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Accueil > Articles de presse > Année 2025 > Avril 2025 > Bénin numérique : « C’est ce qu’ont fait les Coréens, les Chinois, les (…)

Bénin numérique : « C’est ce qu’ont fait les Coréens, les Chinois, les Japonais… »

mercredi 2 avril 2025

Portrait/Entretien

Au Bénin, le numérique n’est pas qu’un secteur en développement, c’est une véritable colonne vertébrale de l’action publique. Au cœur de cette transformation, l’Agence des Systèmes d’Information et du Numérique (ASIN) pilote une stratégie intégrée, unique sur le continent, mêlant infrastructures, cybersécurité, services publics dématérialisés et inclusion numérique. Son directeur général, Marc-André Loko, détaille pour Agence Ecofin les avancées, les choix structurants et les défis à relever.

Agence Ecofin : ASIN pour Agence des Systèmes d’Information et du Numérique, présentez-nous en quelques mots cette agence.

Marc-André Loko : L’ASIN est le bras opérationnel du gouvernement pour l’exécution des projets prioritaires et stratégiques en matière de numérique. C’est une agence qui est, je pense, assez unique à l’échelle continentale, puisqu’elle concentre tous les pans : les infrastructures numériques, les systèmes d’information, ainsi que les sujets liés à la cybersécurité et à l’aménagement numérique du territoire. La plupart du temps, ce sont plusieurs agences distinctes dans les autres pays, mais le Bénin a fait le choix d’avoir une agence complètement intégrée, pour favoriser une meilleure synergie entre les différents acteurs du secteur public.

Agence Ecofin : Le Programme d’Action du Gouvernement (PAG) 2021-2026 a fait du numérique un levier majeur du développement au Bénin. Où en est la mise en œuvre de cette stratégie et quels sont les projets phares en cours au niveau de l’ASIN ?

Marc-André Loko : Je vais commencer par les infrastructures, notamment les câbles sous-marins. Aujourd’hui, le Bénin compte trois câbles sous-marins dans son écosystème. Ce ne sont pas uniquement des projets portés par le secteur public. Le pays a en effet créé les conditions pour qu’un acteur privé puisse faire atterrir un câble – donc un financement 100 % privé -, aux côtés des deux câbles déjà existants. Cela témoigne de notre volonté d’ouvrir le secteur à des initiatives diverses.

« Notre vrai défi aujourd’hui est de concevoir des projets et d’attirer des ressources humaines de qualité. »

Je pense aussi à tout le travail réalisé sur le déploiement de la fibre optique. En neuf ans, près de 3000 kilomètres de fibre ont été installés, couvrant aujourd’hui plus de 70 communes, avec des points de présence en fibre optique. D’ici la fin de l’année 2025, nous allons couvrir toutes les 77 communes du Bénin.

La connectivité haut débit est essentielle pour tous les Béninois, sans exception. Il n’y a donc aucune raison de laisser une partie du territoire en marge. Notre objectif est clair : aucun citoyen, aucune entreprise ne doit rester en dehors de cette dynamique. C’est un axe structurant de notre stratégie.

Dans le même esprit, un projet important porté par la Ministre du Numérique et de la Digitalisation est celui de la mise en place de Points Numériques Communautaires (PNC). L’idée est d’amener la connectivité dans des zones mal desservies, pour permettre aux populations d’accéder à des ordinateurs, à Internet, et à des services essentiels.

« Nous avons lancé un projet complémentaire aux PNC, à savoir les cases numériques : ce sont des points numériques communautaires, alimentés par une connectivité satellitaire. »

Nous avons lancé un projet complémentaire aux PNC, à savoir les cases numériques : ce sont des points numériques communautaires, alimentés par une connectivité satellitaire. Ce sont des solutions mises en place dans les zones où la fibre n’est pas encore disponible, mais où il n’était pas question d’attendre. C’est dire à quel point l’investissement dans les infrastructures est un pilier majeur de notre stratégie.

