Avec son refus d’intégrer l’interopérabilité de la BCEAO, Wave prouve qu’il détient la vraie souveraineté monétaire. Pays de l’UEMOA, réveillez-vous !
mardi 30 septembre 2025
UN SÉISME SILENCIEUX DANS L’UEMOA
En refusant d’intégrer le système d’interopérabilité mis en place par la BCEAO, la fintech américaine Wave a provoqué un bouleversement majeur, passé presque inaperçu : la souveraineté monétaire dans la zone UEMOA n’est plus uniquement institutionnelle, elle est devenue opérationnelle et elle se trouve désormais entre les mains d’un acteur privé.
En contrôlant les flux quotidiens, les tarifs, l’expérience utilisateur et une base massive de clients, Wave exerce aujourd’hui un pouvoir monétaire de fait que ni la BCEAO ni l’État sénégalais ne maîtrisent pleinement. Pendant que la Banque centrale édicte des règles, Wave impose la réalité économique sur le terrain.
INTEROPÉRABILITÉ : UNE BELLE IDÉE BLOQUÉE PAR UN VIDE JURIDIQUE
L’interopérabilité vise à relier tous les acteurs du système financier banques, fintechs, opérateurs de mobile money pour fluidifier les paiements numériques entre plateformes. La BCEAO a investi dans cette infrastructure pour harmoniser le marché.
Mais une faille majeure subsiste : le franc CFA étant juridiquement adossé à l’euro, toute innovation dépend des évolutions légales européennes. Or, le Parlement européen n’a pas encore légiféré sur l’euro numérique. En l’absence de ce socle, la BCEAO se retrouve sans base juridique solide pour contraindre une fintech étrangère comme Wave à se conformer à ses règles. Tant que ce vide perdurera, le pouvoir normatif de la BCEAO restera largement théorique.
MÊME AVEC UNE LOI, WAVE A DÉJÀ UN COUP D’AVANCE
Imaginons que demain, une législation régionale soit adoptée pour imposer l’interopérabilité. Wave pourrait très simplement contourner le système. L’entreprise est déjà adossée à USDT (Tether), un stablecoin indexé sur le dollar, lui permettant d’opérer des transactions numériques transfrontalières sans passer par les circuits traditionnels.
De plus, deux cadres réglementaires internationaux lui offrent une sécurité juridique :
• MICA, le règlement européen sur les crypto-actifs,
• et le Genius Act aux États-Unis.
Grâce à ces textes, Wave peut s’appuyer sur des législations extrazone pour continuer à fonctionner légalement en stablecoin, en dehors de la BCEAO. Cela signifie que même un durcissement réglementaire local ne suffira pas à freiner sa capacité d’action. Le cœur de la souveraineté monétaire pourrait tout simplement migrer vers des infrastructures numériques globales.
LE POUVOIR, CE N’EST PAS LE TEXTE… C’EST LE CONTRÔLE DES FLUX
La BCEAO peut produire autant de règlements qu’elle le souhaite ; si elle ne peut les faire respecter par les acteurs dominants, sa souveraineté reste formelle. Wave, lui, détient :
• les volumes massifs de transactions,
• la confiance populaire,
• une infrastructure indépendante,
• et un réseau d’agents incomparable.
Il contrôle la vitesse, la direction et le coût de la circulation monétaire numérique. Ce que les économistes appellent une souveraineté monétaire de facto. Le paradoxe est saisissant : dans une union où les États n’ont plus la maîtrise de leur monnaie, c’est une fintech étrangère qui exerce désormais cette fonction stratégique.
CE QUE WAVE A FAIT, L’ÉTAT POUVAIT LE FAIRE
Beaucoup ne comprennent pas que la monnaie n’est pas seulement une unité de compte, c’est avant tout un instrument de paiement. Et détenir la souveraineté monétaire signifie avant tout posséder et contrôler son propre instrument de paiement.
Ce que Wave a construit en cinq ans, l’État du Sénégal pourrait le faire en trois ans s’il en faisait une priorité stratégique : développer une infrastructure de paiement souveraine, créer une masse monétaire numérique endogène et l’utiliser pour financer directement l’économie réelle, lutter contre la pauvreté, moderniser le système de santé et renforcer l’éducation.
Comme l’a magistralement souligné l’économiste Ben Dyson, « 99 % des économistes ne comprennent pas réellement la monnaie ». Ce malentendu collectif explique pourquoi nos élites tardent à saisir l’enjeu fondamental de la création et du contrôle de l’instrument monétaire. Pendant ce temps, des acteurs privés, eux, l’ont compris et avancent rapidement.
CONCLUSION : L’HEURE DE LUCIDITÉ A SONNÉ
Tant que la BCEAO restera focalisée sur la norme sans maîtriser la pratique, elle continuera à perdre du terrain. Wave n’a pas besoin d’interopérabilité pour être central : c’est le système qui tourne autour de lui.
La Banque centrale veut reprendre la main ? Elle doit d’abord reconnaître que le pouvoir monétaire s’est déplacé vers le numérique… et demain peut-être vers les stablecoins globaux.
La souveraineté monétaire ne se décrète pas. Elle se pratique. Et aujourd’hui, dans l’UEMOA, celui qui la pratique le mieux… c’est Wave.
Dr Seydou Bocoum
(Source, Groupe WhatsApp du RASA, 30 septembre 2025)