

Naomi S. Baron, Professor Emerita of Linguistics, American University [1]

(Source : WeAreTechAfrica, 30 août 2025)


[1] Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

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