Agence Ecofin : En dehors des projets d’infrastructure, quels sont les autres projets importants sur lesquels intervient l’ASIN ?

Marc-André Loko : Au-delà des infrastructures, ce sont les services qui comptent pour les citoyens. Les populations ne consomment pas des kilomètres de fibre : elles utilisent des services numériques. Et ces services reposent sur des plateformes.

C’est pourquoi, dès 2019, nous avons lancé un projet structurant qui a permis, en 2020, la création du portail national des services publics. C’est un portail utilisé quotidiennement, non seulement par les Béninois, mais aussi par toutes les personnes qui interagissent avec le secteur public au Bénin.

Aujourd’hui, plus de 220 services publics sont totalement dématérialisés. C’est une avancée considérable pour la simplification des démarches administratives.

« Aujourd’hui, plus de 220 services publics sont totalement dématérialisés. C’est une avancée considérable pour la simplification des démarches administratives. »

Derrière cela, il y a des projets moins visibles, mais tout aussi cruciaux, comme celui de l’interopérabilité. Notre objectif à moyen terme est que tous les systèmes d’information, publics comme privés, puissent dialoguer entre eux. Cela accélère considérablement la digitalisation.

C’est déjà une réalité : les systèmes d’information de l’État échangent entre eux, et ceux du secteur privé interagissent avec eux. C’est une vraie réussite. Cela a été rendu possible grâce à notre coopération avec l’Estonie, un pays reconnu comme un modèle mondial dans ce domaine. Nous continuons à construire cette interopérabilité semaine après semaine, en fluidifiant les échanges entre entités publiques et privées. C’est ce qui permet aussi de faire émerger de nouveaux services, à destination des Béninois et de la diaspora.

« Cela a été rendu possible grâce à notre coopération avec l’Estonie, un pays reconnu comme un modèle mondial dans ce domaine. »

Un autre axe structurant, c’est la cybersécurité. On ne peut pas parler de numérique sans parler de confiance numérique. Quand on investit 1000 francs dans une plateforme, il faut consacrer au moins 25 % pour la cybersécurité. Nous avons aujourd’hui des centres d’alerte et de réponse, qui nous permettent de détecter les vulnérabilités, de soutenir les structures publiques, et parfois privées, face aux menaces informatiques. Cela nous permet de limiter notre exposition aux cyberattaques.

Nous avons beaucoup investi dans ce domaine, non seulement en matière de dispositifs techniques, mais aussi de formation. Car tout ce que je viens de décrire n’a de sens que si nous avons les ressources humaines pour le mettre en œuvre.

C’est dans cette logique qu’a été créée l’École des Métiers du Numérique. Nous développons également des programmes de formation spécifiques à destination des mairies. Nous y formons le personnel administratif pour qu’il devienne plus autonome et s’approprie les outils numériques. Nous travaillons avec des écoles de référence, comme l’IFRI (Institut de Formation et de Recherche en Informatique, NDLR) et nous recrutons activement dans ces écoles. Une recrue sur deux chez nous vient de l’IFRI, et nous en sommes fiers.

Ce sont des compétences locales que nous formons, que nous accompagnons, avec un vrai parcours d’intégration. Et au bout de deux ou trois ans, elles deviennent elles-mêmes des experts dans leur domaine.

Agence Ecofin : Tout ce que vous décrivez-là est assez vaste… Et la question qui va de soi est de se demander comment cette stratégie est financée ? Surtout, quelle part provient du secteur privé ?

Marc-André Loko : Vous savez, l’État, en tant qu’acteur régalien, doit assumer un certain nombre de responsabilités. C’est pour cela que je dirais qu’environ 70 % du financement de notre stratégie provient du secteur public. Ce financement s’appuie en partie sur des partenaires internationaux.

