Baisse des prix d’Internet en Afrique : les câbles sous-marins ne suffisent pas
lundi 14 juillet 2025
L’Afrique connaît une transformation numérique, portée par l’essor des infrastructures internationales. Pourtant, derrière la promesse d’un accès facilité à Internet, plusieurs enjeux économiques, sociaux et réglementaires demeurent et interrogent la portée de cette révolution.
L’arrivée ou le renforcement des câbles sous-marins induit une chute rapide des prix de l’Internet, particulièrement en Afrique où les coûts d’accès sont historiquement élevés. C’est ce qu’enseigne le rapport « The Impact of Submarine Cables on Internet Access Price, and the Role of Competition and Regulation », publié en juin 2025 par la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (FERDI).
Ce rapport révèle qu’un doublement de la capacité internationale apportée par les câbles sous-marins entraîne une baisse immédiate de 32 % du prix du haut débit fixe et jusqu’à 50 % pour le haut débit mobile.
Au Nigeria, par exemple, le déploiement de cinq nouveaux câbles entre 2010 et 2015 a entraîné une baisse de cinq points du prix du haut débit mobile. En Tunisie, l’inauguration du câble Didon en 2014 a eu un effet similaire sur les tarifs mobiles, ajoute FERDI.
La Banque mondiale appuie également ce constat. Dans une étude publiée en juillet 2024, elle montre que chaque doublement de la capacité des câbles sous-marins en Afrique induit généralement une baisse de 7 % du prix de l’Internet haut débit fixe. Pour le haut débit mobile, la baisse moyenne est de 13 % sur le continent.
La régulation, facteur clé pour pérenniser la baisse des prix
D’après les données de la FERDI, l’effet sur les prix du haut débit fixe tend à s’estomper après quatre ans si la concurrence n’évolue pas ou si le marché se concentre à nouveau. La fondation insiste donc sur le rôle déterminant de la régulation.
Seuls les pays dotés d’une autorité indépendante, capable d’imposer la concurrence, d’encadrer le partage d’infrastructure et de protéger les consommateurs, bénéficient pleinement de la baisse des prix liée aux câbles sous-marins. L’Union internationale des télécommunications (UIT) corrobore ce constat, soulignant que la régulation et l’ouverture du marché sont les premiers facteurs expliquant les écarts tarifaires entre pays africains, bien plus que la simple présence de câbles.
Des disparités persistantes et des défis de gouvernance
L’actualité a mis en lumière la vulnérabilité des réseaux africains. En mars 2024, plusieurs coupures majeures de câbles sous-marins ont paralysé l’accès à Internet dans une dizaine de pays d’Afrique de l’Ouest et centrale. Ces incidents ont révélé la dépendance du continent à quelques infrastructures critiques et le manque de réseaux de secours nationaux. Selon l’Union internationale des télécommunications, cette fragilité accentue les écarts d’accès et de prix entre les capitales et les régions intérieures, ainsi qu’entre les pays côtiers et enclavés.
Par ailleurs, la concentration du marché reste un risque. FERDI note que si la concurrence baisse après l’arrivée des câbles, les prix peuvent remonter, notamment sur le haut débit fixe. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dans une note de 2023, recommande de renforcer la régulation et d’encourager l’entrée de nouveaux acteurs pour éviter une concentration du secteur.
Les câbles sous-marins constituent un levier puissant pour démocratiser l’accès à Internet en Afrique, mais leur impact réel repose sur la qualité des politiques publiques, de la régulation et de l’investissement dans les réseaux nationaux. Les experts s’accordent sur la nécessité de renforcer la résilience des infrastructures, d’élargir la concurrence et de cibler l’inclusion numérique pour que la baisse des prix bénéficie à tous.
Melchior Koba
(Source : Agence Ecofin, 14 juillet 2025)