Mais il faut aussi savoir saisir les opportunités. Comme je le disais, certains projets routiers permettent de faciliter nos déploiements numériques. Car ce qui coûte cher dans un projet de fibre optique par exemple, ce n’est pas la fibre elle-même. Le génie civil, par exemple, représente à lui seul 70 à 80 % du coût total du projet. La partie télécoms ne représente que 20 % environ. D’où l’importance d’une coordination très fine entre les institutions de l’Etat.

« Car ce qui coûte cher dans un projet de fibre optique par exemple, ce n’est pas la fibre elle-même. Le génie civil, par exemple, représente à lui seul 70 à 80 % du coût total du projet. »

La création de la SIRAT (Société des infrastructures routières et de l’aménagement du territoire, NDLR) résulte ainsi de la volonté du gouvernement de regrouper plusieurs entités pour renforcer les synergies. Et cela a un impact direct pour nous, car cela nous permet d’anticiper, de mieux nous aligner sur les autres chantiers du pays, et donc d’avancer plus efficacement.

Le projet de la Route des Pêches en est une belle illustration : en parallèle des travaux routiers, la fibre optique est déployée. Il faut savoir avancer rapidement, mais de manière coordonnée avec les autres projets. Quand une nouvelle route est prévue, nous nous assurons que notre plan de déploiement suit, pour optimiser les coûts. Et c’est cette logique qui nous permet d’aller loin, en mobilisant majoritairement des financements publics.

« Quand une nouvelle route est prévue, nous nous assurons que notre plan de déploiement suit, pour optimiser les coûts. »

Cela dit, il y a bien entendu aussi des investissements privés. Les opérateurs, eux aussi, jouent leur rôle. Ils mobilisent leurs ressources propres, ils empruntent, ils investissent. Si, par exemple, un opérateur GSM souhaite étendre sa couverture dans une zone peu desservie, comme Copargo, il pourra dire : « Je vais déployer un réseau mobile, mais je n’ai pas les liaisons de transmission nécessaires ». Dans ce cas, il finance une partie des besoins, discute avec la SBIN (Société béninoise d’infrastructures numériques, NDLR), et ils co-investissent. C’est une pratique assez courante, et c’est grâce à ce type de collaboration que nous parvenons à mutualiser les coûts.

Sinon, il serait impossible d’avoir aujourd’hui des prix aussi accessibles dans le secteur des télécommunications. Si chaque acteur devait tout financer seul, nous n’y arriverions pas. La clé, c’est la collaboration, notamment sur les infrastructures, pour pouvoir fournir des services accessibles à tous les Béninois.

Enfin, il y a une dernière source de financement intéressante : le mécanisme du service universel. Il s’agit d’une redevance prélevée à hauteur de 1 % du chiffre d’affaires des opérateurs. Ce fonds nous permet, de manière ciblée, de financer des projets d’extension de la couverture numérique. Et nous comptons l’utiliser encore cette année.

Agence Ecofin : Dans le panorama que vous dressiez tout à l’heure, vous évoquiez la digitalisation des services publics. Quel bilan tirez-vous de cette transformation et quelles sont les prochaines étapes ?

Marc-André Loko : Nous avons encore énormément de challenges. D’abord, je rappelle qu’en faisant la cartographie des services publics, indépendamment de leur dématérialisation, nous avons identifié plus de 1300 services délivrés aujourd’hui par l’administration aux Béninois. Notre défi, à terme, c’est de tous les dématérialiser.

Mais cela demande énormément de ressources. C’est pourquoi nous essayons d’être le plus stratégique possible. Nous avons commencé par les services qui concernent le plus grand nombre de Béninois, ceux qui ont un impact direct sur leur quotidien.

C’est pour cela que nous avons démarré par des services comme le casier judiciaire, la visite technique... ou encore des démarches très simples comme les demandes d’autorisations en ligne. Ce sont des usages très concrets, ancrés dans la vie quotidienne.

Disons que les premiers 20 % de services que nous avons déjà dématérialisés sont très impactant pour le quotidien des citoyens. Ensuite, nous avons mis en place une planification, avec pour objectif d’en développer entre 50 et 100 par an. C’est notre pari. Mais ces 50 à 100 nouveaux services ne sont pas uniquement portés par l’ASIN.

Ce que nous avons mis en place aujourd’hui, c’est une stratégie pour former l’écosystème. Nos outils sont désormais accessibles aux développeurs des entreprises de services numériques privées, mais aussi à ceux des structures publiques. Chaque mois, nous organisons des sessions de formation pour les familiariser avec notre kit de développement. Cela veut dire qu’un développeur issu d’une entreprise privée peut suivre la formation.

« Nos outils sont désormais accessibles aux développeurs des entreprises de services numériques privées, mais aussi à ceux des structures publiques. »

Dans un avenir proche, une administration peut faire appel à cette entreprise pour développer un e-service dans le cadre d’un appel d’offres ou d’un marché public. Et comme ces développeurs ont été formés par nous, ils savent utiliser nos outils. Une fois le service développé, nous assurons un contrôle qualité et nous l’intégrons au portail national.

Cela nous permet de continuer à développer en interne les services jugés prioritaires, pendant que d’autres services sont pris en charge par des entreprises ou des structures publiques, formées pour cela. Nous avons aussi un troisième levier, qui est le Centre de transformation digitale, un espace de co-création financé avec l’appui de la GIZ (Agence allemande pour la coopération internationale, NDLR). Ce centre permet également de concevoir et de développer des services publics.

Enfin, il y a un quatrième levier : lorsqu’un DSI (directeur des systèmes d’information, NDLR) expérimenté dans une administration dispose d’une équipe avec des compétences en développement et que ces développeurs ont été formés, ils peuvent, eux aussi, produire des e-services. Notre stratégie n’est donc pas que l’ASIN développe tout. Si nous suivions cette logique, nous deviendrions un goulot d’étranglement, et nous ne pourrions pas atteindre le niveau d’accélération souhaité.

Agence Ecofin : Dans ce contexte de transformation numérique rapide, la cybersécurité est un enjeu crucial. Comment le Bénin, qui a ratifié en novembre 2024 la Convention de Malabo, renforce-t-il la protection de ses infrastructures critiques et des données des citoyens ?

Marc-André Loko : Alors, la Convention de Malabo couvre deux grands volets : la cybersécurité, bien sûr, mais aussi la protection des données à caractère personnel. Nous étions engagés dans ce processus depuis trois à quatre ans, et les instruments officiels ont été déposés après passage par les circuits de l’exécutif et du législatif. Cette ratification a été finalisée en novembre dernier.

Qu’est-ce que cela change concrètement pour nous ? Notre atout — ou plutôt, la force de notre anticipation — est que notre Code du numérique était déjà aligné sur les standards internationaux. Nous n’avons donc pas eu besoin de le modifier, car les volets liés à la cybersécurité et à la protection des données étaient déjà traités dans le cadre existant, en cohérence avec les exigences continentales.

Ce que la Convention nous apporte en plus, c’est surtout une dimension renforcée de coopération. Et en matière de cybersécurité, la coopération est absolument essentielle. C’est un domaine très dynamique : les menaces évoluent constamment, les technologies changent vite. Aujourd’hui, même l’intelligence artificielle est utilisée dans ce secteur, que ce soit pour la défense ou pour les attaques.

Nous devons donc être en relation permanente avec nos pairs. Des pays comme l’Afrique du Sud, l’Égypte, le Kenya ou encore le Rwanda sont aujourd’hui des élites sur le continent. Et nous sommes satisfaits de voir que, selon le Global Cybersecurity Index 2024 (de l’UIT, NDLR) le Bénin est classé sixième en Afrique, dans la catégorie Tier 2, c’est-à-dire les pays en progrès. Notre positionnement a été atténué par le dépôt de nos instruments qui est intervenu après la dernière phase de collecte. Sur les autres critères, nous sommes déjà au niveau Tier 1 (celui du Role modelling).

Ce positionnement reflète une progression constante, qui repose notamment sur une forte coopération internationale. Le Bénin est membre de plusieurs organisations de référence, comme le FIRST (Forum of Incident Response and Security Teams), qui est une instance mondiale majeure, et l’AfricaCERT, en est la branche continentale.

En mars 2025, l’ASIN a organisé une simulation de cas de crises cybernétiques avec les acteurs de l’écosystème. Car, une crise cybernétique, n’est pas simplement une attaque informatique. C’est un événement qui a eu un impact transversal sur plusieurs secteurs ou domaines d’activités critiques du pays. Cela peut devenir un risque systémique.

Imaginez que toutes les plateformes de mobile money tombent aujourd’hui au Bénin, que se passe-t-il ? Vous voyez ce que ça peut induire ? Chaque année, plus de 3000 milliards de francs CFA transitent via le mobile money. C’est pour cela que nous anticipons. Nous avons élaboré en 2024, notre première stratégie de réponse aux crises cybernétiques. Et nous organisons des exercices de simulation, en partenariat avec des organisations internationales comme le FIRST, pour tester et améliorer nos capacités de réaction.

Tous ces efforts s’inscrivent dans une démarche de renforcement de nos capacités. Il y a des partages d’expériences, des formations conjointes, des partenariats structurants, dans le cadre des conventions que nous avons ratifiées. Je précise d’ailleurs que nous avons également ratifié la Convention de Budapest, sur la cybercriminalité. Toutes ces conventions nous donnent accès à des financements de l’Union africaine, du Conseil de l’Europe, et d’autres partenaires. Ces appuis viennent compléter le budget national, car c’est un domaine où il faut des moyens importants pour rester à la hauteur des enjeux.

Agence Ecofin : Le Bénin veut renforcer sa souveraineté numérique, notamment avec la construction d’un datacenter Tier 3. Comment ce projet contribue-t-il à mieux maîtriser les données stratégiques du pays ? Quels sont les autres chantiers en cours sur ce sujet ?

Marc-André Loko : Aujourd’hui, si vous êtes une entreprise, vous pouvez contacter Celtiis Business pour héberger votre plateforme, stocker vos données, ou stocker chez vous et bénéficier d’un système de secours, d’un backup. Le datacenter fournit des services de stockage, de sauvegarde, d’hébergement de serveurs.

Mais nous regardons déjà vers l’avenir, car nous restons lucides. Il faut comprendre que vos données sont aujourd’hui réparties un peu partout dans le monde. Donc, ces données dispersées ne vont pas être rapatriées du jour au lendemain au Bénin. Mais notre enjeu, c’est d’identifier quelles sont les plateformes critiques, quelles sont les données stratégiques, et de nous assurer que nous avons la capacité de les héberger localement.

Avoir 100 % des données hébergées au Bénin n’est pas réaliste à court terme. Mais ce que nous visons, c’est l’autonomie sur les données critiques. C’est cela, la souveraineté numérique : pouvoir garantir un hébergement souverain, fiable, pour les actifs les plus sensibles. C’est une forme d’autonomie stratégique. Et nous avançons dans cette direction.

Par exemple, la future cité ministérielle intègre la construction de mini-datacenters de proximité. Ce ne seront pas de grands datacenters comme le data center national, mais des unités complémentaires, capables d’héberger localement des applications, des plateformes, des données.

« La future cité ministérielle intègre la construction de mini-datacenters de proximité. Ce ne seront pas de grands datacenters comme le data center national, mais des unités complémentaires, capables d’héberger localement des applications, des plateformes, des données. »

Désormais, chaque nouveau projet numérique d’envergure est conçu avec une capacité d’hébergement intégrée. Et à côté, le data center national reste le point de référence, la colonne vertébrale de notre infrastructure. Pourquoi ? Parce qu’il faut penser à la résilience. Il faut anticiper les sinistres, les interruptions critiques. Il faut des sites de secours, pour assurer la continuité de l’activité.

Dans les années à venir, notre objectif est de disposer d’un second datacenter de référence, pour une architecture encore plus résiliente et souveraine.

Agence Ecofin : Comment se mesure l’impact économique de tout ce que fait l’ASIN ?

Marc-André Loko : Vous savez, quand vous êtes une entreprise, et que vous devez envoyer vos collaborateurs physiquement dans les administrations à chaque démarche, vous imaginez les pertes en temps, en énergie, en ressources humaines. Ce que nous faisons à l’ASIN permet de renforcer l’action publique, mais aussi de générer des économies concrètes pour les entreprises. C’est un axe extrêmement important.

Quand, en deux clics, vous pouvez faire ce qui vous prenait cinq jours, on parle là de gains massifs en productivité. Tous les projets que nous portons en matière de dématérialisation et de digitalisation génèrent directement des gains de productivité.

« Quand, en deux clics, vous pouvez faire ce qui vous prenait cinq jours, on parle là de gains massifs en productivité. »

Plus nous digitalisons, plus nous améliorons la productivité de l’écosystème, et donc nous contribuons directement à la création de valeur ajoutée, au PIB et donc à la croissance économique.

Il y a aussi l’impact sur la mobilisation des ressources publiques. Prenons le cas de la visite technique : auparavant, le paiement se faisait en espèces. Aujourd’hui, tout est dématérialisé, et payé en ligne. Cela signifie que nous sécurisons la collecte des ressources publiques, et que nous améliorons les performances en matière de mobilisation des recettes intérieures. Cette digitalisation des processus de collecte des ressources publiques a un impact économique et financier direct pour l’État béninois.

À cela s’ajoute un effet indirect, mais fondamental : la confiance. C’est-à-dire moins de déperditions des ressources, moins de corruption puisque les individus ne sont plus amenés à manipuler de l’argent liquide. Le système devient plus transparent, plus fiable.

Un autre exemple d’impact concret, l’inclusion financière. Quand nous allons dans des zones rurales qui n’avaient aucune connectivité, et que nous y installons une infrastructure même si la population n’a pas de smartphone, avec un simple téléphone de base, les gens peuvent accéder au mobile money.

Agence Ecofin : Selon la GSMA, l’e-agriculture pourrait rapporter 309 millions $ au secteur agricole béninois d’ici 2028. Comment l’ASIN accompagne-t-elle plus spécifiquement ce secteur, un des piliers de l’économie du pays ?

Marc-André Loko : Le numérique est un secteur transversal. Autant nous accompagnons des secteurs comme le tourisme, autant nous sommes engagés auprès de secteurs stratégiques comme la santé, l’industrie, les finances publiques, l’art et la culture. Et bien sûr, le secteur agricole fait pleinement partie de ces priorités.

Dès 2018–2019, le ministère du Numérique et de la Digitalisation a initié des projets dans ce sens. Vous avez par exemple le PITN2R (Projet intégré de transformation numérique des régions Rurales, NDLR), un projet financé par la Banque mondiale, et dont plusieurs composantes ont été spécialement orientées vers les zones rurales et les activités agricoles.

La productivité agricole passe évidemment par la qualité des semences, mais aussi par l’utilisation de machines agricoles, entre autres.

C’est dans ce cadre que la Sonama — la Société nationale des machines agricoles — a été accompagnée avec la mise en place d’une plateforme de gestion dédiée. Elle permet aujourd’hui une meilleure organisation dans la mise à disposition des équipements.

Il y a plusieurs plateformes qui ont vu le jour grâce au PITN2R : une pour la gestion des machines agricoles, une autre pour la cartographie des structures agricoles, et une autre encore dédiée au conseil agricole.

Car au bout du compte, quand vous êtes agriculteur, vous faites face à plusieurs défis. D’abord, il y a une forme d’analphabétisme numérique à surmonter. Il faut donc former les producteurs, leur permettre d’avoir un socle minimum de compétences pour utiliser les outils numériques.

Ensuite, il y a les besoins directs en productivité. Il faut des outils simples pour savoir, par exemple, quelles sont les meilleures semences, quand semer, quelles sont les prévisions météorologiques, etc. Et tout cela relève du conseil agricole.

« Il faut des outils simples pour savoir, par exemple, quelles sont les meilleures semences, quand semer, quelles sont les prévisions météorologiques, etc. Et tout cela relève du conseil agricole. »

La plateforme existe déjà, elle est opérationnelle, et a été transférée au ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche, qui l’utilise désormais pour accompagner les agriculteurs dans l’amélioration de leur productivité.

Mais le conseil agricole, c’est aussi l’accès à l’information sur les marchés, ce qui reste un défi majeur. L’accès physique est déjà difficile, mais l’accès à l’information commerciale l’est tout autant.

Agence Ecofin : Si vous devez regarder vers le futur, quels sont les défis les plus importants selon vous ?

Marc-André Loko : Je pense que le premier défi, c’est celui de l’attractivité des profils de qualité. Nous devons continuer à former massivement en local. Il y a des écoles avec beaucoup de potentiel, et il faut continuer à les accompagner pour offrir une formation adaptée aux enjeux actuels. C’est vraiment le premier grand défi.

« Je pense que le premier défi, c’est celui de l’attractivité des profils de qualité. Nous devons continuer à former massivement en local. »

Aujourd’hui, nous avons du potentiel, nous avons de très bons jeunes qui sortent des écoles. Mais il y a le défi de la capacité à les accueillir très tôt dans des structures. Car pour performer dans le temps, les premières années sont essentielles. Il faut donc plus de places pour les stagiaires, plus de structures d’accueil. Et ce n’est pas qu’une affaire du secteur public. C’est tout l’écosystème qui est concerné.

Par exemple, lorsqu’on légifère sur la protection des données à caractère personnel, cela pousse tous les responsables — quelle que soit leur structure — à se poser des questions sur la notion de donnée personnelle ? Et cela les amène naturellement vers le numérique, vers les systèmes d’information, vers la compréhension de comment le numérique peut améliorer leur performance. Et donc, ça les conduit à investir dans le numérique, dans la sécurité, à recruter, à prendre des stagiaires. C’est tout un cercle vertueux.

Un autre défi, c’est celui de la conduite du changement. Et c’est un défi partagé par tous les pays du monde. Il faut trouver les bonnes gouvernances.

C’est pour cela que la Ministre du Numérique a fait adopter, dès fin 2018, un décret sur la gouvernance des projets numériques, pour structurer les projets, s’assurer qu’on a des comités de pilotage et techniques bien organisés. C’est fondamental.

Cela passe par de la sensibilisation, de la formation. Nous avons des programmes qui ciblent l’administration publique, mais aussi le secteur privé et les collectivités locales. C’est tout cela qui permet de rendre le numérique accessible à tous, et de favoriser l’acceptabilité du changement.

Je ne vais pas insister sur les sujets techniques ou financiers. Parce que quand un projet est bien structuré, il trouve du financement. J’en ai la conviction. Notre vrai défi aujourd’hui est de concevoir des projets et d’attirer des ressources humaines de qualité. C’est pour cela qu’on essaie de maintenir un bon équilibre, un écosystème stimulant, qui attire. Quand les ressources humaines sont de qualité, et évoluent dans un environnement porteur, l’émulation génère des idées, crée des opportunités, et permet de piloter des projets de qualité.

C’est ce qu’ont fait les Coréens, les Chinois, les Japonais, en créant une économie de la connaissance. Leur premier levier, c’était la formation, l’éducation, et l’émergence de ressources humaines compétentes.

Propos recueillis par Louis-Nino Kansoun et Olivier De Souza

(Source : Agence Ecofin, 2 avril 2025)

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